Publié le 30 oct 2023Lecture 22 min
Traitement des occlusions longues de l'axe fémoro-poplité : l'option de l'endoprothèse couverte
Gilles GOYAULT, Institut cardiovasculaire de Strasbourg, Clinique RHENA, Strasbourg
Longtemps réservées à la chirurgie par pontage, les lésions occlusives longues de l’axe fémoro-poplité représentent aujourd’hui une part croissante des indications du traitement endovasculaire de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) symptomatique.
Depuis la publication en 2017 des recommandations conjointes des Sociétés européennes de cardiologie et de chirurgie vasculaire et endovasculaire(1) sur la prise en charge de la maladie artérielle périphérique, le traitement par voie endoluminale est même devenu l’option thérapeutique de première intention pour les lésions < 25 cm. Il est d’ailleurs intéressant de noter au passage que ces lésions sont actuellement considérées comme « courtes » dans ces mêmes recommandations, alors qu’elles étaient classées TASC C ou D2 10 ans plus tôt et réservées à la chirurgie ouverte, en tout cas pour les lésions de plus de 20 cm. En outre, ces mêmes recommandations ne contre-indiquent pas le traitement endovasculaire pour les lésions > 25 cm mais conseillent le pontage si une veine est prélevable, en l’absence de haut risque chirurgical et d’une espérance de vie de plus de 2 ans.
Cette évolution est le reflet du développement et de l’efficacité de nouveaux dispositifs tels que les ballons et stents actifs, les implants vasculomimétiques SuperaTM ou encore les endoprothèses couvertes, et en particulier le Viabahn®.
C’est notamment dans ce cadre d’élargissement des indications des traitements endovasculaires que la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS) a décidé de valider le remboursement de l’endoprothèse Viabahn® (VBN) avec revêtement bioactif Propaten® en décembre 2018. Les indications retenues sont les lésions complexes de novo ou par resténose de longueur comprise entre 15 et 25 cm, de la fémorale superficielle et de la poplitée, jusqu’à 3 cm au-dessus de l’interligne du genou. Ces indications de remboursement s’ajoutent bien sûr à celles déjà en cours dans le traitement endovasculaire de l’anévrysme poplité.
Cependant, bien que les indications se soient élargies, la prise en charge endovasculaire des lésions longues et complexes, de novo ou par resténose, de l’axe fémoro-poplité reste un challenge technique et stratégique. À ce titre, le choix du dispositif est crucial pour le résultat immédiat a fortiori dans l’ischémie critique mais aussi à long terme, en particulier dans l’ischémie d’effort. Et, bien que la tendance actuelle soit à la réduction de l’utilisation des stents ou assimilés (cf. Concept du « leave nothing behind »), leur usage reste très fréquent et nécessaire dans le traitement des lésions TASC C et D de l’axe fémoro-poplité. L’endoprothèse Viabahn® représente une option thérapeutique à considérer avec grand intérêt.
Particularités de l’endoprothèse Gore® Viabahn®
Apparu en 1996, le Viabahn®, implanté depuis chez plus d’1 million de patients, a fait l’objet de plus de 2 000 publications.
L’endoprothèse combine une membrane renforcée en PTFE fixée à l’intérieur d’un stent nitinol auto-expansible en mailles séparées, assurant à l’ensemble une extrême flexibilité (figure 1).
Figure 1. L’endoprothèse couverte auto-expansible Gore® Viabahn®.
Le Viabahn® a bénéficié de multiples évolutions techniques depuis le début de sa commercialisation et a récemment été décliné en longueur 25 cm avec choix d’un profilé 0,018 pour une meilleure navigabilité et délivrabilité, réduisant la taille de l’introducteur à 6F jusqu’à 6 mm de diamètre. Des marqueurs radio-opaques aux extrémités et une surface interne recouverte d’héparine pour réduire les risques de thrombose sont également apparus.
Ce stent couvert a par ailleurs des propriétés biomécaniques uniques au sein de la classe des stents auto-expansibles puisqu’il présente actuellement la plus grande résistance à la tension, la plus faible résistance à la compression, la plus faible résistance en torsion et une grande flexibilité(3).
Proche de l’encombrement d’un ballon d’angioplastie, facilitant sa manipulation notamment lorsque l’opérateur travaille seul, le Viabahn® présente un système de largage unique lui permettant une précision optimale de positionnement, très utile à l’ostium de la fémorale superficielle ou pour respecter la collatéralité en distalité.
L’ensemble de ces caractéristiques et qualités rend en théorie l’endoprothèse Viabahn® particulièrement adaptée à l’anatomie et aux contraintes de l’axe fémoro-poplité. Est-ce aussi vrai en pratique ?
Résultats du Viabahn® en pratique clinique
Études de perméabilité dans les lésions de novo TASC C et D
Plusieurs études ont évalué la perméabilité primaire (PP) et secondaire (PS) de l’endoprothèse Viabahn® dans la prise en charge des lésions complexes de l’axe fémoro-poplité, notamment l’étude prospective multicentrique VIPER(4), publiée en 2013 et portant sur 113 patients (119 membres) avec des lésions traitées de 19 cm de longueur en moyenne dont 56 % d’occlusions chroniques (Chronic total occlusion – CTO) et 61 % calcifiées (modérées à sévères). La perméabilité primaire à 1 an était de 73 % pour une perméabilité secondaire de 92 %. L’étude ne retrouvait par ailleurs pas de lien statistique de la perméabilité avec le diamètre du stent, la longueur des lésions ou le fait qu’il s’agissait d’une sténose ou d’une occlusion.
• Plus récemment, l’étude Viabahn 25 cm(5), prospective multicentrique, a rapporté les résultats à 3 ans des lésions fémoro-poplitées TASC C et D chez 71 patients traités par Viabahn® pour des longueurs de sténoses (7 %) ou occlusions (93 %) de 26,5 cm ± 5,3 cm en moyenne. Le taux de perméabilité primaire était relativement bas à 1 et 3 ans, à respectivement 67 et 40,6 %, contrastant avec un excellent taux de perméabilité secondaire de 96,9 % pour un taux de réintervention (TLR) relativement élevé de 38 %. À noter également, que dans l’étude Viabahn 25 cm, la perméabilité primaire variait avec la longueur des lésions (45 vs 36 % si elles étaient de longueur ≤ 23 cm ; p = 0,98), contrairement à l’étude VIPER.
• Dans l’étude prospective multicentrique de Ohki et coll. du Viabahn® à 5 ans(6), publiée fin 2021 et portant sur 103 patients, les lésions traitées étaient en moyenne de 21,8 ± 5,8 cm de longueur, dont 85 % de TASC C et D, et 66 % de CTO. Le taux de perméabilité primaire atteignait 78,8 % à 2 ans pour un excellent taux de perméabilité secondaire de 92 % à 2 ans (figure 2). Le TLR n’était dans cette série que de 12,8 % à 2 ans et 20,9 % à 5 ans et était indépendant de la longueur des lésions traitées.
Figure 2. Perméabilité primaire, primaire assistée et secondaire à 2 ans, d’après Ohki et coll.(6)
• Dans une récente métaanalyse publiée en 2022 dans Catheterization and Cardiovascular Interventions(7) portant sur 155 patients exclusivement traités pour ischémie critique, avec des lésions de 28 cm de longueur en moyenne, dont 83 % d’occlusion chronique, les taux de perméabilité primaire, primaire assistée et secondaire atteignaient respectivement 70,4 %, 71,8 % et 88,2 % à 1 an. À 2 ans, ils étaient de 59,5 %, 62,7 % et 86,1 %. Par ailleurs, l’étude rapportait un taux de survie sans amputation majeure de 99,3 % à 2 ans et de survie sans amputation de 78,8 %.
• Enfin, une série japonaise en « vie réelle » portant sur une population de 321 patients a récemment été publiée dans Journal of endovascular therapy fin 2022(8). Les résultats apparaissent excellents avec des taux de perméabilité primaire, primaire assistée et secondaire de respectivement 85,6 %, 91,7 % et 94,8 % à 12 mois, pour un taux de thrombose de 4 % à 1 an. Les lésions traitées, TASC C et D dans 87 % des cas, mesuraient en moyenne 23,6 ± 6,6 cm de longueur.
Essais contrôlés randomisés et études comparatives
Que vaut l’endoprothèse Viabahn® vis-à-vis des autres options thérapeutiques telles que le stent nu, le stent actif ou le pontage ? Est-elle comparable aux ballons actifs ?
Dans l’essai randomisé VIASTAR(9), le Viabahn® hépariné est comparé au stent auto-expansible nu dans le traitement endovasculaire des lésions fémoro-poplitées longues. Au total, 141 patients ont été inclus dans cette étude avec des longueurs pathologiques de 19 ± 6,3 cm dans le groupe Viabahn® et 17,3 ± 6,6 cm dans le groupe stent nu (Bare metal stent – BMS). Le taux de perméabilité à 1 an quelle que soit la longueur était de 78,1 % dans le groupe Viabahn® contre 53,5 % dans le groupe BMS. Cette différence était encore plus marquée dans le sous-groupe des lésions > 20 cm, avec un taux de perméabilité primaire de respectivement 73,3 % et 33,3 %. Le taux de perméabilité secondaire était également en faveur du Viabahn® (89,9 % vs 75,2 %). Les patients randomisés dans le groupe BMS avaient ainsi un risque plus élevé (2,23) de resténose, occlusion ou TLR que dans le groupe Viabahn®. Ces résultats se maintenaient à 2 ans(10), avec un taux de perméabilité primaire de 69,4 % dans le groupe Viabahn® vs 40 % dans le groupe BMS.
• Dans l’étude contrôlée randomisée de Reijnen et coll.(11), publiée en 2017, le stent couvert hépariné Viabahn® est comparé au pontage fémoro-poplité chez 125 patients traités (63 dans le groupe Viabahn® et 62 dans le groupe pontage). Longtemps considéré comme le gold standard de la prise en charge thérapeutique des occlusions longues de la fémorale superficielle, le pontage deux tiers veineux et un tiers prothétique dans l’étude) est ici comparé à un stent couvert pouvant être considéré comme un endopontage. Les résultats à 1 an étaient tout à fait comparables dans les deux groupes en termes de perméabilité primaire, primaire assistée et secondaire avec des taux respectifs de 64,8 % vs 63,6 %, 78,1 % vs 79,8 % et 85,9 % vs 83,3 % dans le groupe endo vs groupe pontage, respectivement. Ces résultats étaient obtenus dans le groupe endopontage au prix d’une moindre morbidité, d’une récupération plus rapide et d’une amélioration de la qualité de vie, faisant du traitement endovasculaire une option de choix, et probablement de première intention, eu égard à ces résultats précoces ; mais à confirmer par des résultats à moyen et long terme.
Plus récemment, Tsujimura et coll.(12) publiaient dans JVS en juin 2021 une étude rétrospective multicentrique portant sur 445 patients japonais comparant l’endoprothèse couverte Viabahn® au stent actif Zilver PTX® en termes de perméabilité primaire, de taux de thrombose et de réintervention avec un suivi à 5 ans (figure 3). Les lésions étudiées étaient dans 85 % des cas TASC C ou D, dans 64 % des CTO et mesuraient 24 ± 7 cm. Le groupe PTX incluaient 271 patients et le groupe Viabahn® 174. À 3 ans, la perméabilité primaire dans le groupe Viabahn® était significativement plus élevée que dans le groupe PTX (69,6 % vs 59,5 % ; p = 0,005) alors que les lésions étaient globalement moins sévères dans le groupe PTX. Le taux de réintervention était non significativement supérieur dans le groupe PTX (28,5 % PTX vs 23,1 % VBN à 3 ans), alors que le taux de thrombose était significativement supérieur dans le groupe Viabahn® (6,4 % PTX vs 17,6 % VBN ; p = 0,038).
Figure 3. Comparaison de la perméabilité primaire des groupes traités par Viabahn® et par Zilver PTX® jusqu’ à 5 ans, dans l’étude de Tsujimira et coll.(12).
Discussion des différentes études
Bien qu’hétérogènes notamment en termes de design ou d’effectif, les résultats des études détaillées ci-dessus convergent vers des taux assez similaires de perméabilité primaire compris entre 67 et 78,8 % pour des suivis de 1 à 2 ans et des taux de perméabilité secondaire pour la plupart > 90 %.
Même si d’autres études rapportent des taux de perméabilité primaire > 80 %, notamment dans les lésions TASC C ou D traitées par ballon actif (Drug coated balloon – DCB)(13-16), ces données ne sont pas directement comparables, ne serait-ce que par l’hétérogénéité des cohortes de patients ; ceux traités par Viabahn® ayant notamment un taux de CTO ou de calcifications plus élevés. Le taux de perméabilité primaire du Viabahn® est comparable au traitement de référence par pontage fémoro-poplité, dans les études de Reijnen et coll.(11) et McQuade et coll.(17). Les chiffres de perméabilité des deux séries sont comparables, alors que dans l’étude de Reijen, deux tiers des pontages étaient veineux, ce qui contraste avec la perméabilité habituelle supérieure de ce type de dérivation. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’étude comparative entre le Viabahn® et les DCB ou encore entre le Viabahn® et le stent ELUVIATM, stent actif de dernière génération, dans les lésions longues. Dans l’étude comparative Ultimate(18), l’ELUVIATM avait un taux de perméabilité supérieur au Viabahn® que pour les lésions < 15 cm.
L’étude japonaise publiée en 2021 sort un peu du lot, à la fois sur les taux de perméabililté et de TLR mais aussi sur la durée du suivi. En effet, cette série de Ohki et coll.(6) rapporte des taux de réintervention comparables à 5 ans avec les données de l’étude IN.PACT SFA(19), portant pourtant sur des lésions plus courtes et peu occlusives (25,8 %). Cet article a montré que l’absence de réintervention (fTLR - freedom from TLR) était directement corrélée au diamètre du vaisseau (100 % ; 91,7 % et 72,2 % pour des vaisseaux mesurant de 6,0 à 6,9 ; 5,0 à 5,9 ; 4,0 à 4,9 mm à 5 ans) ; données confortées par un taux de perméabilité primaire de 100 % à 2 ans pour des vaisseaux de 6,0 à 6,9 mm. Les résultats étaient également significativement plus durables dans les sténoses que les occlusions (fTLR 92,5 % vs 72,2 % ; p = 0,027). En revanche, il n’y avait pas différence significative (mais une tendance quand même) pour les lésions de plus ou moins 20 cm, avec des taux de perméabilité primaire à 2 ans de 74 et 85 %, respectivement. Les auteurs n’ont pas retrouvé en revanche dans l’analyse des sous-groupes de lien statistique entre résultats fonctionnels et longueur des lésions, nombre de vaisseaux jambiers perméables, âge des patients, existence d’un diabète, dyslipidémie éventuelle ou tabagisme actif. À noter que cette étude ne portait que sur une cohorte japonaise, incluant potentiellement un biais.
Peut-on optimiser la perméabilité du Viabahn® ? Y a-t-il des facteurs prédictifs de maintien de la perméabilité ou au contraire de resténose ou rethrombose ?
Dans les critères d’optimisation des résultats du Viabahn®, le choix du bon diamètre paraît particulièrement crucial. Ainsi, dans l’étude VIPER(4), un surdimensionnement de plus ou moins 20 % par rapport au diamètre du vaisseau de référence a induit une différence significative du taux de perméabilité primaire entre le groupe « surdimensionnement < 20 % » vs groupe « surdimensionnement > 20 % » à respectivement 88 % et 70 % à 1 an. Par ailleurs, 88 % des occlusions dans le suivi sont survenues dans le groupe « surdimensionnement > 20 % » (figure 4).
Figure 4. Comparaison de l’effet du surdimensionnement < ou > 20 % en terme d’absence de perte de perméabilité à 1 an, d’après l’étude VIPER(4).
Cette même étude ne retrouvait pas de lien statistique entre le diamètre du stent (contrairement à la série de Ohki et coll. - peut-être lié à une plus courte durée de suivi dans l’étude VIPER), la longueur de la lésion traitée, qu’elle soit une sténose ou une occlusion, et la perméabilité primaire. D’une manière générale, les principales études déjà citées ne retrouvent pas de lien statistique significatif entre perméabilité et longueur des lésions, lit d’aval jambier, ou encore diamètre des vaisseaux, mais uniquement des tendances. Seul un strict dimensionnement du stent paraît conditionner significativement la perméabilité par augmentation du risque de resténose.
Cependant, nous pourrions résumer de ces différentes études, même si toutes ne convergent pas significativement, qu’un strict dimensionnement du VBN dans des vaisseaux de 5 mm et plus devrait permettre d’obtenir un taux de perméabilité primaire à 1 an de l’ordre de 90 % pour des lésions de 20 cm de longueur en moyenne. Instinctivement, un bon lit d’aval devrait également permettre une amélioration de cette perméabilité, même si ce critère n’apparaît pas clairement dans toutes les études.
Gore propose une table de correspondance optimisée entre le diamètre de l’endoprothèse à choisir par rapport au diamètre du vaisseau. Nous avons tendance dans notre centre à nous aligner avec la fourchette haute de l’intervalle (taille 1 pour 1 en adaptant le diamètre choisi de l’endoprothèse au diamètre du vaisseau distal à traiter) (tableau 1).
Pourquoi et que faire lorsqu’un Viabahn® resténose ou se thrombose ?
Deux mécanismes occlusifs des Viabahn® ont été mis en évidence : la thrombose aiguë et la resténose des extrémités (edge restenosis) avec ou sans occlusion totale ; 70 % des occlusions étant liées à une resténose sous-jacente(20).
• La resténose a bien été identifiée par plusieurs auteurs et est liée à une hyperplasie intimale aux extrémités des endoprothèses, favorisée notamment par un surdimensionnement excessif du Viabahn®. La distribution de ces resténoses est en revanche très variable. Ainsi, dans l’étude VIPER(4), 50 % des patients présentaient une resténose proximale, 11 % une resténose distale et 33 % aux deux extrémités. Dans l’étude de Golchehr et coll.(21), 63 % des resténoses étaient proximales et 37 % distales. Dans celle de Lin et coll.(22), 20 des 22 resténoses étaient distales. Le seul facteur de risque significatif de resténose de cette étude était un mauvais lit d’aval.
• Thromboses et resténoses des extrémités expliquent la relative simplicité à désobstruer les Viabahn® et, par voie de conséquence, les excellents taux de perméabilité secondaire.
En effet, la couche interne de PTFE permet une thrombo-aspiration facile du contenu de l’endoprothèse à l’aide d’une sonde à large lumière ou d’un système de désobstruction mécanique. En cas de prise en charge précoce de la thrombose, la thrombolyse s’avère également efficace, au même titre que dans le cadre d’un pontage prothétique, mais avec un risque hémorragique non négligeable. Après thrombectomie/thrombolyse, l’hyperplasie des extrémités peut ensuite être traitée par ballon actif. Cette stratégie a notamment été évaluée dans l’étude de Van Wijck et coll.(23) dans laquelle 21 patients présentant une resténose à distance de la pose d’un Viabahn® ont bénéficié d’une angioplastie au ballon actif. Dans cette série rétrospective, 38 % des resténoses étaient proximales, 28,6 % distales et 33,3 % proximales et distales. La longueur des resténoses était de 20 mm en moyenne en proximal et 12 mm en distal. L’ensemble des patients ont été traités par DCB. Un patient a nécessité l’ajout d’un stent distal en raison d’une sténose résiduelle > 30 %. En moyenne, la resténose est apparue 19 mois après pose du Viabahn®. Les perméabilités primaire, primaire assistée et secondaire à 1 an étaient de 66,7 %, 66,7 % et 90,9 %, supérieures à celles observées avec angioplastie des resténoses au ballon simple(21). Sept patients sur les 21 traités par DCB ont à nouveau évolué défavorablement (3 occlusions et 4 resténoses). Deux patients ont été simplement suivis ; un patient a dû bénéficier de 3 réinterventions et un autre de deux. Les auteurs concluent à des résultats devant être confirmés par d’autres études, prospectives, portant sur des effectifs supérieurs et sur une plus longue durée de suivi ; cependant, la stratégie semble plus efficace qu’un traitement par ballon simple.
Dans l’étude de Lin et coll.(22), la stratégie a été inverse ; les auteurs ayant envisagé de prévenir la resténose par application d’un ballon actif à l’extrémité distale de l’endoprothèse lors de la pose du Viabahn®. Rappelons qu’assez étonnamment, 20 des 22 resténoses du groupe concernaient l’extrémité distale. Dans cette série monocentrique rétrospective de 110 patients, 38 d’entre eux ont bénéficié, lors de la pose du Viabahn®, d’un renforcement distal par DCB. Dans le suivi à 24 mois, seuls 3 patients (7,9 %) de ceux traités par renforcement distal au DCB ont présenté une resténose. La perméabilité primaire à 1 an atteignait ainsi 92,1 % dans le groupe renforcement par DCB versus 76,4 % dans le groupe sans DCB (p = 0,042). De même, le taux de fTLR atteignait 91,2 % à 2 ans dans le groupe renforcement par DCB vs 62,2 % dans le groupe sans renforcement (p = 0,018) (figure 4). Cette stratégie semble très prometteuse et mérite probablement une évaluation plus poussée.
Afin de prévenir ce risque de resténose, d’autres auteurs se sont intéressés à l’intérêt de mettre en place préventivement un stent actif à l’entrée et à la sortie du Viabahn® dans le traitement des lésions longues de l’axe fémoro-poplité(24,25). Utilisant la technique dite du « sandwich », Awwad et coll.(24) ont rétrospectivement évalué 27 patients traités par mise en place première d’un stent actif Zilver PTX® à la partie proximale et à la partie distale de la zone traitée, suivie du déploiement d’une endoprothèse Viabahn® entre les deux stents actifs avec un recouvrement d’environ 1 cm aux deux extrémités. La longueur moyenne des lésions traitées était de 28,35 cm. Au total, 41 % d’occlusions (11/27) ont été observées dans le premier mois post-intervention et un taux de perméabilité primaire de 50 % a été obtenu à 3 ans. Ces résultats plutôt mitigés se sont confirmés dans l’étude comparative, également rétrospective, de Marples et coll. publiée en 2021(25), dans laquelle 36 interventions par Viabahn® seul ont été comparées à 25 interventions par Viabahn® + Zilver PTX® (VBN + PTX ; selon la technique du « sandwich » décrite plus haut). Dans la série, la longueur stentée était statistiquement plus longue dans le groupe VBN + PTX vs VBN (37 vs 27,8 cm ; p = 0,0023). Le taux de perméabilité primaire était comparable à 1 an dans les deux groupes à 73,2 % dans le groupe VBN et 74,5 % dans le groupe VBN + PTX ; idem à 2 ans avec des taux de PP de respectivement 66,6 % et 67,3 %. Le TLR était quant à lui de 41,6 % dans le groupe VBN à une moyenne de 23,5 mois après l’intervention initiale et de 32 % dans le groupe VBN + PTX à une moyenne de 22,6 mois après le geste initial. Les auteurs concluent à l’absence de bénéfice de l’ajout d’un stent actif aux extrémités dans l’amélioration de la perméabilité primaire. Cependant, ces résultats sont à pondérer par le faible échantillon, le caractère monocentrique et rétrospectif, et la différence significative de longueur des lésions traitées dans les deux groupes ; même si cette longueur ne semble pas affecter la perméabilité des Viabahn® dans les études publiées sur ce dispositif. Cette approche n’est d’ailleurs pas à écarter et mériterait probablement d’être évaluée en utilisant le stent actif ELUVIATM, eu égard à ses résultats dans l’étude IMPERIAL à 2 ans comparativement au stent Zilver PTX®(26).
Y a-t-il un risque pour le patient qu’un Viabahn® se thrombose ?
Malgré l’excellent taux de perméabilité secondaire lié, comme nous venons de le voir, à une relative simplicité à désobstruer un Viabahn®, une attention particulière doit être néanmoins portée au risque clinique potentiel d’une thrombose de Viabahn®. En d’autres termes, y a-t-il un risque de dégradation clinique pour le patient ?
La réponse a été évaluée dans l’étude de Lensvelt et coll.(27), dans laquelle les auteurs se sont attachés à analyser l’effet de la thrombose d’un Viabahn®. Dans cette série de 341 patients, 49 patients ont présenté une occlusion du VBN. Parmi ces 49 patients, 21 (42,9 %) des patients présentaient un score de Rutherford identique à celui observé avant intervention, 18 (36,7 %) une amélioration du score de Rutherford malgré l’occlusion et 10 (20,4 %) une dégradation ; soit un total de 80 % de patients présentant un score de Rutherford stable ou amélioré alors même que l’endoprothèse Viabahn® s’était occluse. Par la suite, 25 % des patients ont été simplement suivis sans traitement complémentaire (Rutherford 1), alors que 75 % d’entre eux devaient bénéficier d’un traitement chirurgical par pontage. Deux patients (4,1 %) devaient subir une amputation dans la série (1 échec de thrombolyse du VBN et 1 échec de chirurgie secondaire). La couverture de collatérales lors de la pose de l’endoprothèse aurait pu faire penser à une dégradation clinique en cas d’occlusion brutale duViabahn®. Cependant, les auteurs argumentent sur le possible bénéfice d’un réentraînement à l’effort, et donc au développement des collatérales, pendant la période perméable du VBN. Plus largement, la plupart des études rapportent des taux d’amputation compris entre 0 et 4 % (64,5) confirmant l’étude de Lensvelt et coll.
• Concernant les cas de thromboses aiguës sans resténose sous-jacente, a fortiori celles survenant précocement après l’intervention, se pose la question de l’efficacité du traitement antiagrégant et/ou de son observance. Le cas particulier du traitement antiagrégant idéal après pose de VBN n’a pas fait l’objet à notre connaissance d’étude dédiée. Néanmoins, la plupart des articles rapportent une majorité de double antiagrégation pendant au moins 6 mois. Aucun, en dehors des patients déjà traités pour une autre raison, ne rapporte d’introduction en première intention d’un anticoagulant. Ceci pourrait se discuter, le VBN pouvant être apparenté à un « endopontage » prothétique et le traitement anticoagulant (par AVK cependant dans les recommandations) étant une option thérapeutique selon les guidelines ESC/ESVS de 2017(1). Sinon, pourrait-il y avoir un intérêt à l’association aspirine + rivaroxaban dans les cohortes de patients traités par VBN, compte tenu des résultats du sous-groupe de l’essai contrôle randomisé COMPASS(28) et d’un risque de thrombose non négligeable ?
Dans notre pratique, les patients sont traités par double antiagrégation pendant 1 an, mais cette attitude est empirique et pondérée au mieux au risque hémorragique. N’oublions pas non plus le taux relativement élevé de résistance au clopidogrel dans la population générale (30 à 50 % d’hyperréactivité plaquettaire). Ainsi, que faire après un premier épisode de thrombose ? Associer aspirine + rivaroxaban ? Aspirine + ticagrelor ou prasugrel ? Bref, cette question n’est pas tranchée mais ses conséquences grèvent le taux de perméabilité primaire du VBN dont le taux de thrombose est supérieur à celui du stent actif Zilver PTX®, par exemple dans l’étude comparative de Tsujimura et coll. récemment publiée(12).
Cas particulier du Viabahn® dans le traitement de la resténose intrastent
Avec des taux compris entre 15 et 32 % à 1 an, la resténose intrastent est aujourd’hui un challenge quotidien pour tout spécialiste vasculaire réalisant des angioplasties fémoro-poplitées. La prise en charge de cette resténose n’est pas univoque ; en particulier dans les resténoses étendues (Tosaka II) ou les thromboses par resténose (Tosaka III)(29). La matrice constituant le matériel obstruant la lumière du stent dans les atteintes Tosaka III, incluant dans des proportions variables de l’hyperplasie intimale pauci-cellulaire, du thrombus, voire de l’athérome, n’est pas idéalement traitée par une angioplastie au ballon, qu’il soit actif ou non. L’angioplastie au ballon chasse efficacement le matériel non cellulaire permettant de recouvrer une lumière satisfaisante dans les lésions courtes, mais paraît être une stratégie insuffisante pour les lésions plus complexes, avec des taux de resténose ou de rethrombose très élevés. C’est en tout cas ce que montre l’étude DEBATE-ISR(30) dans laquelle l’utilisation d’un DCB réduit la récidive de la resténose par rapport au ballon nu avec un taux de 19,5 % dans le groupe DES vs 71,8 % dans le groupe ballon nu à 1 an. De même, le taux de réintervention (TLR) pour resténose symptomatique était de 13,6 % dans le groupe DCB vs 31 % dans le groupe ballon nu, également à 1 an. Cependant, ces résultats ne se confirment pas à 3 ans avec un TLR de 40 % dans le groupe DCB vs 43 % dans le groupe ballon nu(31). Ces résultats laissent à penser que les DCB ne permettraient qu’un retardement de la récidive de la resténose. À noter que les resténoses Tosaka III étaient un facteur péjoratif de récidive de resténose dans les deux groupes. Dans l’étude prospective randomisée PACUBA(32), le traitement de la resténose par angioplastie au DCB était également comparée au ballon nu pour des lésions de 17 à 18 cm en moyenne. Le taux de perméabilité primaire à 1 an était de 40,7 % dans le groupe DCB vs 13,4 % dans le groupe ballon nu. Ainsi, le ballon actif semble efficace dans le traitement des resténoses courtes (Tosaka I) mais manque de durabilité dans les lésions plus complexes (Tosaka II et III). Une option pour améliorer les résultats des DCB serait de retirer la matrice non cellulaire avant application du ballon actif. Kokkinidis et coll.(33) ont ainsi évalué l’effet de l’athérectomie par laser combinée au DCB ou au ballon nu dans le traitement des resténoses sévères Tosaka II et III. L’utilisation du DCB a ainsi permis de réduire le TLR comparativement au ballon nu (27,5 % vs 49,5 %) et le taux de réocclusion (13,3 % vs 43,1 %) pour des lésions longues de 247 mm en moyenne. La supériorité du DCB par rapport au ballon nu se maintient à 2 ans(34). À noter cependant un taux de bailout stenting relativement important de 31,7 % dans le groupe laser + DCB vs 58 % dans le groupe laser + ballon nu. Dans la récente série de Liu et coll.(35), la combinaison d’une athérothrombectomie à l’aide du système Rotarex et d’un ballon actif a été évaluée dans le traitement de resténoses intra-stent chez 59 patients. Les taux de perméabilité primaire et de perméabilité secondaire à 1 an étaient de 82,5 % et 92,5 %, respectivement. Le taux de resténose dans le suivi atteignait 28,8 % à 246 jours en moyenne après le traitement de la resténose initiale. Dans la métaanalyse de Li et coll.(36) publiée en 2020, la combinaison désobstruction + DCB devient d’après les auteurs le traitement de choix dans les resténoses complexes, a fortiori occlusives.
Parallèlement à cette stratégie, Bosiers et coll.(37) ont évalué dans l’essai randomisé contrôlé RELINE publié en 2020 l’efficacité à 2 ans du Viabahn® vs le ballon nu dans le traitement de la resténose intra-stent chez 83 patients. Les lésions étaient comparables dans les deux groupes avec des longueurs de 173 à 190 mm en moyenne et environ 25 % d’occlusion. Le taux de perméabilité primaire à 1 an dans le groupe VBN était de 74,8 % (comparable aux résultats des études portant sur des lésions de novo) et de 28 % dans le groupe ballon nu (p < 0,001). À 2 ans, le taux de PP était de 58 % dans le groupe VBN vs 12 % dans le groupe ballon nu (p < 0,001) (figure 5). Le taux de fTLR était par ailleurs de 79,9 % dans le groupe VBN vs 42,2 % dans le groupe ballon nu. Les auteurs concluent à un traitement de choix dans les resténoses complexes Tosaka II et III.
Figure 5. Courbes de Kaplan-Meyer comparatives de la perméabilité primaire (A) et du fTLR (B) à 2 ans entre le groupe traité préventivement par renforcement distal du VBN au ballon actif et le groupe sans ballon actif, d’après Lin et coll.(22).
Conclusion
Le traitement des lésions complexes de l’axe fémoro-poplité est devenu endovasculaire en première intention jusqu’à 25 cm, d’après les dernières recommandations européennes. De nombreuses alternatives thérapeutiques s’offrent aux opérateurs. Aucune d’entre elle n’a réellement montré sa supériorité par rapport aux autres. Très simple d’utilisation et au largage précis, l’endoprothèse couverte Viabahn® est une des options les plus séduisantes dans le traitement de ces atteintes longues et hétérogènes de novo ou par resténose. En respectant un strict dimensionnement dans des vaisseaux > 5 mm, la perméabilité primaire à 1 an atteint 90 % pour des lésions de 20 cm. L’utilisation préalable d’un ballon actif aux extrémités de l’endoprothèse semble également très prometteuse pour limiter la resténose. De par son étanchéité, le Viabahn® sécurise par ailleurs le traitement endovasculaire des occlusions récentes ou semi-récentes en limitant le risque embolique de ces lésions. Sa place dans la prise en charge de la resténose intra-stent reste à définir précisément mais elle semble être une option très efficace dans les formes complexes, notamment en l’absence d’accès à un système de désobstruction. Espérons que des essais à plus grande échelle verront le jour pour affiner les indications et optimiser encore ces résultats, notamment dans les occlusions très longues > 25 cm, la perméabilité du Viabahn® étant indépendante de la longueur des lésions traitées dans la plupart des études.
Figure 6. Courbes de perméabilité primaire à 2 ans du groupe VBN vs groupe ballon nu dans le traitement des resténoses complexes, d’après Bosiers et coll. dans l’essai randomisé contrôlé RELINE(37).
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