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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 mar 2019Lecture 6 min

Où en est-on du défibrillateur sous-cutané ?

Vincent PROBST, Service de cardiologie, CHU de Nantes ; Institut du thorax, Nantes

Disponible en France depuis 2012, le défibrillateur sous-cutané a progressivement trouvé sa place dans l'arsenal thérapeutique que l'on peut proposer à nos patients à risque de mort subite. Ce système permet d’obtenir une défibrillation sans positionner de matériel dans les cavités cardiaques, la défibrillation et la détection du rythme cardiaque étant réalisées grâce à une sonde sous-cutanée.

La mortalité en cas d’arrêt cardiaque extrahospitalier reste supérieure à 95 %, ce qui montre toute la nécessité de la prévention(1). De plus, les patients qui ont survécu à un premier épisode sont exposés à un risque de récidive : 40 % d’entre eux décèdent dans les 2 ans(1). C’est pour cette raison que le défibrillateur automatique implantable (DAI) a été développé à partir des années 1970. Les DAI ont ainsi profondément modifié le pronostic de patients à « haut risque », notamment après un infarctus du myocarde, en cas de cardiomyopathie dilatée ou d’insuffisance cardiaque, et chez des sujets jeunes atteints d’une arythmie héréditaire(3). Après un infarctus du myocarde compliqué d’une insuffisance cardiaque, le taux de mortalité qui tend à augmenter au cours du temps est significativement diminué chez les patients ayant bénéficié d’un DAI par rapport aux sujets non implantés(4). La réduction du risque absolu de décès s’accentue au fil des années pour atteindre 13 % à 8 ans(5). Autrement dit, une vie est sauvée tous les 8 patients implantés. Pourquoi un défibrillateur sous-cutané ? Si le bénéfice en termes de vies sauvées ne fait pas de doute avec les défibrillateurs transveineux, malheureusement, ceux-ci sont grevés d’un risque de complication qui rend la balance bénéfice/risque parfois difficile à apprécier. En effet, compte tenu de la présence d’une sonde dans les cavités cardiaques, les défibrillateurs transveineux s’accompagnent d’un risque de rupture de sonde et d’infection de sonde conduisant à des endocardites. Le taux de rupture de sonde atteint 2 % par an chez les sujets jeunes(6) et la mortalité des endocardites sur sonde est très importante, pouvant aller jusqu’à 30 % des patients qui en sont atteints(7). C’est bien pour pallier ces difficultés que le défibrillateur sous-cutané a été créé puisque n’ayant pas de sonde à l’intérieur du cœur, le risque de rupture de sonde ou d’endocardite est extrêmement faible, voire nul dans les études publiées à ce jour(8). Pour qui un défibrillateur sous-cutané ? Compte tenu du mode de fonctionnement du défibrillateur sous-cutané, il est nécessaire d’obtenir une bonne détection de l’activité cardiaque, qui devra être vérifiée avant l’implantation par un screening électrocardiographique. Environ 10 % des patients ne seront pas éligibles à cette technique pour cette raison. L’avantage du défibrillateur sous-cutané est de ne pas avoir de sonde dans les cavités cardiaques, c’est aussi son inconvénient puisqu’il n’aura pas (en tout cas pour le moment) la capacité de stimuler. Il s’agit donc ici d’un véritable défibrillateur alors que les défibrillateurs transveineux ont également des fonctions de pacemaker. En conséquence, le choix entre un défibrillateur sous-cutané et un défibrillateur transveineux va essentiellement porter sur la nécessité d’une stimulation qui peut servir dans deux situations, soit la stimulation anti-bradycardie, soit la stimulation antitachycardie (ATP) qui peut être utile pour traiter des tachycardies ventriculaires soutenues. Finalement, la question qui va se poser sera plutôt de déterminer quels sont les patients qui ne sont pas de bons candidats au défibrillateur sous-cutané. En premier lieu, clairement, les patients qui sont candidats à une resynchronisation qui, eux, vont bénéficier de cette resynchronisation pour améliorer leurs fonctions ventriculaires gauches. En ce qui concerne les indications de stimulation antibradycardique, si on se réfère aux études anciennes qui ont fait la base des indications du défibrillateur, la proportion de patients qui nécessitent une stimulation au moment de l’implantation est de 6 %. Les bras contrôles des études MADIT II et SCD Heft ont permis de montrer que seulement moins de 2 % par an des patients nécessitait une stimulation pendant le suivi(9,10). Si on regarde maintenant la proportion de patients qui ont eu besoin de stimulation après avoir été implantés d’un défibrillateur sous-cutané, la proportion est encore plus faible puisqu’elle varie entre 0,1 % et 0,3 % par an(11). Le second avantage du défibrillateur transveineux est de pouvoir stimuler rapidement le cœur en cas de tachycardie ventriculaire pour arrêter celle-ci. La stimulation antitachycardique est surtout efficaces en cas de tachycardie ventriculaire monomorphe et relativement peu rapide. Il est certain que les patients qui ont ce type de tachycardie, surtout s’il a pu être démontré qu’elle pouvait être arrêtée par stimulation, devront bénéficier d’un défibrillateur transveineux. Cela ne représente, en fait, qu’une faible minorité des patients. La question qui va plutôt se poser est de savoir si les patients que l’on implante avant qu’ils n’aient fait des troubles du rythme de ce type risquent d’en faire dans le futur et donc de bénéficier de l’ATP. Une bonne manière de répondre à la question consiste à regarder chez les patients qui ont été implantés d’un défibrillateur sous-cutané si le taux de chocs appropriés est plus élevé que chez les patients implantés d’un défibrillateur transveineux. Il n’y a pas encore d’étude randomisée sur ce sujet (l’étude Praetorian devrait y répondre d’ici quelque temps) mais dans le plus grand registre S ICD le taux de choc approprié est de 5 % par an ce qui est similaire aux études récentes sur le DAI transveineux avec des taux variants entre 3 et 7 % alors même que le taux de patients recevant de l’ATP peut monter jusqu’à 15 % (bras contrôle de l’étude MADIT RIT)(12). On voit donc que cette limite est plus théorique que réelle, d’autant plus que dans un avenir proche, il sera possible de coupler un pacemaker sans sonde au défibrillateur sous-cutané et donc de proposer de l’ATP pour les patients qui en ont besoin. Quel avenir pour le S ICD ? Comme disait Pierre Dac : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir ». On peut quand même s’essayer à quelques propositions. Il est clair que le tendon d’Achille du défibrillateur a toujours été la sonde avec les risques qu’elle induit. L’adoption de défibrillateur sous-cutané va croissante et les imperfections de ce type de modèle vont aller en s’améliorant (nécessité de faire un screening qui disparaîtra à terme, risque de choc inapproprié qui a déjà fortement baissé avec les nouveaux algorithmes et qui va continuer à s’améliorer, possibilité de stimulation dans un avenir proche). Soyons clair, la question n’est plus de savoir si le défibrillateur sous-cutané va remplacer le défibrillateur transveineux, il ne reste qu’à régler quelques imperfections (durée de vie plus courte et manque d’information sur la surveillance des patients) pour que cela devienne totalement effectif. La véritable question à mon sens va plutôt être de savoir si l’arrivée de cette nouvelle possibilité va transformer l’approche de la défibrillation ou plutôt la vision de la prévention de la mort subite ? En haut : représentation d’un défibrillateur sous-cutané, la détection du rythme cardiaque s’effectue entre les électrodes positionnées sur la sonde et le boîtier. En bas : radiographie de thorax montrant le positionnement du boîtier et de la sonde. En pratique Jusqu’à présent, les indications de défibrillateur ont été basées essentiellement sur le rapport entre le risque rythmique et les complications du défibrillateur, le prix ne jouant qu’un rôle mineur. La possibilité de disposer aujourd’hui d’un appareil sous-cutané dont le taux de complications graves est faible va nécessairement poser la question d’élargir les indications. Au-delà, cela risque de modifier dans le futur l’acceptation même de la mort subite qui est aujourd’hui vue comme une fatalité mais qui demain pourrait devenir inacceptable puisqu’évitable. Lorsque l’on sait que la très grande majorité des morts subites surviennent chez des patients qui ne sont pas dans les indications d’implantation de défibrillateurs actuellement, il y a manifestement une grande place pour cette technique dans le futur.

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