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Publié le 10 oct 2020Lecture 4 min
The real life - Étude de la survie des patients traités par stent actif : l’expérience d’un centre dynamique
Martin ROUER, Marc-Antoine VASSEUR, service de chirurgie vasculaire, Hôpital privé de Villeneuve d’Ascq ; Ramsay générale de santé
Depuis la publication de la métaanalyse de K. Katsanos et al.(1) établissant un lien entre produits à élution de paclitaxel et augmentation de la mortalité chez les patients traités pour artériopathie des membres inférieurs, de nombreux essais cliniques ont été stoppés et plusieurs pays ont suspendu temporairement la commercialisation de ces produits. Cette étude a subi de nombreuses critiques : sur la méthodologie, mais également sur l’inclusion d’études randomisées uniquement. Bien que considérées pour la plupart comme une preuve de haut grade pour prouver le bien fondé d’un traitement, leurs limites relatives, au caractère strictement encadré de l’inclusion des patients, fait débat depuis qu’elles font loi(2).
Plusieurs auteurs ont ainsi ont publié des études issues de larges bases de données administratives, remettant en cause l’imputabilité du paclitaxel dans l’augmentation de la mortalité(3-5).
Description du produit et choix technologique
Nous utilisons depuis mars 2016 le stent ELUVIA™ (Boston Scientific : figure 1). Il s’agit de l’armature nitinol auto-expansible du stent Innova™ enduite de deux couches de polymères non dégradables : une couche primaire et une couche matrice « réservoir de paclitaxel ».
Figure 1. Stent Eluvia™ (Boston Scientific).
La concentration du paclitaxel au niveau de l’artère est maximale dans les premières semaines suivant l’implantation puis diminue graduellement. La matrice libère la majorité du paclitaxel en 90 jours mais la concentration au niveau de l’artère diminue progressivement au-delà de 180 jours.
C’est pour ces raisons que nous l’avons choisi en première intention pour les recanalisations de l’étage fémoropoplité.
Expérience personnelle
Comme l’ensemble de la communauté médicale, le coup de pied de Katsanos dans la fourmilière remet en cause l’utilisation systématique du stent ELUVIA™ dans notre activité quotidienne. En effet les études cliniques rapportent un bénéfice en faveur de l’utilisation des stents dits « actifs ».
Notre expérience ressentie en termes de perméabilité primaire et secondaire est excellente, bien que nous n’ayons pas spécifiquement étudié la perméabilité de ce matériel à long terme. La balance bénéfice risque surmortalité/perméabilité chez les patients opérés serait donc largement défavorable si l’augmentation de la létalité n’était pas confirmée.
Matériel et méthodes
Il s’agit d’une étude de cohorte monocentrique de patients traités entre mars 2016 et le 31 décembre 2018 par stent actif pour des lésions athéromateuses occlusives iliaques externes et fémoropoplitées.
Résultats
Figure 2. Estimation de la survie à 4 ans des patients opérés d’une revascularisation des membres inférieurs avec implantation de stent enduit de paclitaxel ELUVIA™.
Discussion
La mortalité estimée toutes causes confondues à 2 et 4 ans (13 % et 20 %) était élevée dans notre série monocentrique au regard des résultats colligés par Katsanos et al. qui retrouvait une mortalité à 2 ans de 7,2 % versus 3,8 % et à 4 ans de 14,7 % versus 8,1 % dans les groupes paclitaxel versus non actif respectivement. Cependant, ces données sont à confronter aux résultats publiés à partir de larges séries issues d’études rétrospectives : Norman H. Kumins et al. ont rapporté une mortalité plus élevée dans le groupe de patients traités par stents nus que dans le groupe paclitaxel à 3,5 ans (43,9 % vs 35,2 % ; p = 0,027)(9). Ces résultats sont en phase avec les résultats des larges bases de données des assurances de santé américaines rapportant une mortalité légèrement inférieure chez les patients traités avec du paclitaxel à 600 jours (32,5 % vs 34,3 % ; logrank p = 0,007)(5),et une survie légèrement supérieure à 4 ans (51,7 % pour les stents actifs vs 50,1 % pour les stents nus ; logrank p = 0,16)(4).
La portée des chiffres et la puissance de ces études menées sur des bases de données conséquentes sont bien sûr à modérer par leur caractère rétrospectif et l’absence de précisions sur les lésions et le stade clinique : l’intérêt du volume étant largement altéré par l’absence de granularité de ces séries. Sans rentrer dans l’analyse technique de la méthodologie statistique de Katsanos, que nous serions bien incapables de critiquer, il n’est pas surprenant que la mortalité soit plus importante dans notre série et les séries rétrospectives publiées !
Il est établi que le taux de mortalité à 1 an de patients en ischémie critique est d’environ 25 %(11), contrairement aux patients claudicants qui sont une population à risque cardiovasculaire élevé, mais pour lesquels la prévention secondaire et les progrès des thérapeutiques pharmacologiques et interventionnelles permettent l’amélioration de la survie(12). Il est également important de rappeler que la mortalité des patients ayant une thrombose de stent précoce ont davantage de complications cardiovasculaires graves (AVC, infarctus du myocarde, décès)(13).
La diminution du taux de thrombose intrastent chez les patients traités par paclitaxel versus ceux traités par stents nus pourrait également contribuer à expliquer la diminution de la mortalité rapportée dans les études rétrospectives, comparativement aux études randomisées incluant majoritairement des patients claudicants, chez qui le taux de thrombose postopératoire est très faible.
Cette controverse souligne enfin l’importance des dossiers patients informatisés, structurés et dédiés à chaque pathologie. Les registres, bien qu’ayant toute leur place, sont trop chronophages pour être généralisés. Seule la collecte prospective des données cliniques recueillies dans le cadre du soin, puis automatiquement structurée pour la recherche clinique, permettra d’allier la puissance des bases de données assurantielles à la qualité des registres.
Conclusion
La mortalité toutes causes confondues à 2 et 4 ans dans cette cohorte de patients traités par stents actifs est un peu plus élevée comparée à la métaanalyse publiée par Katsanos et al.
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