Congrès et symposiums
Publié le 14 mar 2013Lecture 8 min
TAVI : bilan et perspectives en 2013
JESFC
L’implantation de valve aortique par voie percutanée (TAVI) est devenue un traitement incontournable du rétrécissement aortique calcifié (RAC) sévère chez le sujet âgé. Il bénéficie aujourd’hui d’une très large expérience, soit plus de 50 000 cas. L’année 2012 a été marquée par le 10e anniversaire du premier cas réalisé par Alain Cribier puis par la publication des recommandations nord-américaines(1) et l’actualisation des recommandations européennes(2), qui offrent un canevas pour la prise en charge des valvulopathies sévères et soulignent l’importance de la collaboration médico-chirurgicale.
Les nouvelles recommandations européennes
La première condition à réunir pour décider de la prise en charge d’un patient porteur d’un RAC serré est l’existence d’une Heart team, équipe multidisciplinaire médicochirurgicale. L’évaluation de la valvulopathie vise à préciser sa sévérité et à apprécier le terrain :
– présence de symptômes, souvent difficiles à rattacher à la cardiopathie valvulaire chez le sujet âgé ;
– espérance de vie ;
– bénéfice/risques ;
– souhaits du patient ;
– ressources interventionnelles locales.
L’échographie est l’examen de référence et nécessite une approche intégrée combinant plusieurs indices – surface valvulaire, surface valvulaire intégrée sur la surface corporelle, gradient moyen, vélocité maximum du jet, ratio de vélocité (tableau 1). Le scanner sera indispensable pour visualiser l’aorte, la valve aortique et l’ensemble de l’arbre artériel, en vue d’une implantation par voie percutanée, pour planifier l’intervention et juger de sa faisabilité anatomique.
Sont contre-indiqués au TAVI les patients dont l’espérance et la qualité de vie sont davantage compromises par les comorbidités que par leur cardiopathie.
La présence d’une bicuspidie et la fraction d’éjection ventriculaire gauche ne représentent plus aujourd’hui que des contre-indications relatives.
Le TAVI n’est envisagé que chez des patients symptomatiques, contre-indiqués pour un remplacement aortique chirurgical, à haut risque chirurgical et dont l’espérance de vie n’est pas compromise de façon majeure par l’âge et les comorbidités. Cette évaluation repose en partie sur les scores de risque lesquels ont toutefois montré leurs limites, comme l’illustre la comparaison des deux bras de l’étude PARTNER, dont les patients avaient des scores de risque comparables (bras B, patients contre-indiqués pour la chirurgie ; bras A, patients à haut risque chirurgical mais non contre-indiqués). Les scores de risque ne permettent pas de décider si les patients sont ou non contre-indiqués pour la chirurgie, pas plus qu’ils ne permettent d’évaluer précisément le risque opératoire chez les patients candidats au TAVI et à l’intervention. L’Euroscore est fiable chez les patients à faible risque, avec une bonne concordance entre la mortalité prédite et observée, mais il surestime le risque opératoire pour les patients à haut risque. Un nouveau score, Euroscore 2, a été développé et validé au sein d’une population contemporaine, mais il n’existe pas encore de données chez les patients à haut risque.
Les limitations des scores justifient donc une approche décisionnelle multidisciplinaire basée sur le jugement clinique et mise en œuvre par la Heart team, comprenant toutes les disciplines médico-chirurgicales impliquées, y compris les anesthésistes, les réanimateurs et les gériatres.
Aujourd’hui, la chirurgie reste le traitement de référence de la sténose aortique. Le TAVI est une alternative valide chez les patients à haut risque chirurgical et ne s’adresse pas cependant aux patients à risque intermédiaire, en dehors des essais cliniques.
Derniers enseignements des essais cliniques
Les dernières analyses du registre France 2 portent sur 3 933 patients consécutifs, inclus du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011, avec une répartition variable selon les centres. Les caractéristiques des patients inclus sont classiques : patients âgés (82,8 ± 7 ans), souvent coronariens (48 %) ; 10 % avaient un antécédent d’AVC et 1,7 % étaient déjà porteurs d’une valve aortique chirurgicale. Les scores de risque sont conformes aux recommandations, avec toutefois un écarttype important : Euroscore 21,8 ± 14 % ; STS : 14,1 ± 12 %.
Il a été implanté 67 % de valves Edwards et 33 % de CoreValves. La voie fémorale est privilégiée (73 %) alors que l’approche transapicale a tendance à diminuer (18 %). L’implantation est encore réalisée majoritairement en salle de cathétérisme, en attendant le développement des salles hybrides, et sous anesthésie générale. La majorité des valves implantées sont de taille intermédiaire.
Le succès de l’implantation est particulièrement élevé : 97 %, ce qui atteste de l’adaptation de cette technique à des centres plus ou moins expérimentés. La mortalité est bien renseignée grâce à un taux de suivi de > 98 % jusqu’à 1 an. Chez ces patients à haut risque, la mortalité globale est naturellement élevée (9,5 % à J30, 24,1 % à 1 an), sans différence significative entre les deux types de valves, mais significativement plus élevée avec la voie transapicale, généralement utilisée chez les patients vasculaires à haut risque (tableau 2). Le taux des complications vasculaires est équivalent avec les deux types de valves (environ 12 % de complications vasculaires, 18 % de saignements et 4,5 % d’AVC), à l’exception des poses de pacemakers, plus fréquentes avec les CoreValves (24 vs 12 %).
Les résultats fonctionnels sont très bons : la majorité des patients sont pauci-symptomatiques dès J30, et le demeurent à 1 an.
À côté du registre France 2, nous disposons de 3 autres registres d’effectif plus petit colligeant les résultats des deux types de valves (belge, anglais et allemand) et des registres Source, pour la valve Sapien Edwards, et italien pour la CoreValve. Les données sont globalement équivalentes avec celles du registre français : préférence pour la voie fémorale, âge, Euroscores, succès de la procédure, taux d’AVC et de complications majeures, et survie équivalents ; seul le taux de pacemakers diffère en fonction du type de valve implanté. Un registre européen regroupant les données de 4 571 patients dans 137 centres de 10 pays (Allemagne exclue) va être publié, qui montre 96,5 % de succès de la procédure d’implantation, tous types de valves confondus ; la fréquence des complications et la durée d’hospitalisation dépendent de la voie d’abord ; il existe aussi des différences en fonction du type de valve implantée : davantage de pacemakers, de fuites périprothétiques et de 2e valve avec la CoreValve, mais davantage de complications rénales avec l’Edwards.
Comparativement au reste du monde, les Européens ont tendance à implanter des patients ayant des Euroscores plus bas. Enfin, la France se distingue par le faible pourcentage d’anesthésies locales comparativement à ses voisins.
Le registre allemand GARY a la particularité de regrouper les valves chirurgicales et les TAVI, soit environ 13 000 patients, 60 % ayant reçu une CoreValve par voie transvasculaire et 30 %, une Edwards par voie transapicale. Les taux de complications cérébrovasculaires sont du même ordre de grandeur chez les patients bénéficiant d’un TAVI, comparativement aux patients traités chirurgicalement avec pontage coronarien, aux alentours de 3,5 % ; les poses de pacemakers sont plus fréquentes par voie fémorale qu’apicale (23,7 % vs 9,9 %) comparativement aux patients traités chirurgicalement (4 à 5 %). La mortalité hospitalière, de 2,1 % chez les patients opérés sans pontage et 4,5 % avec pontage, est de 5,1 % chez les patients implantés par voie transvasculaire et 7,7 % par voie apicale.
Quelles évolutions technologiques ?
Après les valves Cribier-Edwards, Edwards Sapien et Edwards Sapien XT, et le perfectionnement du matériel utilisé pour les voies d’approche, de nouvelles évolutions technologiques sont attendues de la société Edwards.
En 2013, la valve Sapien va devenir Sapien 3 : formée d’un stent en cobalt-chrome et d’une valve en péricarde bovin, cette nouvelle valve va s’enrichir d’une taille supplémentaire de 20 mm, en plus des 23,26 et 29 mm, et comportera un anneau externe à sa base afin d’assurer une meilleure coaptation pour éviter les fuites paravalvulaires et l’insuffisance aortique. Parallèlement, le cathéter de délivrance devient plus flexible à son extrémité, ce qui facilitera le franchissement de la crosse aortique et l’abord des sinuosités aortiques, d’où un meilleur placement de la valve prothétique. L’introducteur bénéficie d’un calibre réduit, en 14 F, mais expandable, si bien qu’il s’agrandit au passage du cathéter, pour reprendre ensuite sa taille initiale. Quelques cas ont été réalisés avec cette nouvelle valve et une étude multicentrique va prochainement débuter.
Une autre évolution technologique est en développement, la valve Edwards Centera, délivrable par retrait d’une gaine, auto-expandable et non implantable par gonflage d’un ballonnet. Il s’agit d’une valve en péricarde bovin, courte, montée sur un stent de maillage plus large en nitinol et dotée d’un profil diminué puisqu’elle sera introduite par un introducteur de 14 F. Le dispositif a été conçu pour être utilisé par un seul opérateur car il est complètement motorisé, la valve étant repositionnable et implantable par voie fémorale ou sous-clavière. L’extrémité du cathéter est effilée et la poignée conçue pour une utilisation par un seul opérateur. Les premiers résultats chez 15 patients implantés par voie fémorale ou axillaire montrent un succès de la procédure dans tous les cas et de très bons résultats hémodynamiques, maintenus à 1 an. On observe 69 % de fuites paravalvulaires grade II, soit l’équivalent des systèmes actuels et un taux de pacemakers plus élevé qu’avec les modèles expandables (27 %). Dans cette petite série, la survie est très bonne (87 % à 1 mois, 80 % à 1 an) et il n’a été observé ni accident vasculaire cérébral, ni décès lié à la valve.
Enfin, le système Ascendra, conçu pour les approches alternatives transapicale et transaortique, évolue vers sa deuxième génération. Ascendra 2 présentera des améliorations technologiques sur le cathéter et le ballon, et devrait être disponible courant 2013 en France. Les nouveaux types de valve ont bénéficié d’améliorations technologiques conséquentes qui permettent l’obtention de résultats hémodynamiques et une bonne durabilité. Ces perfectionnements remplissent les conditions nécessaires à l’utilisation de cette technique chez un nombre croissant de patients.
D’après un atelier modéré par M. Romano (Massy) et A. Vahanian (Paris), lors des JESFC 2013, avec la participation de B. Iung (Paris), M. Gilard (Brest), B. Marcheix (Toulouse) et H. Eltchaninoff (Rouen)
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