Publié le 22 déc 2023Lecture 9 min
PROMs : Patient-reported outcome measures
Stéphane BURZAWA, Cathy MAILLARD, Iqvia France, Paris
Peu connu par les professionnels de santé, pourtant l’utilité du PROMs est importante pour une meilleure qualité de la prise en charge des patients. Explications.
Lorsque nous abordons la qualité de soins des patients, il s’avère essentiel de mettre en lumière le concept de « Patient-reported outcomes » (PROs). Conformément à la Haute Autorité de santé (HAS), le PRO couvre « une ou plusieurs caractéristiques de l’état de santé du patient exprimées directement par lui-même ». Parallèlement, selon l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA), le PRO désigne « toute mesure de l’état de santé du patient qui est rapportée directement par le patient, sans interprétation du médecin ou d’une tierce personne ». Ces caractéristiques sont mesurées à l’aide de questionnaires standardisés, dont les propriétés psychométriques sont validées et sont désignées sous le nom de « Patient-reported outcome measures » (PROMs).
Les années 1970 ont marqué les premiers travaux sur les PROMs à travers un recueil dans les registres nationaux aux États-Unis, en Angleterre, en Suède et aux Pays-Bas. Par la suite et vers les années 1990, le Canada et des pays nord-européens (Danemark, Norvège) ont intégré les indicateurs rapportés par les patients, suivis par d’autres pays ouest-européens (Belgique, Allemagne) dans les années 2000. Quant à la France, elle a adopté ce type de recueil dans les années 2010. Les premiers PROMs sont apparus pour mesurer les troubles cognitifs, puis d’autres indicateurs ont été ajoutés tels que la qualité de vie, la fatigue, la douleur, etc.
Définition
Les PROMs peuvent être génériques ou spécifiques. Les PROMs génériques englobent des dimensions qui s’appliquent à diverses situations cliniques indépendamment de la pathologie, et mesurent des aspects tels que la qualité de vie liée à la santé. Les PROMs génériques incluent par exemple les questionnaires Short-Form-36 (SF-36), le Short-Form-12 (SF-12) ou l’EuroQol-5D (EQ-5D). En revanche, les PROMs spécifiques ciblent des pathologies, des populations et des dimensions spécifiques. Ils peuvent être autoadministrés (remplis par le patient lui-même) ou administrés par un professionnel de santé, un enquêteur ou même un parent dans le cas de patients pédiatriques. Toutefois, l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) suggèrent d’associer l’utilisation de PROMs spécifiques et génériques pour une compréhension plus précise de la perception de l’état de santé du patient.
Comme précédemment indiqué, les PROMs sont largement reconnus à l’échelle internationale, étant intégrés depuis de nombreuses années dans plusieurs pays. En 2009, le National Health Service du Royaume-Uni (NHS) a instauré l’obligation de remplir un questionnaire avant et après des interventions chirurgicales, telles que pour les hernies inguinales et les varices veineuses. À l’échelle nationale, et afin d’aider les professionnels à intégrer les PROMs dans leur pratique, la HAS a élaboré des guides d’utilisation. Ces derniers visent à améliorer les pratiques en impliquant les professionnels de santé et les patients dans une démarche collaborative, notamment pour certaines pathologies chroniques telles que l’insuffisance cardiaque et le syndrome coronarien chronique.
Méthodologie
Les PROMs sont des questionnaires développés en utilisant une méthodologie robuste qui contrôlent les biais subjectifs en proposant des items standardisés et validés élaborés avec un consensus d’experts médicaux. Ils sont validés, en plusieurs langues et leurs propriétés psychométriques permettent leur utilisation en l’état.
Ils peuvent mesurer diverses dimensions de la santé (physique, mental et social) comme c’est le cas pour les Short-Form (SF-12 et SF-36). Les résultats sont présentés en termes de scores composites. Ces PROMs sont accompagnés d’une documentation détaillant les méthodes d’administration, de scoring, d’analyse et d’interprétation des résultats afin de faciliter leur utilisation.
Il existe trois principaux modèles d’utilisation des PROMs :
- en pré- et postintervention pour évaluer l’évolution clinique du patient après son passage dans un service ou après une intervention ;
- comme modèle longitudinal pour évaluer les résultats en matière de santé dans le temps ;
- comme modèle transversal pour établir des références pour différents groupes de population afin de faciliter les comparaisons relatives.
Le choix d’un de ces modèles dépend des objectifs prévus de la collecte de données sur les PROMs.
Afin d’implémenter et de développer l’utilisation des PROMs standardisés et axés sur le patient, l’International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM) a mis en place des groupes de travail constitué de plusieurs experts (patients, chercheurs, décideurs politiques, etc.). Dans cette même optique, l’OCDE, en collaboration avec d’autres partenaires internationaux tels que la HAS, a mis en place en 2017 l’initiative PaRIS (Patient-reported indicators survey) dont le but est d’accélérer l’adoption d’indicateurs de résultats de type PROMs validés, standardisés et comparables entre les pays.
Objectifs
Les PROMs peuvent être utilisés pour aider à élaborer un diagnostic. Par exemple, lors de l’épidémie du Covid-19, les PROMs ont permis de recueillir les symptômes ressentis par les patients et donc d’identifier rapidement les patients contaminés. Dans ce contexte, l’hôpital de cancérologie Gustave-Roussy a mis en place un suivi à distance des patients atteints de cancer et testés positivement au Covid-19 à l’aide d’un recueil régulier de PROMs, et dont les résultats ont permis de générer des alertes et de définir ensuite une prise en charge adaptée à l’état clinique du patient.
Ils jouent également un rôle dans la facilitation et le renforcement de la communication entre le médecin et le patient, et aident à adapter la prise en charge en cas de besoin. Cette approche permet donc au patient de se sentir écouté et impliqué de manière active dans son parcours de soins, ce qui contribue à une meilleure adhérence au traitement et à une meilleure compréhension de sa maladie et de ses symptômes.
De plus, les PROMs participent grandement au développement de la recherche clinique. Ils permettent de mesurer dans le cadre d’un essai clinique les effets d’un traitement expérimental, que ce soit en tant que mesures primaires des résultats en évaluant subjectivement l’impact du traitement sur le patient, ou en complément des résultats primaires en analysant le lien entre les symptômes et la qualité de vie de patients. Par exemple, le cas des QALYs (« mesure d’années de vie ajustée en fonction de la qualité ») qui a été développé initialement pour évaluer l’efficacité de la chimiothérapie dans le cadre du cancer de sein. Les PROMs permettent également de recueillir les effets secondaires des traitements en recueillant des données « de la vie réelle », ce qui permet d’évaluer les bénéfices et les risques des produits pharmaceutiques.
Collecte des informations
Initialement, les PROMs étaient administrés sous format papier. Ensuite, les méthodes de collecte et d’analyse de données ont connu des avancées technologiques majeures au cours des 30 dernières années. Les PROMs version papier ont donc été progressivement remplacés par des versions électroniques (ePRO). Ces derniers ont eu un impact positif sur la collecte des données puisqu’ils contribuent à éviter les problèmes liés à l’illisibilité des données recueillies sur papier, garantissant ainsi des données plus complètes et plus précises. Les ePRO favorisent également l’engagement du patient dans son parcours de soins et l’interopérabilité entre les systèmes de dossiers médicaux. Par exemple, le National Institute of Health a créé en 2004 l’initiative « Patient-reported outcomes measurement information system » (PROMIS) qui est une plateforme web visant à évaluer la santé physique, mentale et sociale des adultes et des enfants grâce aux résultats déclarés par ces derniers.
La collecte électronique de données est de plus en plus utilisée dans le domaine clinique, puisque c’est un moyen efficace de suivre les patients en temps réel. Les avancées technologiques dans ce domaine ont également permis la transition vers la mise en œuvre de programmes de télésurveillance ces dernières années. Les informations collectées grâce à ces programmes sont diverses ; notamment, des données physiologiques objectives telles que la glycémie, la tension artérielle, le rythme cardiaque fournissant ainsi des indicateurs sur l’état de santé physique du patient ; mais également, des données environnementales comme la température et les niveaux de pollution, donnant ainsi un contexte plus large des déterminants de la santé. Ces données peuvent être complémentaires aux informations collectées grâce aux ePROs (par exemple, la qualité de vie du patient) permettant aux professionnels de santé d’avoir une vision plus approfondie sur le patient dans sa globalité. De plus, les résultats mis en avant par le rapport récent de la Kaiser Family Foundation ont montré que 60 % des déterminants influençant la santé globale proviennent de facteurs sociaux et environnementaux, tandis que seulement 10 % peuvent être attribués aux soins cliniques (les 30 % restants étant d’origine génétique). Ces données sont enregistrées et analysées pour pouvoir générer par la suite des alertes grâce à des algorithmes prédéfinies qui sous-tendent le programme et qui font eux-mêmes partie intégrante du marquage « CE ». Ces alertes permettent de contribuer à un meilleur suivi quotidien des patients et d’éviter les événements de décompensation, et ce, en incitant le patient à contacter son médecin traitant en urgence, ou inversement.
Mise en place de dispositifs complémentaires
Dans cette même optique, plusieurs dispositifs ont été mis en place par les autorités françaises pour favoriser le développement d’outils numériques. Le programme ETAPES « Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé » en fait partie. Prolongé pour 4 ans en 2018, ce programme est axé sur le développement de la télésurveillance et cible cinq pathologies : l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire, le diabète et les prothèses cardiaques implantables.
Un exemple concret de programme mis en place dans le cadre d’ETAPES est « Cardio heart failure » (Cardio HF). En effet, c’est un programme de télésurveillance médicale (figure) remboursé par l’Assurance maladie et développé en collaboration avec les professionnels de santé et des experts du domaine du digital. Il a pour objectif de surveiller à distance les patients souffrant d’une insuffisance cardiaque chronique afin de prévenir de nouveaux épisodes de décompensation cardiaque.
Figure. Balance connectée du programme Cardio HF.
La télésurveillance des prothèses cardiaques (stimulateurs et défibrillateurs cardiaques) est un autre exemple de dispositif de télésurveillance mis en œuvre dans le cadre du programme ETAPES. Ils améliorent considérablement la prise en charge ,en assurant un suivi à distance grâce à la transmission des données et en générant des alertes techniques, cliniques ou administratives envoyées aux professionnels de santé pour leurs permettre de réagir rapidement aux potentiels problèmes détectés.
Cependant, malgré ses nombreux avantages, l’intégration de l’utilisation d’ePRO dans le quotidien du professionnel de santé reste un défi à relever. D’une part, en termes de ressources, afin de facilité leurs mises en œuvre (systèmes d’information organisés) et, d’autre part, en raison des difficultés pour le professionnel de santé à trouver du temps pour consulter les données, les interpréter et discuter les résultats avec les patients. Il est essentiel d’accompagner les professionnels de santé à s’emparer de ces questionnaires en leur proposant des outils de formation, des supports d’aide à la décision, une interface facile à utiliser. Par ailleurs, la réalisation de ces questionnaires nécessite un investissement en termes de ressources humaines et financières. Pour lever ces freins, la collaboration entre différentes parties prenantes est essentielle.
Enfin, les PROMs ont été initié dans le domaine de la psychologie pour évaluer les troubles cognitifs et par la suite, leur utilisation a été généralisée via le développement de nombreuses échelles validées. Aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies, des programmes complets ont été développés à travers la collecte des données directement auprès des patients. Afin de soutenir le développement de ces initiatives innovantes, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2023 offre la possibilité de remboursement de ces programmes dès lors qu’ils apportent la preuve de leurs apports en termes d’amélioration du parcours de soins des patients ou de l’efficience du système de santé.
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