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Publié le 30 nov 2011Lecture 7 min

Doit-on se baser sur le score Syntax pour opérer un patient ?

D. CARRIÉ, N. BOUDOU, N. DUMONTEIL, T. LHERMUSIER, Hôpital Rangueil, CHU de Toulouse

Un des grands mérites de l’étude SYNTAX a été de déterminer un score angiographique qui, d’une part, permet de stratifier le risque interventionnel de chaque patient et, d’autre part, de faire évoluer les différents scores de risque, qu’ils soient cliniques, angiographiques ou fonctionnels. Faut-il donc parler de pensée unique ou intégrer ces scores de risque dans notre pratique quotidienne où la connaissance du patient dans son ensemble et le niveau d’expertise de l’équipe sont des éléments déterminants pour le pronostic du patient ?

Score Syntax Il représente un score de risque angiographique faisant intervenir plusieurs composantes telles que le nombre, la loca-lisation des lésions (tronc commun gauche, bifurcation, occlusion chronique, lésions tritronculaires) et leurs caractéristiques (tortuosité, calcification, thrombus), ainsi que la dominance artérielle. Alors que pour les chirurgiens ce score Syntax n’intervient pas dans le pronostic de la revascularisation myocardique (pontage coronaire réalisé en territoire sain en aval des lésions coronaires), il en est tout autrement pour le cardiologue interventionnel. Ce score Syntax nous a fait réaliser, d’une part, que la définition d’un patient tritronculaire n’était pas assez précise et, d’autre part, que la sévérité de ce score conditionnait le pronostic. Est-il validé ? Les résultats de l’étude SYNTAX retrouvent un taux identique d’événements cardiaques majeurs à 3 ans entre chirurgie et stent actif lorsque ce score est inférieur ou égal à 22. Lorsqu’il est compris entre 23 et 32, le taux d’événements cardiaques majeurs est identique dans le sous-groupe tronc commun alors qu’il devient plus important dans le groupe angioplastie pour les patients tritronculaires et la population globale. Enfin, lorsque ce score Syntax est supérieur à 33, l’avantage revient à la chirurgie, quel que soit le sous-groupe tronc commun, lésions tritronculaires ou population générale. Deux autres études confirment la validité de ce score Syntax. En 2009, Capodanno retrouve à 2 ans, pour les lésions du tronc commun gauche traitées par chirurgie ou angioplastie (819 patients), un taux de mortalité identique entre les deux groupes lorsque le score Syntax est inférieur ou égal à 34 alors que les résultats sont très nettement en faveur de la chirurgie (MACE : 8,5 % vs 32,7 %) lors-que ce score est supérieur à 34. Kim, en 2010, confirme à 3 ans l’intérêt de cette stratification du risque en termes d’événements cardiaques majeurs en fonction des tertiles (< 23, 23 à 36 et > 36) dans une population de 645 patients porteurs de lésions du tronc commun coronaire gauche. A-t-il un intérêt clinique et scientifique ? Il est probable que sur le plan clinique les études Syntax Leaders en 2010 et Syntax Resolute en 2011 qui ont analysé de façon rétrospective la sévérité des lésions confirment bien qu’à partir d’un score > 16, le taux d’événements cardiaques majeurs est proportionnel à la sévérité de celui-ci, même si dans ces deux études, la diffusion de la maladie coronarienne était beaucoup moins sévère que dans l’étude Syntax. Finalement, les recommandations de la Société européenne de cardiologie en 2010 sur la revascularisation myocardique confirment bien l’importance de ce score Syntax puis-qu’elles autorisent l’angioplastie avec un niveau de preuve suffisant lorsque ce score Syntax est < 22, qu’il y ait ou non une lésion du tronc commun gauche isolée ou associée à d’autres lésions coronaires. Faut-il intégrer ce score Syntax à d’autres scores de risque clinique ? Lorsqu’on reprend la littérature, le nombre de scores de risque clinique et angiographique est considérable (tableau). Certains sont validés en termes de mortalité hospitalière ou d’événements cardiaques majeurs, mais le plus souvent dans les groupes chirurgicaux. Le score Syntax, par exemple, est validé dans la sévérité de la diffusion de la maladie coronarienne mais n’est en aucun cas à lui seul un outil pronostique. C’est pourquoi certains auteurs ont cherché à combiner des scores cliniques et angiographiques afin d’augmenter leurs sensibilité et spécificité. En 2010, Capodanno associe l’EuroScore au score Syntax (Global Risk Classification : GRC) pour calculer le risque interventionnel du patient coronarien devant bénéficier d’un geste interventionnel. Pour un EuroScore allant de 0 à 6 et un score Syntax ≤ 27, le risque interventionnel est faible alors qu’un EuroScore > 6 combiné à un score Syntax > 27 entraîne un risque interventionnel très élevé. Avec ce GRC, la survie à 2 ans dans un échantillon de 255 patients traités par angioplastie pour une lésion du tronc commun gauche est de 98,4 % dans le groupe à bas risque, 84 % dans le risque intermédiaire et seulement 66,6 % dans le groupe à haut risque. Dans le même ordre d’idées, la relecture de l’étude SYNTAX en intégrant à la fois le score Syntax et l’EuroScore donne des résultats plus précis en termes de pronostic. Trois groupes sont individualisés : le groupe à bas risque (EuroScore < 6 et score Syntax < 33), le groupe à risque intermédiaire (score Syntax < 33 et EuroScore ≥ 6 ou score Syntax ≥ 33 et EuroScore < 6) et enfin le groupe à haut risque (score Syntax ≥ 33 et EuroScore > 6). En reprenant le sous-groupe des troncs communs (étude randomisée + registre) avec ce GRC, on s’aperçoit, qu’à 3 ans, en termes de mortalité globale ou d’événements cardiaques majeurs, le groupe à bas risque (235 patients de la population Syntax du groupe chirurgie) aurait pu être traité par angioplastie, ce qui dans le futur pourrait correspondre à près de 40 % de patients redevables de l’angioplastie pour ce type de patients évalués à bas risque par ce GRC. Un autre score de risque intéressant est le NEw Risk classification Score (NERS) qui prend en compte 17 variables cliniques, 33 angiographiques et 4 relatives à la procédure. Chen, en 2010, compare à partir des courbes ROC les scores Syntax et NERS dans une population de troncs communs et conclut à une plus grande sensibilité et spécificité de ce score NERS en termes de mortalité et d’événements cardiaques majeurs (respectivement 0,864 vs 0,742 et 0,891 vs 0,695). Enfin, il n’est plus possible aujourd’hui de parler de score de risque angiographique sans prendre en compte l’évaluation fonctionnelle de la lésion par la mesure de la Fractional Flow Reserve (FFR). Si l’on prend un seuil significatif de FFR < 0,8 pour affirmer qu’une lésion doit être traitée, les corrélations avec l’angiographie sont excellentes lorsque la sténose est évaluée à l’œil nu entre 90 et 99 %. Entre 70 et 90 %, il n’y a plus que les trois quarts des lésions qui auront une FFR < 0,8 et lorsque la lésion est évaluée entre 50 et 70 %, les 2/3 des lésions ont une FFR > 0,8. Cela remet donc en question la valeur prédictive de tous les scores prenant en compte des variables angiographiques, y compris le score Syntax puisque l’aspect fonctionnel n’est pas englobé dans cette classification. C’est tout le mérite des investigateurs de l’étude FAME (JACC 2011) d’avoir repris les 497 patients de cette étude et d’avoir recalculé un score Syntax fonctionnel en incorporant les lésions ischémiques guidées par la FFR. Ce nouveau score permet de diminuer très significativement le nombre de patients à haut risque (32 % des patients basculant dans le groupe à bas risque) et permet une meilleure discrimination du risque d’événements cardiaques chez les patients pluritronculaires devant bénéficier d’angioplastie coronaire. Comment faut-il intégrer ces scores dans notre pratique quotidienne ? Il faut bien reconnaître qu’en clinique humaine ces scores de risque ont des limites d’ordre multifactoriel. La première limite est le fait que ces scores n’intègrent jamais toutes les composantes inhérentes à la morbidité d’un patient. Qui plus est des éléments subjectifs comme l’élan de vie, le dynamisme ou la qualité de vie sont encore imparfaitement modélisés. La deuxième limite est le fait que l’évaluation de ces scores pour chaque patient est time-consuming et que nos activités quotidiennes sont difficilement compatibles avec ce surcroît de travail. Une troisième limite est le coût onéreux des sondes FFR qui n’ont toujours pas obtenu le remboursement en France ce qui en limite donc leur utilisation. Il faut donc répondre à deux questions : faut-il se servir de ces scores de risque dans notre pratique quotidienne de cardiologue interventionnel ? Si oui, quels sont donc ces scores de risque clinique, angiographique, voire fonctionnel, les plus pertinents à utiliser ? Incontestablement, ces scores de risque sont une aide précieuse pour prendre nos décisions thérapeutiques. En dehors du score Syntax fonctionnel qui ne sera facilement applicable qu’avec l’utilisation régulière des sondes FFR, le score angiographique Syntax, même s’il n’a pas de valeur pronostique de façon isolée, devient un outil très utile pour la décision thérapeutique, d’autant plus que ce score s’élève au-delà de 25-30. Il doit alors s’associer à un score clinique tel que l’EuroScore pour calculer le GRC qui permet ainsi de sélectionner de façon beaucoup plus précise les patients à bas risque et ceux à risque intermédiaire, voire élevé. Conclusion Même si ces pratiques ne sont pas systématiques au quotidien, elles devraient le devenir avec des logiciels d’utilisation simple, d’autant plus que le niveau de risque clinique et angiographique se situe dans les zones bordantes où le choix entre chirurgie et angioplastie n’est jamais très simple à faire.

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