Publié le 25 juin 2021Lecture 7 min
Traitement endovasculaire des lésions occlusives de la fémorale commune - Le stent SuperaTM a une place de choix
Raphaël COSCAS, service de chirurgie vasculaire, CHU Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt ; UMR 1018, Inserm-Paris 11 - CESP, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Université Paris-Saclay, Hôpital Paul Brousse, Villejuif.
Les lésions occlusives de l’artère fémorale commune (LOAFC) sont fréquemment rencontrées.
Le contexte : une chirurgie efficace mais avec des complications locales
Les lésions occlusives de l’artère fémorale commune (LOAFC) sont fréquemment rencontrées. Elles sont considérées par beaucoup comme un sanctuaire chirurgical ne devant pas être traité par voie endovasculaire. Il est indiscutable que le traitement chirurgical des LOAFC par endarte riectomie ou pontage donne d’excellents résultats. Dans la littérature, les taux de perméabilité primaire (PP) et d’indemnité de revascularisation de la lésion cible (freedom from target lesion revascularisation, F-TLR) sont supérieurs à 90 % à 5 ans(1). Le traitement chirurgical est limité par ses complications précoces, notamment locales en lien avec l’abord au scarpa.
Dans un registre national américain portant sur 1 843 patients, le traitement chirurgical des LOAFC avait une mortalité de 3,4 %, un taux de réintervention précoce de 10,2 % et 8 % de complications cicatricielles(2). Ces dernières années, force est de reconnaître que les évidences se multiplient concernant la faisabilité, la sécurité et l’efficacité du traitement endovasculaire des LOAFC.
Les réticences entourant le traitement endovasculaire sont-elles justifiées ?
Les LOAFC présentent comme spécificités d’être généralement calcifiées et d’intéresser une zone considérée mobile, ce qui génère des réticences quant au traitement endovasculaire. Concernant leur caractère calcifié, une étude comparative de 88 plaques retirées lors d’endartérectomies fémorales et carotidiennes retrouvait des plaques à prédominance fibrocalciques (93 %) avec des métaplasies ostéoïdes (63 %) et une concentration supérieure de calcium au niveau fémoral(3). La préparation des LOAFC doit donc faire appel à des outils spécifiques luttant contre le calcium et le stent utilisé devra répondre à un cahier des charges particulier concernant la résistance à l’écrasement.
Pour les craintes liées au caractère mobile de l’artère, les études s’intéressant à ce point démontrent que l’artère fémorale commune est une zone fixe. Dans une analyse angiographique dynamique sur 70 patients, SI Park et al.(4) ont trouvé que le point d’angulation artériel maximal lors de la flexion de hanche était situé 35,1 ± 30,1 mm au-dessus du ligament inguinal. La zone artérielle mobile se situe donc au niveau du tiers distal de l’artère iliaque externe. D’autres études ont confirmé ce résultat(5). Un stent mis en position fémorale commune sera finalement peu susceptible d’être soumis à des contraintes mécaniques majeures, sauf s’il est amené à déborder vers l’iliaque externe.
Principes techniques du traitement endovasculaire
Les principes techniques du traitement endovasculaire des LOAFC suivent ceux du traitement des autres sites présentant des bifurcations. Il se réalise par voie controlatérale avec cross over sur un introducteur armé de 45 cm de long. Il est important de prévoir un introducteur de 8 F voire 9 F en cas de lésion intéressant la bifurcation pour prévoir l’introduction simultanée de matériel dans l’artère fémorale superficielle (AFS) et l’artère fémorale profonde (AFP). Il faut d’ailleurs être prêt à ponctionner de façon rétrograde écho-guidée l’AFS ou l’AFP homolatérale pour les récupérer en cas de difficultés peropératoire. Prévoir pour cela des aiguilles 21 G longues (figure 1).
Figure 1. Exemple d’une situation où la fémorale profonde n’a pas pu être cathétérisée par voie antérograde. Une ponction rétrograde à l’aiguille 21 G a été réalisée puis un guide 0,018’’ a été monté. Il butte dans un premier temps sur les calcifications mais pourra ensuite les franchir et permettre un rendez-vous dans l’introducteur.
Une fois la lésion franchie, des outils spécifiques de préparation du vaisseau vont être nécessaires face aux calcifications : ballons spécifiques avec inflations longues, athérectomie endoluminale et/ou lithotripsie endovasculaire. Concernant les ballons, ceux à haute pression permettent de lever les lésions les plus réfractaires mais présentent un risque de dis- section par barotraumatisme. Les ballons scarifiants (scoring balloons) peuvent être avantageusement utilisés dans les LOAFC.
Ils permettent de concentrer la force de dilatation sur les éléments scarifiants pour mieux briser les plaques calciques et limiter les dissections incontrôlées. Des résultats intéressants ont été rapportés dans différents registres(6). L’athérectomie, rotationnelle en cas de lésion circonférentielle, ou directionnelle pour les lésions excentrées, trouve au niveau des LOAFC une indication de choix. Plus récemment, la lithotripsie endovasculaire utilisant des ondes sonores fragmentant le calcium présente des résultats prometteurs(7).
Après une préparation satisfaisante, la question du traitement antiresténose se pose. L’efficacité des ballons actifs reste limitée par le caractère calcifié des lésions qui s’oppose à la pénétration du produit actif dans la paroi vasculaire. Le stenting a aujourd’hui notre préférence pour les LOAFC.
Plusieurs techniques de stenting permettent d’éviter la perte de l’AFS ou de l’AFP. La technique du « pantalon » consiste à mettre un stent dans chaque artère séparément et sans chevauchement mais laisse certaines zones non stentées. Les techniques de kissing stents sont simples et ressemblent à celles utilisées dans d’autres territoires. On peut soit réaliser un long kissing de l’AFS et de l’AFP remontant largement dans la fémorale commune, soit un stenting premier de la fémorale commune dans lequel on réalise ensuite un kissing stents de l’AFS et de l’AFP. Enfin, pour les lésions les plus complexes, les techniques de T-stenting, fenestration ou culotte sont basées sur le fait de débuter par un stenting à cheval fémoral commun-fémoral superficiel ou fémoral commun-fémoral profond dont on va ensuite cathétériser les mailles pour avoir accès à l’artère manquante et la stenter également.
Place de choix du stent SuperaTM dans le traitement endovasculaire
Le stent fémoral commun doit idéalement être :
– auto-expansible,
– disponible en longueurs courtes et en diamètre 7 et 7,5 mm,
– résistant à l’écrasement pour pouvoir s’opposer au calcium,
– flexible au cas où il déborde dans l’iliaque externe distale.
Le stent SuperaTM répond à ce cahier des charges. Son développement part du constat que la plupart des stents autoexpansibles ont une flexibilité limitée avec risques de plicature, résistent mal à l’écrasement lié au calcium et exercent une force centrifuge chronique sur la paroi vasculaire importante, source d’hyperplasie et de resténose. Son design particulier dit « entrelacé » (interwoven) fait de 6 fils guides en nitinol lui permet de dépasser les limites d’autres dispositifs (figure 2).
Figure 2. Illustration du design entrelacé (interwoven) du stent SuperaTM.
Sa résistance à l’écrasement en fait un candidat de choix pour les LOAFC situées dans une zone relativement superficielle et dans lesquelles les stents doivent lutter contre les processus calcifiants. Cette résistance à l’écrasement est également utile lorsque la zone doit être ponctionnée dans un second temps car ce stent peut être piqué sans être lésé.
Le stent SuperaTM est disponible en diamètres de 4 à 7,5 mm et en longueurs de 20 à 200 mm. Il est compatible avec des guides 0,014’’ et 0,018’’ et passe dans un introducteur 6 F. La préparation du vaisseau doit être optimale avant la pose du stent SuperaTM (figure 3) sous peine de voir le stent s’allonger et perdre ses avantages mécaniques principaux. Il existe de nombreuses données soutenant l’utilisation du SuperaTM au niveau de l’AFS et de la poplitée(8). Les données sur la fémorale commune sont limitées mais remarquables(9).
Figure 3. Vue antérieure d’un stent SuperaTM après largage dans la fémorale commune. Noter l’espacement très limité des mailles après largages afin de conserver des contraintes mécaniques optimales.
Résultats du endovasculaire pour lésions occlusives de l’artère fémorale commune
Les résultats à court terme du traitement endovasculaire des LOAFC sont excellents. Les taux de succès techniques sont proches de 100 %. Dans l’étude prospective randomisée française TECCO, la morbi-mortalité précoce du traitement endovasculaire des LOAFC était significativement inférieure à 30 jours à celle de la chirurgie(10). De façon surprenante, les résultats à moyen terme (jusqu’à 24 mois postprocédure) n’étaient pas différents entre chirurgie et traitement endovasculaire concernant les taux de PP, de F-TLR et d’indemnité de revascularisation du membre. Ces résultats rejoignent ceux d’autres études prospectives comme VMI- CFA(9) qui retrouvait une PP et une F-TLR de 92,8 % et 97,8 % respectivement à 24 mois après traitement endovasculaire pour LOAFC avec le stent SuperaTM. Les résultats de l’étude VMI-CFA ont encouragé la mise en place de l’étude prospective randomisée SUPERSURG qui compare l’endartériectomie au traitement endovasculaire avec le stent SuperaTM pour les LOAFC. Les premiers résultats sont attendus en 2022. Récemment, H. Stricker et al.(11) ont rapporté les résultats à long terme d’une série de 94 patients traités pour des lésions de la bifurcation fémorale commune. Les taux de PP et de F-TLR étaient de l’ordre de 80 % à 5 ans.
Conclusion
• Le traitement endovasculaire des LOAFC est faisable et présente des résultats prometteurs y compris à long terme.
• Le stent SuperaTM présente des caractéristiques spécifiques qui en font un dispositif de choix lors du traitement endovasculaire des LOAFC.
• Enfin, il faut noter que le traitement endovasculaire des LOAFC ne complexifie pas de manière majeure une chirurgie ultérieure de conversion.
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