Publié le 01 mar 2020Lecture 5 min
LDL-cholestérol : encore plus bas ?
Michèle DEKER, Neuilly
Cette question est presque superflue dans la mesure où les LDL ne sont plus considérés comme un facteur de risque mais comme une cause de maladies cardiovasculaires. De ce fait, il est licite de les éliminer, ce d’autant plus que le rôle néfaste des LDL n’est pas un concept nouveau.
Le nouveau-né a des taux de LDL-C de 0,30 g/l, ce qui n’empêche pas la maturation cérébrale de se faire. Le taux physiologique de LDL-C serait approximativement de 0,25 g/l, selon J. Goldstein et M. Brown, car le LDL récepteur se sature rapidement. Dans les populations chinoises de la période prémoderne le taux de cholestérol total était aux alentours de 1,20 g/l. La génétique a apporté de nouvelles preuves, en particulier avec la mise en évidence des mutations perte de fonction de PCSK9 associées à une protection cardiovasculaire majeure ; les sujets hétérozygotes vivent avec un taux de LDL-C d’environ 0,6-0,7 g/l et les sujets homozygotes avec un taux de 0,10-0,15 g/l, sans effet indésirable, grâce à une augmentation de la captation et du catabolisme des LDL. A contrario, les sujets incapables de fabriquer des particules de LDL ont de graves complications neurologiques dès le début de la vie.
Ce sont surtout les données des essais d’intervention qui ont modifié le concept du taux « idéal » de LDL-C. Les premiers essais d’intervention avec les statines ont démontré une relation linéaire entre le taux de LDL-C sous traitement et l’incidence des événements cardiovasculaires majeurs (ECVM). Les trois essais récents, IMPROVE-IT, FOURIER et ODYSSEY Outcomes, ont montré qu’en partant de taux relativement bas sous statine il est possible d’atteindre des taux de LDL encore plus bas, de l’ordre de 0,50 g/l, voire 0,30 g/l, avec des effets bénéfiques sur les ECV. Dans l’analyse de métarégression de M. Sabatine, plus la baisse du LDL est prononcée plus le bénéfice cardiovasculaire est important, sans effets adverses sévères, même pour des taux très bas (< 0,20 g/l dans FOURIER) et sur de longues durées (dans IMPROVE-IT). Grâce aux traitements actuels, il est possible d’atteindre des taux qui miment le modèle génétique de perte de fonction de PCSK9.
Bénéfice ou risque pour le long terme ?
Nous disposons de nombreuses données qui appuient le concept d’abaisser beaucoup le LDL-C et de le faire précocement.
L’hypothèse d’une courbe en J dans laquelle l’obtention de taux très bas s’accompagnerait d’une augmentation des effets adverses peut être écartée au vu des résultats des études interventionnelles. Il n’y a pas d’augmentation des cancers ; d’ailleurs il y a peu de rationnel en faveur d’un effet pro-cancer de la baisse des LDL, voire l’inverse car le cholestérol joue un rôle dans l’activation de voies oncogéniques.
Depuis l’étude SPARKLE s’était posée la question d’un surcroit d’AVC hémorragiques sous traitement hypocholestérolémiant. Une métaanalyse (2013) avait montré une corrélation inverse entre cholestérol élevé et AVC hémorragique. Plus récemment, une étude de cohorte chinoise semble indiquer qu’un taux inférieur à 0,60 g/l est associé à une augmentation des AVC hémorragiques. La métaanalyse des Trialists a retrouvé un petit signal sur un faible nombre d’événements, essentiellement tiré par les résultats de SPARKLE. Encore faut-il relier cette relation à un mécanisme. Un taux bas de cholestérol pourrait fragiliser les cellules musculaires lisses des parois artérielles et augmenter la susceptibilité aux microanévrismes (ce sont les hémorragies cérébrales et non sous-arachnoïdiennes qui sont retrouvées augmentées). Une autre hypothèse est que, dans ces cohortes importantes, le fait d’avoir un cholestérol bas témoigne d’un mauvais statut nutritionnel.
Une réanalyse de SPARKLE montre a contrario que les facteurs associés au risque d’hémorragie cérébrale sont un antécédent d’AVC hémorragique et le mauvais contrôle tensionnel. Inversement, il n’y a pas de lien entre le taux de LDL et le risque. Plus récemment, l’étude TST qui a testé deux niveaux de baisse du cholestérol en post-AVC n’a pas montré d’augmentation de l’incidence des AVC hémorragiques.
Autre sujet d’inquiétude, le risque d’apparition d’un diabète sous traitement par statine. Il existe effectivement une légère augmentation de l’incidence du diabète sous statine, qui concerne surtout les patients prédiabétiques.
Quant aux effets neurocognitifs, l’étude ancillaire Ebbinghaus avec l’évolocumab n’a montré aucun signal de risque, de même que les données des études de l’alirocumab. Une métaanalyse des essais des anti-PCSK9 est rassurante sur tous ces risques et ne montre même pas d’augmentation du risque de diabète (Guedeney P et al. EHJ 2019).
À qui s’adresse la baisse intensive du LDL-C ?
Outre les effets démontrés sur l’incidence des ECVM, l’effet de la baisse du LDL-C se traduit par une réduction de la progression de la plaque d’athérome visualisée en IVUS. Il n’y a pas d’argument qui inciterait à la prudence quant à baisser le LDL-C alors que le bénéfice sur les ECVM est d’autant plus grand que la baisse est importante.
Selon la dernière métaanalyse des Trialists, quand on diminue le LDL-C de 0,4 g/l dans une population à risque peu élevé, le NNT est de 60 ; si l’on applique la même réduction à une population à risque élevé ou très élevé, le NNT est de 14 et de 7, respectivement. Le meilleur bénéfice sera donc obtenu en appliquant des stratégies agressives chez des patients à très haut risque. Il s’agit en prévention secondaire de patients diabétiques, insuffisants rénaux, en post-SCA et souffrant d’artériopathie des membres inférieurs. C’est ce que préconisent les recommandations avec une cible de LDL-C < 0,55 g/l + > 50 % de réduction du taux de base, et une cible < 0,40 g/l en cas d’événement récurrent. La cible de < 0,55 g/l avait d’ailleurs été déjà préconisée par un groupe français.
On pourrait imaginer d’appliquer en France les normes européennes qui proposent comme indication des inhibiteurs de PCSK9 les patients à très haut risque dont le LDL-C reste > 1,4 g/l sous statine et les patients avec un LDL-C > 1 g/l présentant des indices de sévérité (hypercholestérolémie familiale, diabète avec atteinte d’organe, extension importante de la maladie et progression ou récidive malgré le traitement). Cette proposition est validée, par exemple chez les diabétiques de l’étude FOURIER avec une réduction plus nette dans ce sous-groupe et un NNT qui passe de 62 à 37. Elle l’est aussi chez les patients polyvasculaires inclus dans les études FOURIER et ODYSSEY. Chez les patients à proximité d’un SCA, le traitement intensif offre un bénéfice additionnel, avec un impact sur la mortalité toutes causes.
Il est possible de modéliser la cible grâce au registre FAST-MI ; parmi les 65 % de patients recevant déjà une statine de forte intensité : plus de la moitié sont à < 1 g/l de LDL-C et ne sont pas éligibles à un iPCSK9 ; 2 % sont à 1,0-1,40 g/l, n’ont pas d’indice de sévérité mais 5 % ont un indice de sévérité et seraient éligibles ; 4 % restent avec un LDLC > 1,40 g/l. Ce sont donc 9 % des patients qui auraient une indication de traitement iPCSK9. En ajoutant l’ézétimibe, ce pourcentage n’est que de 5 %.
D’après un symposium Amgen avec la participation de M. Fournier, D. Angoulvant et F. Schiele
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