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Cardiologie générale

Publié le 15 sep 2017Lecture 8 min

Dyslipidémies : les recommandations de la HAS

Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse

De mars 2005 à mars 2017, il a fallu 12 ans à la HAS pour se mettre en marche. Durant la même période, de nombreuses recommandations internationales ont été publiées ainsi que de nombreux essais thérapeutiques. Dans ces conditions, le travail de la HAS a été facilité car à la date de la rédaction de ces recommandations, il ne manquait qu’une seule publication sur les événements cliniques en rapport avec la prescription des anticorps monoclonaux anti-PCSK9.

La quadrature du cercle   Dans l’esprit de cette agence nationale, toute recommandation nationale doit être écrite par des experts dénués de conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique. Les autres conflits d’intérêts ne semblent pas être rédhibitoires pour participer à la rédaction des recommandations. Ainsi, cette recommandation a été préparée par 8 professionnels de santé, c’est-à-dire 2 médecins généralistes, 2 médecins gériatres, 2 endocrinologues, 1 cardiologue et 1 pharmacien. Par conséquent, ce groupe de travail s’est basé essentiellement sur des données bibliographiques et non sur une expérience clinique quotidienne dans le domaine des lipides.   L’évaluation du risque cardiovasculaire   Le groupe de travail lipides a passé en revue l’ensemble des principales recommandations internationales et s’est rapidement aperçu que l’évaluation cardiovasculaire globale était la règle. Or, la plupart des pays disposent de cohortes permettant d’évaluer le risque cardiovasculaire (CV) dans le pays considéré. Ce n’est pas le cas de la France où seule l’étude PRIME donne une évaluation cardiovasculaire à long terme mais uniquement chez les hommes. Par conséquent, les auteurs du groupe de travail ont repris les résultats de notre publication portant sur l’application de l’équation SCORE en France. Pour mémoire, l’équation européenne SCORE est applicable uniquement chez les sujets de plus de 40 ans et ne fournit que la mortalité cardiovasculaire. Hormis l’âge et le sexe, uniquement 3 facteurs de risque sont utilisés soit le cholestérol total, la pression artérielle systolique et le tabagisme. Par ailleurs, cette formule de risque SCORE est basée sur des cohortes européennes très anciennes, et c’est bien pour cela que les Américains ont abandonné la formule de Framingham pour une formule contemporaine reflétant le risque CV actuel de la population générale. Néanmoins, si l’on s’en tient à la mortalité cardiovasculaire seulement, nous avons montré dans une cohorte française récente une bonne adéquation entre la probabilité prédite par SCORE et la probabilité observée dans notre cohorte française. Par conséquent, la HAS a proposé l’équation SCORE pour l’évaluation du risque individuel. La HAS a ainsi proposé 4 niveaux de risque CV assez similaires à ceux proposés par la Société européenne de cardiologie (tableau 1). Les catégories de l’équation SCORE sont celles qui sont généralement utilisées, c’est-à-dire les seuils de 1 %, de 5 % et de 10 %. À l’intérieur de chacune des catégories, on ajoute des situations à risque particulières telles que l’insuffisance rénale chronique ou la maladie cardiovasculaire ou la présence d’un diabète de type 2 avec ou sans complication organique. Dans la catégorie de risque CV modéré, on trouve les patients diabétiques sans aucun facteur de risque associé. À une exception près que nous évoquerons plus tard, la HAS reprend ainsi le tableau de la Société européenne de cardiologie sans modification. Les objectifs thérapeutiques   La HAS a choisi de complexifier les seuils d’interventions thérapeutiques (tableau 2). Le seuil d’intervention pour le risque CV très élevé a été fixé à 0,7 g/l et le seuil d’intervention pour le risque CV élevé à 1,0 g/l pour le LDL-cholestérol (LDL-C). On retrouve là les mêmes niveaux que la Société européenne de cardiologie. Pour le risque CV modéré, un seuil de 1,3 g/l pour le LDL-C a été introduit ; pour le risque CV faible, c’est le seuil de 1,9 g/l qui a été choisi par le groupe de travail. On discutera longtemps sur la pertinence du choix de ces 2 seuils pour le LDL-C à l’opposé d’un objectif de 1,15 g/l de LDLC pour la Société européenne de cardiologie. Autant la différence entre 1,15 g et 1,30 g/l pour le risque CV modéré peut paraître futile au regard de la variabilité de l’efficacité des thérapeutiques hypolipidémiantes, autant le choix de 1,9 g/l de LDL-C paraît surprenante pour le risque CV faible. En effet, vis-à-vis de la prévention cardiovasculaire, cela revient à dire à des fumeurs de 5 cigarettes par jour, à des hypertendus à 170 mmHg de pression artérielle systolique ou à des malades diabétiques avec une glycémie de 1,5 g/l que les objectifs sont atteints. Ce n’est pas tant l’impact que cela peut avoir sur la prescription mais plutôt l’impact pédagogique que cela peut représenter vis-à-vis des médecins, dont l’objectif ultime est la normalisation ou la disparition de tous les facteurs de risque CV chez un patient donné, et ceci quel que soit le risque CV de base à visée de promotion de la santé.   Les modifications du mode de vie   Ce chapitre sera brièvement abordé tant il est classique et reproductible d’une recommandation à l’autre. Ces conseils sont basés sur l’arrêt du tabac, la promotion d’une activité physique régulière et la diminution des excès en acides gras saturés d’origine animale. Le point le plus intéressant est marqué par la précaution vis-à-vis de la levure rouge de riz pour laquelle la HAS se prononce défavorablement par rapport aux statines.   Les médicaments et leur puissance vis-à-vis du LDL-cholestérol   La HAS propose en première ligne les recommandations diététiques puis un traitement par statines lorsque cela est justifié. Le choix de la statine se fera, d’une part, en fonction du niveau du LDL-C et du risque CV et, d’autre part, en fonction de l’objectif thérapeutique visé (tableau 3). Le tableau distingue les statines de basse intensité avec des baisses de 20 à 30 % du LDL-C, les statines d’intensité moyenne avec des baisses de 30 à 40 % et des statines de forte intensité avec des réductions du LDL-C de plus de 40 %. La recommandation précise bien que, ni la rosuvastatine, ni l’atorvastatine n’ont une indication en prévention cardiovasculaire secondaire. Un chapitre spécifique est consacré aux anticorps monoclonaux anti-PCSK9. Cette partie de la recommandation confirme bien sûr les indications européennes et françaises mais ne se prononce pas sur la prescription de ces anticorps. Il est à noter cependant que la publication de cette recommandation HAS a eu lieu au moment de la publication de l’étude FOURIER. La fin d’un tabou : l’association statine-fibrate   S’il y a bien un chapitre innovant et utile pour la pratique dans cette recommandation, c’est celui consacré à l’hypertriglycéridémie et aux dyslipidémies mixtes (tableau 4). Dans cette partie de la recommandation, on retrouve les situations les plus embarrassantes dans la prise en charge des dyslipidémies complexes. *Cholestérol non lié aux HDL = (CT – HDL-C), avec pour objectif : non-HDL-C < 1,3 g/l chez les patients à risque CV élevé ; non-HDL-C < 1,0 g/l chez les patients à risque CV très élevé. **HDL-C bas : < 0,4 g/l chez l’homme et < 0,5 g/l chez la femme Dans l’hypertriglycéridémie sévère c’est-à-dire les patients ayant des triglycérides supérieurs à 5 g/l, la prescription de fibrate est proposée d’emblée avec un suivi des valeurs biologiques lipidiques. Si les triglycérides restent supérieurs à 5 g/l et que les lipoprotéines athérogènes (non-HDLcholestérol) restent élevées, c’est l’association statine-fibrate qui est privilégiée. Si des triglycérides élevés persistent sous fibrate alors qu’il y a une bonne observance, la recommandation propose une association aux acides gras oméga-3. Ceci est assez ironique de la part de la HAS dans la mesure où ces acides gras oméga 3 ne sont plus remboursés depuis des années ! Toujours dans la stratégie où les fibrates ont été prescrits d’emblée et où les triglycérides restent élevés entre 2 et 5 g/l, l’association statine-fibrate est privilégiée si les lipoprotéines athérogènes (non- HDL-cholestérol) sont élevées. Dans l’hypertriglycéridémie modérée, c’est-à-dire entre 2 et 5 g/l et lorsque le risque CV est élevé, c’est la prescription de fibrate qui est privilégiée lorsque le LDL-C est déjà normalisé par les règles diététiques. Dans l’hypertriglycéridémie modérée, c’est-à-dire entre 2 et 5 g/l, et lorsque le LDL-C n’est pas à l’objectif, c’est la prescription de la statine qui est prioritaire comme première thérapeutique hypolipidémiante. Si le LDL-C reste élevé, c’est l’association statine-ézétimibe qui est proposée. Si le LDL-C est normalisé après prescription de la statine, et que le risque CV est élevé et que le HDL-cholestérol est bas, c’est l’association statine-fibrate qui est proposée. En résumé, ce chapitre propose probablement un algorithme complexe pour les cardiologues praticiens, mais on doit retenir que l’association statine-fibrate est désormais légitime en présence d’une dyslipidémie mixte lorsque le risque CV le justifie.   Une coquille fâcheuse pour les malades les plus graves   La forme clinique la plus sévère de l’hypercholestérolémie est l’hypercholestérolémie familiale. Il s’agit d’une maladie autosomique dominante avec une forte pénétrance et des accidents cardiovasculaires prématurés avant 50 ans chez l’homme et avant 60 ans chez la femme. Le dépistage de l’hypercholestérolémie familiale est recommandé par la Société européenne de cardiologie car ce sont ces patients qui risquent de faire des morts subites et dont l’évolution liée à l’athérosclérose accélérée est la plus péjorative. Dans la version longue de la recommandation HAS, l’agence reprend les arguments communément admis au niveau international à de nombreuses reprises. Dans sa version du 31 mars 2017, la HAS avait bien identifié comme risque CV élevé l’hypercholestérolémie familiale définie par le cholestérol total ou le LDLC très élevé. Dans cette version du 31 mars 2017 et dans son tableau sur le niveau du risque CV (tableau 1), les patients présentant un LDL-C supérieur à 3,1 g/l appartenait à la catégorie de risque CV élevé. Bien évidemment, il s’agissait d’une coquille puisque les rédacteurs avaient confondu le LDL-C avec le cholestérol total. En effet, dans la recommandation européenne, c’est le cholestérol total supérieur à 3,1 g/l qui définit les cas de risque CV élevé liés à une hypercholestérolémie familiale. Dans sa version actuelle du mois de mai 2017, la ligne correspondant à l’hypercholestérolémie familiale dans le tableau sur le risque CV a disparu, ce qui est une grave omission pour les patients qui sont les plus exposés à une athérosclérose accélérée.   En pratique   Les points forts de la recommandation HAS sont représentés par le fait de disposer désormais d’une recommandation spécifiquement française et d’informations importantes sur les dyslipidémies mixtes et ainsi d’accompagner les médecins dans la prescription d’une association statine-fibrate. Les points négatifs sont évidents et représentés par le caractère très tardif de cette recommandation et par d’étranges similitudes avec la recommandation européenne de la Société européenne de cardiologie. Même avec des experts sans aucun conflit d’intérêts liés à l’industrie pharmaceutique, la HAS aboutit à des conclusions scientifiques globalement similaires aux autres recommandations qui portent sur la prise en charge des dyslipidémies ! Ceci était néanmoins prévisible quand on sait qu’une recommandation européenne est écrite par les leaders internationaux de la discipline…  

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