Congrès et symposiums
Publié le 31 aoû 2014Lecture 8 min
Lésions de l’artère interventriculaire proximale - Quid des stents actifs ?
O. VARENNE, J. ROSENCHER, F. BARBOU, Services de cardiologie, Hôpital Cochin et Hôpital du Val-de-Grâce, Paris
APPAC
Depuis le début des années 2000, tous les types de lésions (tronc commun, petits vaisseaux, longues lésions, bifurcations, occlusions, etc.) et de patients (diabétiques, syndromes coronariens aigus, pluritronculaires, etc.) ou presque, ont été randomisés, évalués, testés, et le plus souvent validés comme tirant un bénéfice clinique des stents actifs, principalement une réduction du risque de resténose et de réintervention.
Un sous-groupe de lésions fait cependant encore débat en France (et en France seulement) : les sténoses de l’interventriculaire antérieure (IVA) proximale. On peut se demander ce qui justifie cette exception et les débats passionnés qu’elle engendre entre les partisans de l’utilisation exclusive de stents nus et ceux prônant une utilisation des stents actifs dans les cas le permettant. Est-ce pour des raisons de manque d’efficacité ? De manque de sécurité ? D’absence de résultats cliniques ? Ou bien est-ce pour des raisons médico-économiques
L’artère interventriculaire antérieure proximale
L’IVA proximale est un segment artériel coronaire défini anatomiquement comme étant situé entre la distalité du tronc commun en amont et la naissance de la première branche septale en aval. Il s’agit d’un segment d’environ 1 cm de long généralement d’un diamètre supérieur à 3 mm. La structure de l’artère à ce niveau est semblable au reste du vaisseau avec la classique structure en trois couches : intima, média et adventice. Il n’y a pas de spécificité anatomopathologique de l’IVA sur son segment proximal pouvant laisser supposer qu’un stent actif puisse agir différemment s’il était implanté quelques millimètres plus bas sur un segment moyen de même diamètre.
Il a été bien démontré que les lésions touchant cette localisation étaient associées à un fort risque clinique en raison de l’étendue de myocarde irrigué (souvent plus de 40 % du myocarde) et également de l’importance fonctionnelle du septum interventriculaire sur la fraction d’éjection du ventricule gauche. Les infarctus associés aux thromboses de l’IVA proximale sont ainsi associés à un sur-risque de décès et de dysfonction ventriculaire gauche sévère, elle-même associée à une péjoration du pronostic.
Analyse de la littérature
L’IVA proximale en tant que telle n’a pas bénéficié de grands essais randomisés pour prouver le bénéfice des stents actifs par rapport aux stents nus. Mais on peut remarquer que le constat est identique pour l’IVA distale, la marginale moyenne ou la coronaire droite distale.
Les essais randomisés ont, depuis les années 2000 et l’essai RAVEL, comparé les stents actifs avec les stents nus, puis depuis ces dernières années, les stents de seconde génération à ceux de première génération dans des populations peu sélectionnées appelées « all comers » ou « tout-venant ». L’analyse des caractéristiques des populations de ces essais fait apparaître une fréquence très importante de lésions de l’IVA (environ 40 %), dont il est difficile d’imaginer que seules les lésions des segments moyen et distal aient été incluses. Il est vraisemblable qu’une part très significative des lésions incluses dans les essais randomisés concernait en fait bien l’IVA sur son segment proximal. En admettant que les lésions de l’IVA distale ne sont pas fréquemment traitées par stenting pour ne pas obérer une chirurgie ultérieure, on peut supposer que 15-20 % des dizaines de milliers de patients inclus dans les études cliniques avaient une sténose de l’IVA proximale.
Une étude spécifique de L. Bonello et coll. a comparé les stents actifs et nus chez des patients avec lésion exclusive de l’IVA proximale(1). Le résultat de l’étude est neutre sur le critère principal sans excès de mortalité ni d’IDM mais sans réduction des réinterventions pour resténose. Cela suggère un possible bénéfice moindre des stents actifs du fait de diamètres de référence plus importants dans l’IVA proximale que dans d’autres segments. Ce résultat suggère un risque de resténose moindre du fait du calibre de l’IVA proximale, plus qu’une absence d’efficacité des stents actifs dans cette localisation spécifique.
Les métaanalyses et network analyses récentes concluent que les stents actifs réduisent de façon marquée le risque de resténose et de réinterventions, en même temps qu’ils ont un effet neutre sur la mortalité et le risque d’infarctus. Les stents de seconde génération apparaissent même plus efficaces et peut être plus sûrs que ceux de la première. Il est utile d’observer qu’il n’y a pas d’élément dans la littérature orientant vers une hétérogénéité de cet effet bénéfique en fonction du site de la sténose et ainsi, pas d’élément suggérant un bénéfice moindre de l’utilisation des stents actifs dans l’IVA.
Dans l’étude SPIRIT IV comparant les stents actifs à l’évérolimus aux stents au paclitaxel chez un peu moins de 4 000 patients, la proportion de patients avec lésions de l’IVA est rapportée dans l’article à 42 %(2). Dans cette étude, les stents actifs à l’évérolimus sont supérieurs aux stents au paclitaxel pour le critère principal, mais de plus, en analyse de sous-groupes, le bénéfice clinique observé est indépendant de la localisation de la lésion dans l’IVA proximale ou non (p hétérogénéité = ns).
Ainsi, les conclusions des grandes métaanalyses sur les stents actifs peuvent s’appliquer aux lésions de l’IVA proximale. Un moindre intérêt des stents actifs dans cette anatomie tiendrait plus au fait qu’un volume de formation néo-intimale n’a pas le même retentissement en termes de limitation du flux et d’éventuels symptômes d’ischémie myocardique si l’artère a un diamètre < 3,0 mm ou ≥ 4,0 mm et pas du tout du fait d’une particularité anatomique.
Cependant, à coté du risque de resténose absolu, il faut distinguer le risque clinique encouru par le patient en cas de survenue d’une resténose. En d’autres termes, s’il est vrai que la resténose est moins fréquente dans les vaisseaux très larges par rapport aux petits vaisseaux, il est également clair qu’elle n’a pas non plus les mêmes conséquences. En effet, on imagine bien qu’une resténose occlusive est plus grave lorsqu’elle survient sur un stent implanté dans le tronc commun que dans une branche distale de la coronaire droite. Cette question de la balance entre une plus faible fréquence, mais une potentielle plus grande gravité de la resténose dans les vaisseaux de gros calibre, mériterait une analyse poolée des résultats d’analyses de sous-groupes mais n’existe pas actuellement. En l’absence de cette métaanalyse, une recommandation formelle à l’utilisation des stents actifs dans l’IVA proximale n’est pas possible, mais leur interdiction totale n’est clairement pas justifiée non plus.
De plus, le risque réel de resténose est mal connu bien que majoré, y compris dans les segments de diamètre > 3 mm, en cas d’insuffisance rénale, en cas d’antécédent de resténose ou en cas de longue lésion. Ces situations cliniques fréquentes ne sont pas clairement identifiées dans la prise en charge par stents actifs des lésions au niveau de l’IVA proximale.
L’aspect médico-économique
En fait, l’argument le plus fort contre l’utilisation des stents actifs dans l’IVA proximale demeure l’absence d’inscription de ces lésions sur la liste de remboursement LPPR des stents actifs (hors diabète ou cas particulier comme dissection en aval d’un stent dans le tronc commun).
La Haute Autorité de santé a réalisé en 2009 une analyse très détaillée de l’utilisation raisonnée des stents actifs en pratique clinique. Le mode de fonctionnement de l’institution et la méthode de travail sont clairement détaillés dans cet ouvrage de plus de 250 pages(3). Sans remettre en cause la quantité et la grande qualité du travail fourni par les membres du groupe, il faut observer que la majorité du travail concerne les données publiées sur les stents actifs Cypher® (ne sont plus disponibles car non commercialisés) et les stents Taxus® (régulièrement mis en infériorité par rapport à d’autres stents actifs). La volonté du groupe de travail d’identifier les patients/lésions ayant le meilleur rapport bénéfice/coût amène à la discussion des lésions de l’IVA proximale. Il est conclu « qu’aucune étude n’a spécifiquement randomisé des patients avec lésions de l’IVA proximale entre stent actif et stent nu et donc que les lésions de l’IVA proximale ne peuvent être considérées à elles seules comme des indications à l’utilisation des stents actifs. Ainsi l’implantation d’un stent actif dans une lésion de l’IVA proximale ne permet pas de remboursement ».
L‘argumentaire de la HAS de 2009 met en avant l’absence d’étude comparative directe dans cette indication, ne signalant pas qu’il n’existe pas plus de comparaison directe entre les stents nus (solution de facto favorisée par la décision de ne pas rembourser les stents actifs) et l’angioplastie au ballon seul dans cette indication. En effet, si les stents nus représentent une solution chez les patients où les stents actifs ne peuvent être implantés car ils réduisent le risque de resténose vis-à-vis des angioplasties au ballon, ce bénéfice n’a jamais été validé dans une étude spécifique aux lésions de l’IVA proximale.
Dans la littérature, une étude coût/efficacité répond parfaitement au problème médico-économique posé ci-dessus(4). À partir des données d’un registre national nord-américain de plusieurs centaines de milliers d’angioplasties, les auteurs démontrent que l’utilisation à près de 75 % des stents actifs dans les lésions à faible risque de resténose (pas uniquement IVA proximale) est associée à un surcoût de près de 400 millions de dollars par rapport à l’utilisation exclusive de stents nus. Ces derniers sont cependant associés à une augmentation modeste des événements cliniques (< 2 % revascularisations) (figure). Cela démontre clairement la validité du raisonnement de la HAS, pointant un meilleur rapport coût/efficacité des stents actifs dans les lésions à fort risque de resténose.
Figure. Utilisation des stents actifs dans le groupe à bas risque.
Mais cette analyse basée sur les coûts médico-économiques nord-américains est difficilement transposable en l’état en France où les stents actifs sont très significativement moins chers, et où le différentiel stents actifs/stents nus a considérablement évolué à la baisse depuis 2007 contraint par une forte mise en concurrence des produits. La différence de prix existant, en tenant compte des prix de remboursement LPPR (925 € pour les stents actifs et 550 € pour les stents nus) est bien inférieure à celle sur laquelle l’analyse nord-américaine sus-citée est réalisée. Le différentiel de prix est encore moindre si on prend en compte, non pas les prix LPPR mais les prix des stents actifs négociés par les gros centres ou les centrales d’achat rendant l’analyse médico-économique décrite ci-dessus beaucoup moins pertinente. Une réduction des prix de remboursement LPPR des stents actifs ne ferait que limiter davantage l’absence de bénéfice économique à utiliser des stents non actifs dans les lésions de l’IVA proximale.
Au total, il n’existe pas d’argument anatomique, scientifique, ni même économique justifiant la mise à l’écart de l’IVA proximale des remboursements LPPR. Une politique de réajustement des prix de remboursement semblerait plus profitable en termes médico-économiques.
En pratique
Au total, il semble raisonnable de conclure que les stents actifs conservent leur efficacité dans les lésions de l’IVA proximale mais que compte tenu du plus faible risque de survenue d’une resténose dans les très gros vaisseaux, leur bénéfice clinique est moins marqué que dans d’autres segments si le diamètre de référence est ≥ 3,5 mm.
Mais il faut également ajouter que, bien que moins fréquente, le risque myocardique d’une resténose sévère dans l’IVA proximale est plus important que pour tout autre territoire, tronc commun exclu.
En l’absence de bénéfice médico-économique clairement établi, et du fait des coûts très voisins des solutions alternatives, l’utilisation de stents actifs dans l’IVA proximale est possible chez les patients n’ayant pas de contre-indication clinique.
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