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Explorations-Imagerie

Publié le 15 nov 2017Lecture 5 min

Comment détecter/traiter une dysfonction VG apparue sous chimiothérapie anticancéreuse

Jennifer CAUTELA, Franck THUNY, unité Nord Insuffisance cardiaque et valvulopathies (UNIV), Centre méditerranéen hospitalo-universitaire de cardiologie oncologique (Medico-CO Center), CHU de Marseille, Hôpital Nord

Journées françaises de l'insuffisance cardiaque

Le terme de «cardiotoxicité» est un terme générique correspondant aux multiples effets indésirables cardiovasculaires pouvant survenir à court ou long terme, au cours d’un traitement antinéoplasique. Il peut s’agir du développement, ou de l’aggravation d’une maladie cardiovasculaire sous-jacente(1). Si ce n’est pas la plus fréquente des complications, la dysfonction ventriculaire gauche (VG) est probablement la toxicité la plus grave.

La dysfonction VG est bien connue depuis les années 70 et l’avènement des anthracyclines, mais plus récemment de nouvelles molécules dites de « thérapie ciblée » en sont également à l’origine. C’est le cas par exemple des anti-HER2, tel que le trastuzumab, largement utilisé dans le cancer du sein. Des dysfonctions VG peuvent également apparaître avec des thérapies orales, en particulier de la famille des inhibiteurs des tyrosines kinases (crizotinib, sunitinib…) ou encore avec les toutes récentes immunothérapies. Il est donc important pour tout cardiologue, tant le nombre de patients concernés sera grand, de savoir comment dépister et prendre en charge une dysfonction VG apparue sous traitement anticancéreux. L’enjeu actuel est par ailleurs d’en faire une détection précoce, afin de pouvoir instaurer rapidement un traitement cardioprotecteur.   Quelles recommandations ?   Notre prise en charge, et cette mise au point, s’appuient sur deux documents principaux : le consensus d’experts publié en 2014 par l’European Association of Cardio-Vascular Imaging/American Society of Echography (EACVI/ASE)(2) et le position paper datant de 2016 de l’European Society of Cardiology (ESC)(3). L’évaluation cardio-oncologique de chaque patient doit se baser sur un suivi longitudinal réalisé avant, pendant, après traitement (figure 1), et une étude multiparamétrique de la fonction VG associant la clinique, l’échographie cardiaque transthoracique (ETT) avec la mesure de la fraction d’éjection VG (FeVG), du strain longitudinal global (SGL) et parfois un dosage de troponine (figure 2). Figure 1. Suivi longitudinal en cardio-oncologie. D’après GMEDICO (Groupe MEDIterranéen de Cardio-Oncologie). Figure 2. Une évaluation cardio-oncologique complète pour dépister les lésions les plus précoces. D’après GMEDICO (Groupe MEDIterranéen de Cardio-Oncologie). L’imagerie On parle de dysfonction VG avérée dès lors qu’on constate une baisse de 10 % de la FeVG avec une valeur < 50 %, par rapport à une évaluation prétraitement. Cette variation devra être confirmée lors d’un second examen à 2-3 semaines d’intervalle. De plus, pour être strictement comparatif, la FeVG doit être évaluée toujours par la même imagerie (ETT de préférence, IRM dans les cas difficiles, ventriculographie isotopique en dernier recours) et si possible, réalisée par le même opérateur. La reproductibilité de l’évaluation 2D peut parfois être optimisée par une mesure 3D, si l’échogénicité le permet. Mais la baisse de la FeVG peut n’apparaître que tardivement dans le processus de toxicité myocardique. C’est pourquoi on étudie également le SGL, marqueur des déformations myocardiques longitudinales, marqueur plus précoce, qui s’il s’altère témoigne d’une dysfonction VG infraclinique. Une variation relative de 15 % par rapport à la valeur prétraitement peut prédire efficacement une baisse de la FeVG(4,5). Là encore, dans un esprit de comparabilité, on nous conseille de toujours réaliser la mesure à l’aide du même logiciel (variabilité inter-marques) et dans des conditions hémodynamiques comparables. Ainsi sur un compte-rendu d’échographie de cardio-oncologie optimale, évaluant un patient recevant un traitement anticancéreux potentiellement cardiotoxique, doit apparaître : – la FeVG 2D, si possible 3D, avec la valeur de base en référence ; – le SGL avec sa variation relative par rapport à la mesure de base ; – le timing de l’échographie par rapport à la dernière injection, si traitement IV, car tous ces paramètres peuvent être influencés par les conditions de volémie ; – la pression artérielle, qui elle aussi, peut influencer les paramètres, et notamment le SGL, si elle est élevée par exemple ; – la fonction diastolique, la fonction ventriculaire droite, les pressions de remplissage VG, les pressions artérielles pulmonaires devront apparaître, mais n’ont pas prouvé pour l’instant leur intérêt pronostique en cardio-oncologie. Cette évaluation devra être répétée régulièrement au cours du suivi. Nous manquons encore d’études solides pour déterminer quel délai doit être respecté entre chaque évaluation. Classiquement, pour les anthracyclines, l’évaluation doit se faire avant traitement, à la fin de celui-ci, puis à 3 mois , 6 mois, 1 an et 5 ans. Pour le trastuzumab et les thérapies orales, après l’évaluation initiale, un délai de répétition des examens de 3 mois, au moins la première année, semble raisonnable.   Place de la troponine Si la molécule reçue par le patient est une anthracycline (ou éventuellement du trastuzumab), l’évaluation sera complétée par un dosage de la troponine I. Une élévation de celle-ci au cours de ces deux traitements, a montré dans des études, malheureusement uniquement monocentriques, qu’elle pouvait identifier les patients à haut risque de développer une dysfonction VG et de l’insuffisance cardiaque(6-8). Les données sont encore limitées pour décrire précisément quel doit être le délai de dosage après la perfusion et quel est le seuil d’élévation pathologique. Par consensus, on réalise le dosage dans les 72 h après la perfusion et c’est une élévation par rapport à la valeur prétraitement qui devra faire craindre une évolution défavorable. Chaque patient est son propre témoin, tout comme pour l’interprétation de la FeVG et du SGL. Il est à noter que les élévations constatées sont souvent faibles et non comparables à celles constatées lors d’un infarctus du myocarde par exemple. Enfin, les peptides natriurétiques, même si toujours très utiles à visée diagnostique, n’ont pas montré leur intérêt à visée pronostique et ne sont donc pas recommandés dans le suivi.   Quel(s) traitement(s) ?   Pour le cœur Concernant la prise en charge, là encore, nous ne bénéficions que de peu d’études et beaucoup de conduites à tenir ne relèvent que d’un consensus. S’il existe une dysfonction VG avérée, comme décrit plus haut, symptomatique ou non, un traitement par IEC, BB ± diurétiques de l’anse est indiqué, comme pour la population cardiologique habituelle. Si l’on constate une dysfonction VG infraclinique, par baisse du SGL, les preuves disponibles ne nous permettent pas d’introduire un traitement cardioprotecteur sur cette seule donnée. Mais une surveillance plus rapprochée peut être conseillée. Enfin, devant une élévation de la troponine I précoce (dans les 72 h post-perfusion) chez les patients recevant de hautes doses d’anthracyclines, une cardioprotection peut être envisagée par IEC. Dans l’étude référence, c’est l’enalapril qui était utilisé et permettait de prévenir les dysfonctions VG asymptomatiques et les épisodes d’insuffisance cardiaque(7).   Pour le cancer Enfin, concernant l’arrêt ou la poursuite du traitement anticancéreux, en cas de dysfonction VG, aucune règle systématique ne peut être édictée. Une discussion entre le cardio-oncologue et l’oncologue traitant est capitale afin de peser la balance bénéfice-risque et d’envisager, quand cela est possible, un changement de chimiothérapie pour une molécule non cardiotoxique. En cas d’insuffisance cardiaque symptomatique, une suspension du traitement antinéoplasique est probablement préférable jusqu’à équilibre et régression des signes congestifs.   En pratique   En autre aspect fondamental de la prise en charge de la dysfonction VG est probablement sa prévention. Pour cela, l’évaluation prétraitement s’attachera à évaluer le risque cardiovasculaire global du patient et à équilibrer de façon stricte les différents facteurs de risque tels que l’hypertension artérielle, le diabète, la dyslipidémie, etc.

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