Congrès et symposiums
Publié le 31 mai 2014Lecture 6 min
MitraClip : où en sommes-nous ?
D. HIMBERT, Hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP, Département de cardiologie
Printemps de la cardiologie
Depuis la première utilisation du MitraClip chez l’homme en 2003, plus de 12 000 patients ont été traités par ce dispositif. Le programme EVEREST a initialement permis de démontrer la faisabilité de la procédure et de comparer son efficacité et sa sécurité par rapport à la chirurgie conventionnelle. Le marquage CE a été obtenu en 2008. Au cours des dernières années, plusieurs registres ont permis de mieux évaluer la place et les résultats de la technique dans la pratique clinique courante et, très récemment, trois études randomisées ont débuté pour comparer son bénéfice clinique au traitement médical optimal seul dans l’insuffisance mitrale secondaire (figure 1).
Figure 1. Expérience mondiale du MitraClip.
Les données récentes sur l'étude EVEREST II
Publiées en 2011 dans le New England Journal of Medicine, les résultats de cette étude comparative randomisée avec la chirurgie conventionnelle étaient que, malgré une efficacité moindre en termes de réduction du volume de l’IM, la réparation percutanée était plus sûre et aboutissait à un bénéfice clinique identique à celui de la chirurgie, sur des critères fonctionnels (qualité de vie, classe fonctionnelle), et objectifs (remodelage ventriculaire gauche). Nous disposons maintenant des données à 4 et 5 ans.
L’analyse des sous-groupes à 4 ans montre une tendance en faveur d’un bénéfice du Mitra- Clip sur la chirurgie chez les patients de plus de 70 ans atteints d’insuffisance mitrale (IM) secondaire. Au contraire, les patients jeunes (moins de 70 ans) et porteurs d’une IM primaire tirent un meilleur bénéfice clinique de la chirurgie. À 5 ans, la survie globale est strictement identique dans les 2 groupes (81 % dans le groupe MitraClip, 79 % dans le groupe chirurgie) et la survie sans chirurgie mitrale ou réintervention est de 74 % dans le groupe MitraClip contre 92 % dans le groupe chirurgie. À noter que cette différence sur les réinterventions s’observe au cours des 6 premiers mois post-intervention, au-delà les courbes des 2 groupes sont parallèles (figure 2).
Figure 2. Étude randomisée EVEREST II : suivi à 5 ans. D’après Feldman T, ACC 2014. A. Survie. B. Survie sans chirurgie ni réintervention.
Par ailleurs, ce suivi à long terme confirme la durabilité de l’efficacité du MitraClip sur le volume de l’IM, l’amélioration de la classe fonctionnelle NYHA et des volumes et dimensions ventriculaires gauches. Dans une population sélectionnée, le bénéfice clinique et la sécurité d’utilisation du MitraClip sont donc durables et comparables à long terme à ceux de la chirurgie.
Néanmoins, la population incluse dans EVEREST II (majorité d’IM primaires, patients à faible risque, critères anatomiques très restrictifs) est très différente de celle pour laquelle le MitraClip est envisagé dans la pratique clinique courante, comme l’indiquent les principaux registres contemporains.
Les registres
Les registres commerciaux en cours incluent en effet une population très différente. On ne dispose pas de registre ni de cohorte spécifiquement dédiés aux IM primaires. Dans ces registres, 75 % des patients sont à haut risque ou contre-indiquée à la chirurgie et 66 % sont atteints d’IM secondaire. Près de 80 % d’entre eux ne remplissent pas les critères anatomiques requis dans EVEREST II. Les résultats sont pourtant assez voisins. Dans le registre européen ACCESS EU (2 500 patients), plus de 80 % des patients ont une IM résiduelle ≤ 2+ à un an, plus de 70 % sont en classes I ou II de la NYHA et la qualité de vie est substantiellement améliorée. Les résultats du petit registre français (62 patients) sont identiques. Il s’agit de patients à haut risque (73 ans, plus de 80 % en classes III ou IV de la NYHA, EuroSCORE 19 %), porteurs d’une IM secondaire dans 74 % des cas. À 6 mois, plus de 90 % sont en classes I ou II de la NYHA et 80 % ont une IM résiduelle ≤ 2+ (figure 3). Malgré les résultats encourageants de ces registres, la preuve de la supériorité du MitraClip sur le traitement médical seul dans l’IM secondaire n’est pas acquise, ce qui impose la réalisation d’études comparatives randomisées.
Figure 3. Registre multicentrique national sur l’expérience française dans la réparation percutanée de la valve mitrale par MitraClip : statut fonctionnel (gauche) et volume de l’IM résiduelle (droite). D’après Armoiry X et al. Arch Cardiovasc Dis 2013 ; 106 : 287-94.
Les études randomisées contre traitement médical dans l'insuffisance mitrale secondaire
Trois études sont aujourd’hui en cours, sur le même modèle : COAPT aux États-Unis, RESHAPE en Europe et MITRA-FR en France. Il s’agit d’études prospectives randomisées contre un traitement médical optimal (comprenant la resynchronisation ventriculaire), chez des patients très symptomatiques, porteurs d’IM secondaires sur dysfonction ventriculaire (FEVG comprises entre 15 et 40 %). L’étude multicentrique française MITRA-FR prévoit l’inclusion de 144 patients dans chaque groupe, jugés non opérables après concertation multidisciplinaire. Le critère primaire de jugement combinera décès et hospitalisations pour insuffisance cardiaque à 12 mois.
Les recommandations et l'utilisation actuelle du MitraClip
Les recommandations européennes de 2012 indiquent que « l’intervention percutanée par MitraClip peut être considérée chez les patients symptomatiques ayant une IM primaire ou secondaire malgré un traitement médical optimal, remplissant les critères d’éligibilité échographique, jugés inopérables ou à haut risque chirurgical par une heart team et ayant une espérance de vie supérieure à un an ». Il s’agit d’une recommandation de classe IIb, niveau C. Il s’y ajoute la note suivante : « Les données actuelles doivent être confirmées pas des séries plus importantes avec des suivis plus longs et comportant une randomisation ». Ces recommandations sont prudentes, soulignent la nécessité de poursuivre l’évaluation clinique, mais ouvrent la porte à une utilisation du MitraClip en soin courant, quel que soit le mécanisme de l’IM.
Les recommandations américaines diffèrent sensiblement car elles séparent les IM selon leur mécanisme. Dans les recommandations ACC/AHA 2013 sur la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, il est stipulé que « la réparation valvulaire mitrale par cathéter, comme la chirurgie de l’IM fonctionnelle, est de bénéfice incertain et ne doit être considérée qu’après une sélection soigneuse du candidat et dans le contexte d’un traitement médical optimal » (classe IIb, niveau B).
En octobre 2013, la FDA porte l’appréciation suivante sur le MitraClip : « Ce dispositif est indiqué pour le traitement percutané des IM significatives symptomatiques (IM ≥ 3+) dues à une anomalie primaire de l’appareil valvulaire mitral (IM dégénératives) chez les patients considérés comme étant à risque prohibitif pour une chirurgie valvulaire mitrale par une heart team comportant un chirurgien cardiaque et un cardiologue expérimentés en pathologie valvulaire mitrale, et chez qui les comorbidités n’obèrent pas le bénéfice attendu de la réduction de l’IM ».
Ces recommandations sont très inégalement répercutées dans l’utilisation du MitraClip en Europe. En France, malgré le consensus sur son intérêt dans l’IM primaire chez les patients à haut risque, aucun remboursement du dispositif n’existe et la disponibilité du Clip est conditionnée par la possibilité des centres implanteurs de prendre en charge le prix du dispositif. Il est donc en pratique presque impossible en France de traiter cette population qui n’a pourtant aucune alternative thérapeutique. Pour les patients ayant une IM secondaire, la participation à l’étude randomisée MITRA-FR conditionne toute éventuelle implantation. Ceci explique que le taux d’implantations soit malheureusement proche de 0/100 000 habitants, comme en Pologne, en Turquie, en République tchèque ou en Espagne, alors qu’il se situe autour de 30/10 000 en Allemagne et en Suisse, et autour de 10 à 15/100 000 en Autriche, au Danemark, en Suède ou aux Pays-Bas (figure 4). Outre les pertes de chances infligées aux patients, cette politique très restrictive empêche les centres français de progresser dans leur courbe d’apprentissage et de participer aux programmes européens qui requièrent une plus grande expérience. Il est donc de notre devoir de tenter de convaincre nos interlocuteurs financiers de débloquer des crédits permettant, au moins au coup par coup, l’implantation des patients nécessitant impérativement une intervention et sans aucune alternative raisonnable.
Figure 4. Expérience européenne du MitraClip en 2012. Ordonnée de gauche : nombre de mois depuis la commercialisation ; ordonnée de droite : nombre de procédures MitraClip pour 100 000 habitants. Source : Abbott Vascular Data on file, septembre 2012.
Les perspectives
Elles sont principalement de 3 ordres.
Tout d’abord, les progrès à venir de l’imagerie multimodalités, avec ici l’intérêt de la fusion des images entre l’ETO 3D et la fluoroscopie, qui sera une aide substantielle à la navigation pendant la procédure.
Ensuite, l’amélioration de la technique elle-même pour les cas difficiles, concernant essentiellement les IM dégénératives, nécessitant parfois l’implantation de 2 clips ou plus, l’utilisation d’une asystole induite par l’adénosine ou d’un pacing rapide pour faciliter la capture des feuillets, ou encore celle de 2 systèmes de délivrance.
Enfin et surtout, la combinaison du MitraClip à une annuloplastie percutanée ou un geste sur les cordages, afin de tenter de transposer à la voie percutanée les principes de la chirurgie reconstructrice valvulaire mitrale établis par Alain Carpentier : préserver ou restaurer une mobilité normale des feuillets, créer une large surface de coaptation et remodeler et stabiliser l’anneau dans sa totalité.
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