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Valvulopathies

Publié le 31 aoû 2015Lecture 7 min

Valvulopathies asymptomatiques : à qui proposer une intervention précoce ?

T. LE TOURNEAU, Institut du Thorax, Inserm UMR1087, CHU de Nantes

Selon les recommandations actuelles, la question de la chirurgie ou d’un geste valvulaire percutané précoce au cours des valvulopathies asymptomatiques se pose dans trois circonstances bien distinctes :
- l’existence d’une valvulopathie modérée à sévère lorsqu’une chirurgie cardiaque est prévue pour une autre indication ;
- les valvulopathies sévères asymptomatiques lorsque le risque spontané est considéré comme supérieur au risque chirurgical du fait de la présence de facteurs de gravité ;
- l’annuloplastie tricuspide préventive en cas de chirurgie valvulaire gauche en particulier mitrale, basée sur la présence d’une insuffisance tricuspide (IT) même discrète, en particulier si l’anneau tricuspide est dilaté.

Ces différentes circonstances vont être envisagées pour les principales valvulopathies en se basant sur les recommandations européennes(1) et américaines(2) récentes.

Dans les recommandations américaines, seules les données divergentes par rapport aux recommandations européennes sont présentées. À l’exception de l’IT, seules les valvulopathies organiques sont prises en compte. Concernant le niveau de recommandation, les différentes classes d’indication sont rappelées : – classe I : indication formelle ; - classe IIa : l’indication de geste valvulaire est raisonnable et très probablement bénéfique ; - classe IIb : un geste valvulaire peut être envisagé. Le niveau de preuve (A, B, C) dépend de la solidité des études sur lesquelles sont basées les recommandations. Aucune recommandation n’atteint le niveau de preuve A pour les valvulopathies (multiples études randomisées ou métaanalyses). Les recommandations sont donc de niveau B (une étude randomisée ou études non randomisées) ou de niveau C (basées sur un avis de consensus des experts).   Sténose aortique asymptomatique   La sténose aortique (RAo) dégénérative est une valvulopathie fréquente dans les pays occidentaux. Sa prévalence augmente dans toutes les études épidémiologiques avec le vieillissement de la population. Le remplacement valvulaire est classiquement indiqué en cas de symptômes. La prise en charge précoce, chez des patients asymptomatiques, se pose de plus en plus souvent, pour prévenir le risque spontané lié à la pathologie, risque majoré par un suivi parfois aléatoire, et aux symptômes masqués par une réduction des activités chez le patient âgé. Même si elle n’est pas directement abordée dans les recommandations, la question de la chirurgie précoce peut également se poser avant une chirurgie extracardiaque lourde, et il convient dans cette situation d’être particulièrement vigilant aux facteurs de risque identifiés dans les études et repris dans ces recommandations. Il faut également noter que selon les recommandations européennes le TAVI (implantation percutanée d’une bioprothèse aortique) ne s’adresse qu’aux patients symptomatiques, tandis que les recommandations américaines autorisent la réalisation du TAVI chez des patients asymptomatiques avec des facteurs de gravité et un haut risque chirurgical. Pour le RAo asymptomatique, la question de la chirurgie précoce se pose dans deux cas selon les recommandations (tableau 1) : - en cas d’indication de chirurgie cardiaque autre devant un RAo serré (classe I) ou modéré (classe IIa) ; - en cas de RAo serré mais présentant des facteurs de gravité particuliers. De plus, certaines publications récentes suggèrent l’intérêt de l’écho d’effort pour évaluer les modifications de pression pulmonaires à l’effort. Une HTAP d’effort > 60 mmHg chez un patient asymptomatique est prédictif d’événements cardiovasculaires et pourrait ainsi inciter à un geste chirurgical précoce(3). Insuffisance mitrale asymptomatique   L’insuffisance mitrale (IM) par prolapsus est une pathologie fréquente dans les pays occidentaux. Le prolapsus valvulaire mitral regroupe la maladie de Barlow qui se rencontre à tout âge, et la dégénérescence fibroélastique qui survient habituellement chez des patients plus âgés. Les autres causes d’IM primaire sont plus rares dans les pays occidentaux. L’âge moyen de la chirurgie mitrale est de 62 ans, 10 ans plus tôt que dans la sténose aortique. L’IM entraîne une surcharge volumétrique du ventricule gauche et de l’atrium gauche, et retentit sur la circulation pulmonaire ainsi que sur le ventricule droit. Historiquement la prise en charge était plutôt tardive, mais l’essor de la réparation valvulaire mitrale et de nombreuses données montrant une altération du pronostic en cas d’IM sévère même asymptomatique, ont conduit à une modification des indications. La prise en charge précoce de l’IM primaire asymptomatique se pose dans deux cas (tableau 2) : - en cas d’indication de chirurgie cardiaque autre devant une IM sévère (classe I) ou modérée (classe IIa). Cette situation n’est envisagée de façon surprenante que dans les recommandations américaines ; - en cas d’IM sévère asymptomatique mais présentant des facteurs de gravité. L’évaluation du ventricule droit (VD) au repos ou à l’effort (FE par angiographie isotopique, strain VD, TAPSE) pourrait avoir un impact sur la stratégie thérapeutique et le moment de la chirurgie dans l’IM sévère(4,5). Ces données demandent à être confortées dans une population plus large. Certains travaux récents suggèrent l’intérêt de l’échographie d’effort pour évaluer la réserve contractile du ventricule droit ou gauche à l’effort. L’absence d’augmentation du strain global longitudinal du VG à l’effort (< 2 %) est prédictif d’événements cardiovasculaires lors du suivi et pourrait ainsi inciter à un geste chirurgical précoce chez un patient asymptomatique(6). Le dosage du taux de BNP ou de NT-proBNP au repos ou en post-effort chez ces patients devrait également être envisagé et pourrait influencer leur prise en charge.   Insuffisance aortique asymptomatique   L’insuffisance aortique (IAo) entraîne à la fois une surcharge volumétrique et barométrique du ventricule gauche. Sa prévalence est nettement moindre que celle du RAo ou de l’IM et les données quant à la chirurgie précoce sont plus rares. La prise en charge précoce de l’IAo se pose dans deux circonstances (tableau 3) : - en cas d’indication de chirurgie cardiaque autre devant une IAo sévère (classe I) ou modérée (classe IIa pour les Américains) ; - en cas d’IAo sévère asymptomatique mais présentant des facteurs de gravité. L’évaluation du VD et du VG au repos ou à l’effort (strain VD et VG, TAPSE) pourrait avoir un impact sur la stratégie thérapeutique et le moment de la chirurgie dans l’IAo sévère(7). Ces données demandent cependant à être confortées dans une population plus large. Sténose mitrale asymptomatique   La prévalence de la maladie rhumatismale, principale étiologie de la sténose mitrale (RM), a nettement décru dans les pays occidentaux. Les patients présentant un RM peuvent rester asymptomatiques pendant des années puis présenter une diminution progressive de leur capacité fonctionnelle. Un test d’effort est ainsi recommandé pour rechercher des symptômes. L’échographie d’effort peut fournir des informations complémentaires en évaluant les modifications de gradient mitral ou des pressions pulmonaires à l’effort. La prise en charge précoce du RM se pose dans deux cas (tableau 4) : - en cas d’indication de chirurgie cardiaque autre devant RM sévère (classe I) ou modérée (classe IIa). Cette situation n’est envisagée que dans les recommandations américaines ; - en cas de RM sévère asymptomatique pouvant bénéficier d’une valvuloplastie mitrale percutanée. L’évaluation du VD au repos ou à l’effort (TAPSE) pourrait également avoir un impact sur la stratégie thérapeutique et le moment de la chirurgie dans le RM serré asymptomatique(8). Ces données demandent cependant à être confortées. Insuffisance tricuspide asymptomatique (tableau 5)   Un geste chirurgical sur la valve tricuspide est plus souvent réalisé à titre préventif que curatif. Une annuloplastie tricuspide est classiquement indiquée lors d’une chirurgie valvulaire du cœur gauche en particulier mitrale si l’insuffisance tricuspide (IT) est sévère, mais peut également être envisagée en cas d’IT primaire modérée, ou d’IT secondaire minime à modérée si l’anneau tricuspide est ≥ 40 mm ou 21 mm/m2 en incidence apicale 4 cavités(1). Le risque de développer une IT fonctionnelle secondaire est majoré par l’étiologie rhumatismale ou ischémique de la valvulopathie mitrale, en cas d’HTAP importante, de FA, ou de dilatation marquée des cavités droites (OD-VD). Devant une IT sévère asymptomatique isolée ou à distance d’une chirurgie valvulaire du cœur gauche l’existence d’une dilatation ou d’une dysfonction progressive du VD devrait également faire envisager une chirurgie correctrice.    En pratique    Les circonstances permettant d’envisager un geste valvulaire chez un patient présentant une valvulopathie asymptomatique sont nombreuses et demandent de se référer aux recommandations en mettant en balance le bénéfice/risque à court terme, mais également à moyen et long terme pour le patient dans chaque situation. Cette complexité incite à faire appel à un centre spécialisé dans la prise en charge des valvulopathies pour toute décision difficile, comme cela est d’ailleurs précisé dans les recommandations.   Figure 1. En présence d’une sténose aortique serrée asymptomatique, un remplacement valvulaire aortique peut être envisagé si le risque chirurgical est faible, devant des calcifications valvulaires sévères (A, B) et une progression rapide de la sténose, ou si la V max transvalvulaire est ≥ 5,5 m/s pour les recommandations européennes (C). Une augmentation du gradient moyen ≥ 20 mmHg à l’effort (D, augmentation de 57 à 89 mmHg du gradient moyen chez ce patient) peut également être un critère pour envisager une chirurgie précoce. Figure 2. En présence d’une insuffisance mitrale sévère, une chirurgie doit être discutée devant une HTAP > 50 mmHg au repos (A). En cas d’IM sévère à faible risque chirurgical et haute probabilité de plastie, une chirurgie précoce peut également être envisagée devant (B) une dilatation importante de l’OG ≥ 60 ml/m2 en apical biplan ou (C) une HTAP d’effort ≥ 60 mmHg. (D) Une dilatation de l’anneau tricuspide ≥ 40 mm ou 21 mm/m2 en incidence apicale 4 cavités associée à une IT même minime doit faire discuter une annuloplastie tricuspide en cas d’indication chirurgicale pour une valvulopathie gauche, en particulier mitrale. 

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