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C Demain

Publié le 29 juin 2023Lecture 10 min

Point sur le traitement endovasculaire de l'AFC

Bahaa NASR, CHU de Brest

La chirurgie conventionnelle est considérée comme le traitement de référence des lésions occlusives du trépied fémoral. Cependant, elle est limitée par un taux non négligeable de complications pré- coces en lien avec l’abord du scarpa(1). Au cours des dernières années, l’amélioration du matériel endovasculaire a permis une approche endoluminale de cette zone anatomique longtemps considérée comme un sanctuaire chirurgical. Les lésions les plus complexes à traiter sont les lésions qui touchent l’artère fémorale commune et sa bifurcation.

L'algorithme du traitement endovasculaire des lésions occlusives du trépied fémoral suit celui du traitement des lésions fémoropoplitées. La première étape correspond à l’analyse de la lésion grâce à une imagerie en coupe. Cette analyse comprend la localisation de la lésion (fémorale commune isolée ou lésion de la bifurcation), sa longueur et son étendu, son caractère calcifié ou non, et la présence de lésions associées. • Azéma a classé les lésions athéromateuses de la bifurcation fémorale en quatre groupes(2) (figure 1) : – le type I représente les lésions situées au niveau de l’artère iliaque externe et étendues à l’artère fémorale commune (AFC) ; – les lésions de type II sont limitées à l’AFC ; – le type III représente les lésions situées au niveau de l’AFC et de sa bifurcation ; Figure 1. Classification des lésions occlusives du trépied fémoral, d’après Azéma et coll.(2). A : lésion type I ; B : lésion type II ; C : lésion type III.   • les lésions de type IV représentent des sténoses sur une anastomose proximale ou distale d’un pontage. Rabellino a proposé une nouvelle classification en sous-classant les lésions de l’AFC de type III et en ajoutant un nouveau groupe comprenant les lésions de l’artère iliaque externe qui s’étendent à l’AFC et qui affectent sa bifurcation(3). Les étapes suivantes feront partie de la technique opératoire : l’accès, la technique de franchissement, la préparation du vaisseau et le traitement.   Accès vasculaire   En général, l’intervention est réalisée sous anesthésie locale et peut être effectuée dans un cadre ambulatoire. S’agissant de lésions au niveau du trépied fémoral, l’approche est souvent effectuée par une ponction fémorale controlatérale (cross over) ou par le membre supérieur (voie brachiale ou radiale). Selon la technique de revascularisation choisie, la procédure peut être réalisée avec un introducteur de 6 F ou de 7 F afin de faciliter l’introduction simultanée de matériel dans l’artère fémorale superficielle (AFS) et profonde (AFP). Il est possible de multiplier les accès (ponction rétrograde de l’AFS ou l’AFP) pour faciliter le traitement.   Techniques de franchissement   Les lésions occlusives du trépied fémoral sont connues par leur caractère fibrocalcique avec des métaplasies ostéoïdes(4). Il est très important d’essayer de rester en intraluminal même si la lésion est longue et complexe. Ceci peut être facilité par l’utilisation des guides 0.014 et par une bonne visualisation de la bifurcation. Le franchissement d’une occlusion peut être difficile par voie antérograde. L’association d’une voie rétrograde par ponction de l’AFS ou de l’AFP rend le franchissement plus aisé. Le scanner pré-opératoire doit servir au calcul de l’angulation nécessaire pour visualiser la bifurcation. Afin de sécuriser la procédure, un guide 0.014 est placé dans chaque artère fille.   Préparation des vaisseaux   La préparation du vaisseau est une étape clé pour garantir la qualité du traitement qu’il s’agisse d’un traitement par ballon actif ou par stent. L’angioplastie est la technique la plus fréquente, mais d’autres solutions peuvent être envisager pour lutter contre le recoil. Les ballons à haute pression peuvent venir en complément de l’angioplastie simple pour lever les sténoses les plus réfractaires. Cependant, ils exposent au risque de dissection et imposent souvent l’utilisation d’un stenting pour traiter la dissection. Dans les lésions calcifiées, l’athérectomie permet de gagner en lumière et elle est obligatoire en cas d’utilisation des dispositifs utilisant un principe actif(5). En cas de calcifications excentriques, le système d’athérectomie directionnelle est une bonne indication. Par contre, pour les lésions calcifiées circonférentielles, il est préférable d’utiliser un système d’athérectomie rotationnelle ou une technique de lithotripsie endovasculaire. Les petites séries publiées ont montré que la lithotripsie est une technique prometteuse et intéressante dans le traitement endovasculaire du trépied fémoral(6). Son avantage est de permettre la réalisation d’une angioplastie avec une pression moins forte permettant d’éviter es dissections. De même, elle nous permet d’obtenir une paroi plus compliante, facilement traitable avec un ballon actif ou un stent auto-expansible.   Choix du traitement   Après avoir effectué une préparation du vaisseau, le traitement est choisi en fonction de la technique de préparation et les préférences de l’opérateur. Certains physiciens considèrent la région inguinale comme une zone de « no stent ». Lorsque l’angioplastie au ballon nu est utilisée seule pour traiter les lésions de l’AFC, elle est associée à un taux élevé de stenting provisoire à cause des résultats suboptimaux de l’angioplastie ou du « recoil ». L’utilisation des ballons actifs a été décrite dans les lésions du trépied fémoral. Cependant, leur efficacité reste limitée par le caractère calcifié des lésions qui empêchent la pénétration du produit actif dans la paroi. Ils sont souvent utilisés après une préparation par les techniques d’athérectomie. L’association d’une athérectomie directionnelle et du ballon actif a montré une perméabilité primaire de 84 % à 3 ans(5). Dans cette étude, le « bailout stenting » était de 7,5 %. En France, l’utilisation des systèmes d’athérectomie et de lithotripsie intravasculaire est limitée par l’absence du remboursement et l’absence de niveau de preuve scientifique suffisant justifiant leur utilisation. Pour cette raison, le stenting reste le choix de première intention. Il faut séparer la technique du stenting « simple », utilisant un seul stent au niveau de l’artère fémorale commune ou à cheval entre l’artère mère et une des artères filles, des techniques de stenting dites « complexes ». Le choix de la technique va dépendre de la localisation de la lésion et de sa classification. Le stenting simple est utilisé pour les lésions Azéma I et II. De même, il peut être utilisé dans les lésions Azéma III en cas d’occlusion d’une des artères filles (AFS ou AFP). Dans cet article, nous allons détailler les différentes techniques de stenting complexes utilisées dans les lésions de la bifurcation type Azéma III.   Le « V stenting » ou le « kissing stent » La technique « V stenting » consiste à l’implantation de 2 stents ensemble. Un stent est avancé dans l’AFP, l’autre dans l’AFS, et les 2 stents se touchent en formant une carène proximale (figure 2). Lorsque cette carène s’étend de 5 mm ou plus dans l’AFC, cette technique est appelée « kissing stent ». Les lésions les plus appropriées pour cette technique sont les lésions ostiales, avec un angle aigu entre les deux artères filles. Les stents utilisés dans cette technique sont souvent des stents sur ballon en acier ou en chrome cobalt sur porteur monorail. Les stents en chrome cobalt sont préférés du fait de leur meilleur profil. Les deux stents peuvent être introduits alternativement dans un introducteur de 7F puis poussés simultanément jusque la zone à traiter. De même, il est également possible de réaliser l’implantation des 2 stents simultanément en réalisant une ponction rétrograde de l’AFS homolat rale. Figure 2. Technique de « kissing stent ».   Le « T stenting » Cette technique consiste à positionner un stent entre l’AFC et l’AFP. En cas d’utilisation d’un stent sur ballon, la technique de POT (Proximal optimisation technique) peut être réalisée au niveau de la partie proximale du stent située dans l’AFC. Elle permet d’appliquer le stent sur les parois de l’AFC et d’ouvrir les mailles du stent à ce niveau. Le guide est laissé en place et un deuxième guide est utilisé pour cathétériser l’AFS à travers les mailles du précédent stent. Les mailles du stent sont ouvertes par un ballon de 4 ou 5 mm permettant le passage et l’implantation d’un deuxième stent au niveau de l’ostium de l’AFS. Une angioplastie par ballon en « kissing » permet de bien appliquer les stents et de bien les remodeler (figure 3). Figure 3. Technique « T stenting » utilisant deux stents sur ballon et la technique « POT ».   La technique « culotte » La technique de « culotte » utilise 2 stents et permet une couverture complète de la bifurcation au détriment d’un excès de métal au niveau de l’artère fémorale commune (figure 4). Un stent est d’abord déployé entre la fémorale commune et l’AFP ou l’AFS. La technique « POT » est ensuite réalisée et l’artère non stentée est cathétérisée à travers les mailles du stent. Un deuxième stent est avancé et implanté à cheval entre l’AFC et l’artère non stentée. On termine par une angioplastie en « kissing » pour bien remodeler l’ensemble des stents. Figure 4. La technique de « culotte ».   Les deux dernières techniques décrites posent le problème de l’utilisation d’un stent sur ballon dans l’artère fémorale commune. Tijani et coll. ont montré que la zone mobile se situe au niveau de la jonction iliofémorale(7). De ce fait, il y a peu de risque de fracture de stent en rapport avec les contraintes mécaniques de la flexion de hanche. Cependant, la mise en place d’un stent sur ballon à ce niveau compromet une ponction ultérieure à ce même niveau. Ceci expose au risque d’écrasement du stent. Afin d’éviter ce risque, il est préférable de privilégier les stents auto-expansibles au niveau de l’AFC. Le stent SuperaTM a montré de très bons résultats au niveau de l’AFC(8). Il a l’avantage d’un stent auto-expansible qui peut à la fois résister au risque d’écrasement lié au calcium, d’être assez flexible pour être positionner à la jonction ilio-fémorale pour les lésions Azéma I et de maintenir un accès ultérieur possible à ce niveau. L’étude prospective, multicentrique, VMI-CFA évaluant le stent SuperaTM dans le traitement des lésions athéromateuses de l’artère fémorale commune a montré une perméabilité primaire de 100 % à 6 mois.   La technique « Tour Eiffel » Elle consiste au déploiement d’un stent auto-expansible dans l’artère fémorale commune. Une angioplastie par « kissing » avec deux ballons 0.014 est réalisée au niveau de l’ostium des deux artères filles en débordant à l’intérieur du stent auto-expansible déjà en place. On finit par réaliser un « kissing stent » au niveau des artères filles (figure 5). Le « kissing stent » peut être effectué à l’aide de deux stents sur ballon, qui débordent très légèrement dans le stent auto-expansible. Figure 5. La technique « Tour Eiffel » : un stent auto-expansible dans l’artère fémorale commune et deux stents sur ballon dans les deux artères filles.   Les résultats du traitement endovasculaire des lésions occlusives de la bifurcation fémorale   L’amélioration du matériel endovasculaire et surtout l’amélioration des compétences endovasculaires des opérateurs ont conduit à une augmentation des procédures endovasculaires de la bifurcation fémorale. La littérature a démontré des excellents résultats à moyen terme du traitement endovasculaire. Stricker et coll. ont rapporté une perméabilité primaire de 87 % à 12 mois et de 83 % à 24 mois(9). L’étude randomisée, française TECCO, comparant le traitement endovasculaire à la chirurgie conventionnelle, a montré un taux de morbi-mortalité significativement infé-ieur dans le groupe endovasculaire(10). Elle a aussi mis en évidence l’absence de différence en terme de perméabilité et de taux de réintervention à 2 ans. Ces résultats répondent au vieillissement de la population et à l’augmentation des patients diabétiques et porteurs de comorbidités. De même, les techniques endovasculaires permettent un accès plus facile à une prise en charge ambulatoire. Dans une métaanalyse publiée récemment, la chirurgie conventionnelle a montré une meilleure perméabilité à 12 mois, sans que cette différence soit significative (92 % vs 85 %)(11). Yamauchi et coll. ont décrit les facteurs de risque de resténose après traitement endovasculaire de la bifurcation fémorale(12). Les artères de petit diamètre (< 6 mm), un antécédent de traitement endovasculaire du trépied, et les lésions longues ≥ 50 mm sont des facteurs de risque de resténose. Malgré les résultats prometteurs du traitement endovasculaire, la chirurgie conventionnelle reste le traitement recommandé dans la prise en charge des lésions occlusives de la bifurcation fémorale. Même si beaucoup de chirurgiens ont changé leur stratégie de prise en charge du trépied fémoral, il est nécessaire de publier d’autres études de haut niveau scientifique avec des résultats à long terme pour entraîner une modification des directives.   Conclusion   Les innovations technologiques portant sur le traitement de la plaque calcifiée, l’utilisation des stents avec des caractéristiques spécifiques de cette zone, et les résultats promoteurs à court et moyen terme nous permettent d’envisager le traitement endovasculaire des lésions occlusives de la bifurcation fémorale en première intention, spécialement chez les patients à haut risque de complications du scarpa.

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