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Congrès et symposiums

Publié le 14 fév 2015Lecture 9 min

Nouveaux médicaments en développement dans l’hypertension artérielle

P. BLANC-DURAND, S. LAURENT*, Département de pharmacologie, Hôpital européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris ; Université Paris Descartes, Paris *Inserm U970-PARCC


Les Journées d'HTA
Cet article passe en revue les nouveaux médicaments en développement dans l’hypertension artérielle (HTA). Ces derniers comportent à la fois de nouveaux agents pharmacologiques mais également de nouvelles molécules de classes médicamenteuses existantes ayant des propriétés additionnelles sur la régulation de la pression artérielle. Un certain nombre de nouvelles voies de signalisation cellulaire et de mécanismes physiopathologiques ont émergé au cours de ces dernières années, offrant de nouvelles cibles pharmacologiques dans l'hypertension. Nous insisterons sur les médicaments actifs par voie orale et étudiés dans des essais cliniques(1).

Les nouvelles molécules ciblant l‘hypertension systolique isolée   L’hypertension systolique isolée est la forme la plus fréquente et la plus typique de vieillissement vasculaire accéléré, lié à l’augmentation de rigidité des artères de gros calibre. Parmi les différents mécanismes moléculaires mis en jeu, les rôles des produits terminaux de glycation (PTG) et du déficit en NO ont été soulignés.   Inhibiteurs des produits terminaux de glycation (IPTG) et bloqueurs des PTG (BPTG) Jusqu’à maintenant, seul le dérivé du thiazolium ALT 711-alagebrium (Synvista Therapeutics) a connu des résultats positifs au cours d’essais cliniques. Malheureusement, plusieurs essais cliniques ont échoué ensuite à démontrer un bénéfice soutenu dans l’HTA et l’insuffisance cardiaque, et le développement a été arrêté vers la fin des années 2000.   Donneurs de NO Parce que l’oxyde nitrique (NO) est un puissant vasodilatateur, il était tentant de tester les propriétés antihypertensives des donneurs de NO. L’utilisation clinique au long cours< de ces agents pour le traitement de l’HTA a été limitée par leur courte durée d’action, par le phénomène de tolérance (tachyphylaxie), mais aussi par leurs effets indésirables. Pour surmonter le phénomène de tolérance, la recherche se concentre actuellement sur des médicaments à libération directe de NO, tels que le nitrosyl-cobinamide en cours d’évaluation préclinique ; à des hybrides du losartan ou du telmisartan capables de libérer du NO ; à des dérivés nitrés d’inhibiteurs non peptidiques de la rénine ; et au naproxcinod, un inhibiteur de la cyclooxygénase donneur de NO (CINOD) qui est en cours de phase III.   Nouvelles molécules en développement dans l’hypertension systolo-diastolique   Après 3 décennies d’intense développement de médicaments antihypertenseurs, la question peut se poser de savoir si nous avons encore besoin de nouveaux médicaments antihypertenseurs. Les classes pharmacologiques actuelles des médicaments antihypertenseurs sont essentiellement représentées par les diurétiques, les bêtabloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), les sartans (ARA), les inhibiteurs de la rénine et les bloqueurs des canaux calciques (BCC). Ils ne sont pas toujours efficaces chez l’hypertendu même s’ils sont prescrits en association. De plus, les nouvelles molécules peuvent démontrer une efficacité élective dans une indication comme le diabète, l’insuffisance cardiaque congestive, la maladie rénale chronique, l’hypertension artérielle pulmonaire, le vasospasme artériel secondaire à une hémorragie méningée, les phénomènes de Raynaud ou la migraine. Pour ces diverses raisons, le développement de nouvelles molécules s’est poursuivi.   Inhibiteurs des vasopeptidases La régulation du tonus vasomoteur et de la pression artérielle dépend de plusieurs voies interconnectées dans lesquelles les métalloprotéases à zinc contrôlent la concentration de plusieurs peptides vasoactifs. À côté de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I (ECA), deux autres métalloprotéinases — la néprilysine (également nommée endopeptidase neutre (EPN) et l’enzyme de conversion de l’endothéline (ECE-1) — ont été rapidement identifiées comme d’intéressantes cibles pharmacologiques : Inhibiteurs mixtes de l’ECA et de l’EPN L’omapatrilate est le premier inhibiteur mixte de l’EPN et de l’ECA à se révéler plus efficace pour faire baisser la PA que les inhibiteurs de l’ECA seule. Cependant, ces inhibiteurs mixtes se sont révélés responsables de 3 à 4 fois plus d’angiœdèmes que l’énalapril. Ces données ont accéléré le développement de nouveaux inhibiteurs mixtes des EPN/ECA avec des profils d’inhibition enzymatique différentielle, portant plutôt sur l’ECA que sur l’EPN. Parmi ces nouvelles molécules, l’ilépatril, actuellement en phase III, aurait un bon rapport d’inhibition ECA/EPN, sans inhibition de l’aminopeptidase P, dont on connaît maintenant le rôle dans l’apparition des angiœdèmes, et une bonne tolérance clinique. Inhibiteurs mixtes de l’ECE et de l’EPN Le daglutril, inhibiteur puissant des EPN/ECE, est actuellement en phase II de développement clinique chez des patients hypertendus. Inhibiteurs mixtes des ECA/ECE Une nouvelle série d’inhibiteurs phosphiniques capables d’interagir à la fois avec le domaine C-terminal de l’ECA et de l’ECE-1 tout en épargnant l’EPN, ont été développés, démontrant un effet antihypertenseur significatif chez le rat. Le développement en est encore à un stade préclinique. Inhibition triple des ECA/EPN/ECE Bien que cette inhibition puisse théoriquement bénéficier de la potentialisation de tous les mécanismes décrits ci-dessus pour faire baisser la PA, le risque d’angiœdème associé à l’inhibition des ECA/EPN demeure et doit être évalué avec attention. Inhibiteurs mixtes du récepteur de type 1 de l’angiotensine II et de la néprilysine Le LCZ696 a été développé comme une molécule unique comprenant les fractions moléculaires du valsartan et un promédicament inhibiteur de l’EPN. Le LCZ696 a montré une efficacité additive sur la pression artérielle, par rapport au valsartan seul. Aucun cas d’angiœdème n’a été signalé au cours de la période de traitement de huit semaines. L’étude PARADIGM-HF dans l’insuffisance cardiaque a montré une réelle efficacité et une bonne tolérance. Son développement se poursuit aussi dans l’HTA.   Inhibiteurs de la synthèse d’aldostérone Ces médicaments pourraient avoir un réel avantage sur les antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes, en évitant leurs effets sur les hormones sexuelles et leurs hypothétiques effets non génomiques. Le LCI699 s’est révélé efficace pour diminuer la PA à la MAPA des 24 h chez des patients porteurs d’un hyperaldostéronisme primaire. Malheureusement, la sélectivité d’inhibition de la synthèse de l’aldostérone s’est révélée insuffisante et environ 20 % de ces patients montraient une suppression de la libération de cortisol induite par l’ACTH, ce qui pouvait les exposer à un risque accru d’insuffisance surrénale aiguë. Ce médicament est actuellement développé dans la maladie de Cushing.   Autres médicaments ciblant plus spécifiquement le système rénineangiotensine   Agonistes des récepteurs AT2 de l’angiotensine II Si le Compound 21 (C21) est neutre sur la pression artérielle, cela n’exclut pas son utilisation future comme médicament protecteur des organes cibles de l’hypertension, ou de la récupération neurologique après un AVC, ou encore de la prévention de l’hypertension artérielle pulmonaire dans un modèle de fibrose pulmonaire. Ainsi, les agonistes des récepteurs AT2 de l’angiotensine II pourraient offrir une approche complémentaire des médicaments antihypertenseurs classiques, offrant une protection tissulaire. Par ailleurs, quand le C21 est injecté directement dans le SNC, il semble exercer des propriétés antihypertensives centrales, ce qui ne semblait pas évident en cas d’application périphérique puisque le C21 ne passe pas, ou très peu, la barrière hémato-encéphalique (BHE). Les agonistes des récepteurs AT2 de l’angiotensine II ayant la capacité de traverser la BHE pourraient donc avoir un intérêt comme médicament antihypertenseur. Le C21 est en phase finale d’essais précliniques et d’études de toxicité et devrait entrer en phase I clinique en 2015. Angiotensine 1-7, dérivés de l’angiotensine 1-7 et agonistes de MAS L’angiotensine 1-7 — Ang(1-7) — a démontré des propriétés antihypertensives et un effet de protection tissulaire. Cependant, comme l’Ang(1-7) est un peptide, diverses approches sont en cours de développement pour trouver des agonistes de MAS actifs par voie orale, dont l’une est l’encapsulation de l’Ang(1-7) dans la cyclodextrine, molécule gastro-résistante. L’autre approche est de trouver des agonistes non peptidiques de MAS par le screening de chimiothèques. Le CGEN-856 est en cours d’évaluation dans des modèles animaux. Activateurs de l’ECA-2 et recombinaison humaine de l’ECA-2 La principale enzyme responsable de la génération d’Ang(1-7) est l’ECA-2. Ainsi il est possible d’augmenter la concentration d’Ang(1-7) soit en augmentant l’activité de l’ECA-2 soit en administrant directement de l’ECA-2 aux patients. L’ECA-2 recombinante humaine est maintenant développée par GlaxoSmithKline pour le traitement du syndrome de détresse respiratoire aiguë. Deux médicaments DIZE et XNT ont été signalés comme capables d’accroître l’activité de l’ECA-2. Mais le brevet de protection de ces molécules a expiré depuis longtemps, et il reste à savoir si elles sont encore développées pour des indications dans lesquelles l’élévation d’Ang(1-7) entraîne un bénéfice thérapeutique. Antagonistes non peptidiques du récepteur à la (pro)rénine — R(P)R Comme le R(P)R a été principalement associé aux lésions des organes cibles chez le diabétique, il semblait intéressant de développer des bloqueurs non peptidiques du R(P)R (dénommés BRPR). Cependant, des doutes sur la tolérance des BRPR ont été soulevés car, d’une part, le knock-out du R(P)R est abortif et, d’autre part, le R(P)R est essentiel pour la signalisation Wnt. Ainsi, le développement dans des indications cardiovasculaires a été stoppé et les BRPR sont maintenant plutôt envisagés dans le traitement du cancer. Inhibiteurs de l’aminopeptidase A oraux (IAPA) Alors que le premier IAPA, l’EC33 n’était pas en mesure de traverser la BHE et devait être injecté par voie intra-cérébroventriculaire pour exercer ses effets sur la pression artérielle dans divers modèles animaux, la molécule qui a suivi (RB150) avait la capacité de traverser la BHE. Si le RB150 est inactif par voie systémique, il est activé en entrant dans le SNC par clivage par des réductases cérébrales qui donne deux molécules actives d’EC33. Le RB150, qui peut être donné par voie orale, est maintenant appelé QGC001 (Quantum Genomics, Massy, France). Il a été testé avec succès dans des essais cliniques de phase I. Un essai clinique de phase IIa pour tester son efficacité chez des patients hypertendus est en cours.   Antagonistes de l’endothéline (ET-1) L’ET-1 est un puissant peptide vasoconstricteur dérivé de l’endothélium, qui agit par l’intermédiaire des récepteurs ETA et ETB. Le bosentan a été le premier des antagonistes des deux récepteurs ETA/ETB. Comparé au placebo, le bosentan réduit de manière significative la pression artérielle. Chez des patients ayant une HTA résistante, le darusentan actuellement en phase III (Gilead Sciences), s’est révélé supérieur au placebo pour abaisser la pression artérielle en consultation et en ambulatoire en association à une trithérapie (ou plus). Le développement a néanmoins été stoppé après qu’un essai ultérieur chez des patients souffrant d’hypertension résistante n’a pas montré de supériorité sur le placebo. Le sitaxsentan, un antagoniste sélectif oral des récepteurs de l’ETA en phase II (Pfizer), réduit la protéinurie, la pression artérielle et la rigidité artérielle chez les patients atteints d’une néphropathie glomérulaire recevant déjà un traitement avec des inhibiteurs de l’ECA et des ARA2. Ces effets sont au moins en partie indépendants de la baisse de la pression artérielle.   Médicaments déjà établis, nouvelles combinaisons La récente approbation par la FDA de combinaisons triples (comme celle associant le valsartan, l’amlodipine et l’hydrochlorothiazide) dans un seul comprimé, représente une nouvelle étape. Il reste à établir sur le long terme si les combinaisons triples sont bien tolérées dans des conditions de pratique clinique habituelle.   Conclusion   Malgré la découverte de nombreuses cibles pharmacologiques, et des résultats prometteurs obtenus au stade préclinique, le développement clinique de nouveaux antihypertenseurs s’est avéré plus difficile et moins productif que prévu. Des efforts continus doivent être mis en place dans le développement de stratégies pharmacologiques innovantes. En effet, bien que certains nouveaux médicaments ne puissent pas obtenir l’approbation des autorités de santé pour le traitement de l’hypertension, ils peuvent représenter une approche thérapeutique importante pour le traitement d’autres maladies telles que le diabète, l’insuffisance cardiaque congestive, ou la maladie rénale chronique.   Pour en savoir plus Laurent S, Schlaich M, Esler M. New drugs, procedure and devices for hypertension. Lancet 2012 ; 380 : 591-600.

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