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Prévention et protection

Publié le 01 mai 2017Lecture 9 min

ACC 2017 : quelles avancées ?

François DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Si de nombreuses données nouvelles ont été présentées lors des sessions scientifiques 2017 de l’ACC, le développement des anti-PCSK9 — le programme SPIRE et les études FOURIER et EBBINGHAUS — a été le focus essentiel de ce congrès.

Nous rapportons dans cet article les résultats des études sur les anti-PCSK9. Dans cette mise en perspective, nous résumerons les nouveautés qu’elles apportent et les questions qu’elles soulèvent. Les anti-PCSK9 : FOURIER et le programme SPIRE Deux données majeures du programme de développement des anti- PCSK9 qui visent à réduire le risque d’infarctus du myocarde (IDM) par une action passant par une diminution du LDL, ont été présentées lors de l’ACC et publiées simultanément dans le New England Journal of Medicine : l’étude FOURIER et le programme SPIRE. L’étude FOURIER démontre qu’un anti-PSCK9, l’évolocumab, anticorps monoclonal 100 % humanisé, réduit significativement le risque de survenue d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs du critère primaire et du principal critère secondaire comparativement au placebo (tableau 1). Cet essai thérapeutique contrôlé a été conduit chez des patients en prévention CV secondaire dont le LDL a été abaissé en moyenne à 0,30 g/l sous traitement. Le programme SPIRE a été arrêté avant son terme car, selon les études évaluant l’effet du bococizumab, autre anticorps monoclonal non 100 % humanisé toutefois mais aussi dirigé contre PCSK9, il existe des anticorps antimolécules chez 48 % des patients traités, contribuant à diminuer l’effet lipidique du traitement avec le temps. Toutefois, dans l’une des études de ce programme, l’étude SPIRE 2, au terme d’un an de suivi moyen, le risque d’événements CV majeurs avait diminué significativement sous traitement par rapport au placebo. Ces nouvelles données complètent nos connaissances, permettent de formuler de nouvelles hypothèses et théories soulevant des questions dont la plus importante n’est pas scientifique, mais sociétale. Les anti-PCSK9 apportent un bénéfice clinique Deux essais thérapeutiques contrôlés ont donc démontré que des anti-PCSK9 réduisent significativement le risque d’événements CV majeurs : l’étude FOURIER menée jusqu’à son terme prévu, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’au moins 1 630 événements CV majeurs soient survenus sur une durée de 2,2 ans seulement, et l’étude SPIRE 2 bien qu’elle ait été arrêtée avant le terme prévu, à 12 mois. Le mécanisme d’action des anti-PSCK9 permet donc de réduire le risque d’événements CV tels que les infarctus du myocarde (IDM) ainsi que les AVC, ce qui n’était pas garanti jusqu’alors. Tout indique que c’est la façon dont les anti-PSCK9 diminuent le LDL qui permet ce bénéfice et non un éventuel effet « pléïotrope ». Ainsi, des analyses complémentaires de l’étude FOURIER montrent que le bénéfice clinique obtenu dans cette étude est compatible avec celui obtenu sous statine et est proportionnel à la diminution du LDL. Diminuer le LDL même jusqu’à des valeurs de 0,30 g/l réduit le risque d’événements CV majeurs Dans l’étude FOURIER, le LDL à l’inclusion était en valeur médiane à 0,92 g/l ; il a diminué de 56 % sous évolocumab pour atteindre une valeur médiane de 0,30 g/l avec un bénéfice clinique observé en termes de réduction des IDM et des AVC. Dès lors, la relation entre élévation du LDL et risque de survenue d’événements CV observée en épidémiologie peut donc être inversée avec certains moyens pharmacologiques et ce, jusqu’à des valeurs très basses de LDL. Dans l’étude FOURIER, plus de 40 % des patients traités par l’évolocumab ont eu un LDL en dessous de 0,25 g/l. En associant ce résultat à celui des études réalisées avec des statines et l’ézétimibe, il est permis de conclure que diminuer le LDL réduit le risque d’événements CV quelle que soit sa valeur de base et quelle que soit la valeur atteinte, dès lors que certains traitements sont utilisés. Ce nouvel angle apporté par l’étude FOURIER montre qu’une pratique de la prise en charge des dyslipidémies reposant sur des valeurs seuils et des valeurs cibles du LDL n’est pas une attitude fondée sur des preuves et qu’en 2017, elle n’est plus adaptée aux nouvelles données scientifiques. Les anti-PCSK9 ou un LDL très bas n’altèrent pas les fonctions cognitives Une métaanalyse (Eur Heart J 2016 ; 37 : 536-45) avait suggéré que les anti-PCSK9 pouvaient altérer les fonctions cognitives. De même, plusieurs théories supposaient que le LDL est nécessaire aux fonctions cérébrales et donc, qu’une diminution trop importante pourrait altérer les fonctions cognitives. Une étude complémentaire de l’étude FOURIER, dénommée EBBINGHAUS, a montré que les fonctions cognitives ne sont pas altérées sous évolocumab et/ou lorsqu’un LDL < 0,25 g/l est atteint. Il est à noter que l’évolocumab ne passant pas la barrière hémato-encéphalique, ce résultat peut être plus vraisemblement envisagé comme témoignant du fait que des valeurs très basses de LDL ne sont pas associées à une altération des fonctions cognitives chez l’adulte. Si cette donnée est rassurante, elle pose une question : un recul de 2,2 ans permet-il d’être parfaitement rassuré sur ce point ? Les anti-PCSK9 non complètement humanisés, en traitement au long cours, génèrent des anticorps antimolécules qui atténuent leur effet de diminution du LDL. Les anti-PCSK9 sont des anticorps monoclonaux. Certains sont humains, l’évolocumab et l’alirocumab, d’autres sont humanisés mais gardent une partie murine comme le bococizumab (figure ci-dessous). Le programme SPIRE a démontré qu’en 1 an, 48 % des patients sous bococizumab développent des anticorps anti-bococizumab et que l’effet de baisse du LDL s’atténue proportionnellement au taux d’anticorps anti-bococizumab développé. Une étude menée chez des patients sous alirocumab a montré que 5,0 % d’entre eux développent des anticorps anti-alirocumab, mais sans influence majeure sur la baisse du LDL. Dans l’étude FOURIER, il n’a pas été mis en évidence d’anticorps anti-évolocumab. On peut donc envisager, compte tenu de ces résultats, que l’effet des anti-PCSK9 puisse être un effet classe en termes de réduction des événements CV mais qu’en termes de tolérance les molécules de cette classe se différencient. Figure. Évolution et humanisation des anticorps monoclonaux. Étude FOURIER : mortalité CV et totale ne sont pas diminuées Dans cette étude, ni la mortalité CV (HR : 1,05 ; IC95 % : 0,88- 1,25 ; p = 0,62) ni la mortalité totale (HR : 1,04 ; IC95 % : 0,91- 1,19 ; p = 0,54) n’ont été significativement modifiées (tableau 2 pour les principaux résultats de l’étude FOURIER). Ceci pose la double question de la cause et de la conséquence d’une telle observation. Cela a d’ores et déjà rouvert le large débat entre contempteurs et défenseurs de la théorie lipidique, débat qui se prolongera de façon probablement aiguë entre le développeur du traitement et les agences d’enregistrement lors de la soumission et de l’analyse du dossier d’enregistrement. Les explications d’un paradoxe apparent entre diminution des IDM et des AVC sans diminution de la mortalité CV seront recherchées en dehors de l’étude : validité réelle de l’hypothèse lipidique, problème de l’atteinte de niveaux très bas de LDL, effet spécifique de la molécule, diminution dans la population des pays développés de la mortalité CV chez les patients stables en prévention CV secondaire et donc difficulté devenue importante à avoir une puissance suffisante pour mettre en évidence une diminution de mortalité CV et plus encore de mortalité totale... Elles seront aussi recherchées à l’intérieur de l’étude : taux respectifs et relatifs des différentes causes de décès, définition et qualification des décès CV, durée de l’étude... Toutes seront évoquées, aucune ne sera validée, du moins dans les quelques années à venir, permettant à chacun de camper sur ses positions. Et ainsi, les conséquences intellectuelles continueront à se partager entre deux grandes appréciations : • Les contempteurs de l’hypothèse lipidique argueront du fait qu’au terme de la survenue de 491 décès CV, témoignant de la puissance de l’étude, ceux-ci n’ont pas été significativement modifiés, rendant compte des limites (voire pour certains de la vacuité) de l’hypothèse lipidique. Ils devront alors expliquer pourquoi la totalité des IDM et celle des AVC est significativement diminuée. • Les défenseurs de l’hypothèse lipidique quant à eux expliqueront que, dès lors que la mortalité CV et la mortalité totale n’ont pas varié mais que le risque d’IDM et d’AVC est plus important, l’espérance de vie des patients traités ne sera probablement pas augmentée, mais que leur espérance de vie en bonne santé, elle, le sera. Enfin, les agences et comités d’enregistrement (AMM, transparence, CEPS) devront prendre en compte pour évaluer les apports de ce traitement, de sa bonne tolérance, de la réduction des IDM et des AVC, et donc du coût de l’IDM et/ou de l’AVC évité, en termes de modèle économique. Éviter un événement CV majeur avec un anti-PCSK9 coûtera cher Puisque les mortalités totale et CV n’ont pas diminué, puisque le traitement est proposé à un prix élevé et au long cours, une des principales questions soulevées par l’étude FOURIER est celui du coût de l’IDM et/ou de l’AVC évité. Si dans l’étude FOURIER, la réduction relative du risque d’IDM est de 27 %, l’intervalle de confiance à 95 % de ce résultat est compris entre 18 et 35 %, ce qui signifie que la réduction relative du risque d’IDM n’est peut-être pas de 27 % mais a 95 % de probabilité de se situer entre 18 et 35 %, pour faire simple, de varier du simple au double suivant que l’on retient l’hypothèse haute ou l’hypothèse basse de l’effet possible du traitement. On peut aussi exprimer ce résultat comme une diminution du risque d’IDM de 27 % plus ou moins 30 % en valeur relative. Ces éléments doivent être pris en compte dans les quelques données suivantes reposant sur le résultat moyen d’une évaluation obtenue dans une seule étude et donc, non encore apprécié à sa juste ampleur, car non reproduit. Les chiffres fournis ciaprès ne sont que des valeurs moyennes possibles et selon la réelle ampleur d’effet du traitement, ils pourraient être plus importants ou plus faibles de 30 % environ. Donc, en prenant le cas de l’étude FOURIER exclusivement, la réduction absolue du risque (RAR) d’IDM a été de 1,2 % et il faut donc traiter 83 patients (1/RAR) pendant 2,2 ans pour éviter un IDM. Si le coût mensuel du traitement est de 600 euros, le coût de l’IDM évité en 2,2 ans est donc de 1 314 720 euros (600 x 26,4 x 83) ou, exprimé différemment, de 49 800 euros par mois. Si le coût mensuel est de 400 euros par mois, le coût de l’IDM évité en 2,2 ans est de 876 480 euros et est de 33 200 euros par mois. En pratique Une avancée majeure et le début d’une confrontation entre des logiques différentes On aura donc compris que l’étude FOURIER mais aussi le programme SPIRE apportent des éléments nouveaux et importants à nos connaissances : les anti-PCSK9 diminuent le risque d’IDM et d’AVC, les formes non complètement humanisées administrées à long terme génèrent des anticorps antimolécules, l’abaissement du LDL même à des niveaux aussi bas que 0,30 g/l, voire 0,25 g/l est bénéfique et n’est pas associé à une altération des fonctions cognitives. Cependant, à ce point de l’histoire, plusieurs questions sont soulevées : pourquoi n’y a-t-il pas de diminution de la mortalité CV et totale ? Jusqu’à quel point le coût d’un anti-PSCK9 peutil être un obstacle à sa mise sur le marché et/ou à son utilisation ? On imagine déjà les logiques éthiques (le traitement est bénéfique mais la mortalité n’est pas réduite), économiques (le traitement est cher mais l’innovation doit être favorisée) et sociétales (quelle doit être la finalité d’un système de santé reposant sur la solidarité nationale : promouvoir toute mesure utile à la santé ou garantir les moyens financiers pérennes d’une santé pour tous ?) qui devraient s’affronter dans les prochains mois.    Conflits d’intérêts de l’auteur lors des 5 dernières années : honoraires pour conférences ou conseils pour les laboratoires Alliance BMS-Pfizer, AstraZeneca, Bayer, BMS, Boehringer-Ingelheim, Daiichi-Sankyo, Menarini, Novartis, Novo- Nordisk, Pfizer, sanofi-aventis France, Servier.

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