publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie générale

Publié le 01 jan 2014Lecture 5 min

Épistaxis : une affaire de nez mais aussi de flair

D. ARMENGAUD, Centre intercommunal de Poissy/Saint-Germain-en-Laye

Urbain, 2 ans 7 mois, est amené aux urgences pour une épistaxis apparue en fin d’après-midi et qui inquiète les parents par son importance, la présence de caillots et sa persistance malgré la compression manuelle. 

C’est la deuxième fois que cet enfant présente une épistaxis ; le premier épisode, remontant à quelques semaines auparavant, avait été moins important et s’était résolu spontanément. Il avait conduit à un examen ORL qui n’avait pas trouvé de cause locale. Ce garçon est le deuxième d’une fratrie de deux, dont une sœur aînée sans antécédents particuliers. Ses parents sont bien portants, mais son père a présenté à l’âge de 28 ans un infarctus du myocarde qui a nécessité une angioplastie du fait d’une sténose de l’interventriculaire antérieure. L’interrogatoire ne retrouve pas de notion de chute, de traumatisme ou d’une éventuelle introduction possible d’un corps étranger. Le saignement est unilatéral à droite, sans phénomène douloureux local ou infectieux général.   • L’enfant est en bon état général, avec une coloration rassurante. Il est apyrétique, son poids est de 15 kg (+ 1,5 DS), et sa taille de 97 cm (+ 2 DS). L’auscultation cardiaque est normale, sans souffle, avec une fréquence cardiaque à 109/min et une pression artérielle à 154/ 66 mmHg. Les pouls périphériques sont tous perçus. L’examen ORL est normal en dehors de l’épistaxis qui se poursuit avec un saignement postérieur visible dans le pharynx, de petite abondance. L’examen neurologique et le reste de l’examen somatique sont normaux.   • Un bilan biologique est rapidement prélevé. Les examens complémentaires demandés sont : - une radio thoracique (figure 1) ; - un ECG : rythme sinusal (109/min), PR 135 ns, axe 79°, QCC 411 ns, absence de signes d’HVG ; - une échographie abdominale, qui montre des reins de structure normale et un rein gauche plus petit que le droit ; - un écho-Doppler des artères rénales normal (figure 2).   Figure 1. Radio thoracique normale avec un doute sur une cardiomégalie (échocardiographie normale). Figure 2. Écho-Doppler des artères rénales normal. Diagnostic ● L’épistaxis présentée par cet enfant pourrait être préoccupante mais n’est pas en fait le problème principal… ; elle est « seulement » l’élément révélateur d’une hypertension artérielle (HTA), que l’on peut considérer comme menaçante. Les chiffres tensionnels sont en effet toujours à apprécier en fonction de l’âge. L’HTA est rapidement confirmée par des mesures itératives effectuées au repos par Dynamap® : 156/92 mmHg au bras gauche et 152/101 au bras droit ; 159/84 à la jambe gauche et 158/101 à la jambe droite. Il est à noter que la reprise de l’interrogatoire des parents révèlera des chiffres tensionnels similaires quelques mois auparavant, constatés par le médecin traitant qui n’en avait pas tenu compte du fait d’une opposition avec pleurs de l’enfant durant l’examen.   ● Un traitement antihypertenseur est immédiatement débuté par nicardipine (Loxen®) en perfusion IV continue à doses progressivement croissantes jusqu’à 5 mg/kg/j ; on n’obtient pas de modification significative des chiffres tensionnels, mais la tolérance clinique reste bonne. L’adjonction d’acébutolol (Sectral®) per os jusqu’à 20 mg/kg/j, en deux prises quotidiennes, ne permet pas non plus d’obtenir une normalisation tensionnelle (PA systolique entre 130 et 140 mmHg), alors que l’épistaxis se tarit spontanément et que la tolérance clinique reste globalement bonne, sans déglobulisation secondaire.   ● Les explorations menées dans le même temps avaient donné les résultats suivants : - radiographie thoracique (figure 1) normale, avec une augmentation modérée de l’index cardiothoracique ; - échographie cardiaque normale ; notamment, elle ne retrouve ni dilatation des cavités ni signes d’HVG, de valvulopathie, ou de sténose de l’arche aortique ; - échographie rénale avec Doppler normale (figure 2) ; - examen ophtalmologique normal. Le bilan biologique initial de base, normal, est complété par le dosage des catécholamines urinaires, de l’aldostéronémie, de l’activité rénine plasmatique et de la cortisolurie. Les dosages biochimiques reviendront normaux en dehors d’une augmentation de l’activité rénine plasmatique et de l’aldostéronémie : - noradrénaline : 86 μg/g (n < 120) ; - dopamine : 828 μg/g (n < 1 500) ; - cortisol libre urinaire : 74 nmol/ 24 h (n < 83) ; - activité rénine plasmatique (couché) : 659 pg/ml (n : 31 ± 12,9) ; - aldostéronémie élevée (couché) : 4 995 pmol/l (n : 12-340).   ● Sur le plan thérapeutique, le contrôle des chiffres tensionnels est enfin obtenu par l’administration d’énalapril (Renitec®) à la posologie de 5 mg/j.   ● La possibilité d’une origine rénovasculaire, malgré la normalité de l’échographie effectuée, doit être évoquée devant les anomalies biochimiques associées à cette HTA (activité rénine plasmatique élevée, hyperaldostéronisme probablement secondaire). La réponse à un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) après l’échec des premières prescriptions va aussi dans ce sens. En effet, le mécanisme d’action des IEC et la diminution de l’angiotensine obtenue est efficace sur les HTA à activité rénine plasmatique élevée, avec de manière concomitante obtention d’une diminution de l’aldostéronémie.   ● L’angioscanner est indiqué afin de rechercher une anomalie rénovasculaire et en premier lieu une sténose de l’artère rénale. Les performances et la faible invasivité de cet examen par rapport aux « anciennes » artériographies a relégué le cathétérisme artériel aux seules fins thérapeutiques. L’enfant est adressé en milieu spécialisé où l’angioscanner confirmera l’hypothèse étiologique en mettant en évidence une sténose serrée de l’artère rénale gauche (figure 4), avec dilatation sacciforme post-sténotique.   Évolution   L’indication d’une angioplastie est alors posée, discutée avec les parents et acceptée par eux. Sa réalisation, sans difficultés particulières, ne permettra cependant pas d’obtenir une dilatation radiologiquement satisfaisante. Il sera donc nécessaire de poursuivre le traitement anti-hypertenseur ; un bon contrôle des chiffres tensionnels est obtenu par trithérapie associant Sectral® (100 - 0 - 100 mg), Loxen® (20 - 10 - 10 mg) et Renitec® (0 - 0 - 10 mg). Une deuxième dilatation par angioplastie, à moyen terme, reste ouverte à la discussion…   Figure 3. Angioscanner abdominal. Mise en évidence d’une sténose proximale de l’artère rénale gauche avec dilatation post-sténotique. Confirmation de l’assymétrie rénale à la limite de la significativité aux dépens du rein gauche.   Figure 4. Angio-scanner abdominal/reconstruction en 3D : sténose de l’artère rénale.   "Publié dans Pédiatrie Pratique"

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 95

Vidéo sur le même thème