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Hypertension pulmonaire

Publié le 05 jan 2021Lecture 8 min

L’hypertension pulmonaire - Partie I : Diagnostic et classification

Étienne-Marie JUTANT, service de pneumologie - Soins intensifs, Hôpital Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre

L’hypertension pulmonaire caractérise un ensemble hétérogène de maladies définies par une augmentation de la pression artérielle pulmonaire conduisant progressivement à une insuffisance cardiaque droite.

Définition de l'hypertension pulmonaire La circulation artérielle pulmonaire est une circulation « à basse pression » avec une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) normale au repos de 14 ± 3 mmHg. L’hypertension pulmonaire (HTP) est définie par une augmentation de la PAPm au repos, supérieure à 20 mmHg, mesurée par cathétérisme cardiaque droit, conduisant progressivement à une insuffisance cardiaque droite. L’HTP peut être précapillaire, c’est-à-dire liée à une atteinte artérielle pulmonaire en amont des capillaires pulmonaires et ne touchant pas la circulation veineuse pulmonaire, comme présenté sur la figure 1. Elle peut aussi être post-capillaire, ce qui résulte d’une augmentation des pressions de remplissage du cœur gauche et d’une augmentation des pressions dans la circulation veineuse pulmonaire et par répercussion dans la circulation artérielle pulmonaire. Le caractère précapillaire de l’HTP est affirmé grâce à la mesure d’une pression artérielle pulmonaire d’occlusion (PAPO) ≤ 15 mmHg lors du cathétérisme cardiaque droit avec des résistances vasculaires pulmonaires (RVP = [PAPm-PAPO] / débit cardiaque) ≥ 3 mmHg /l/min (3 unités Wood, UW). Une HTP post-capillaire se caractérise par une PAPO > 15 mmHg et des RVP < 3 UW. En effet, la PAPO permet d’estimer la pression auriculaire gauche grâce à un ballonnet gonflé en distalité d’une artère pulmonaire. Figure 1. Courbes de pression mesurées lors d’un cathétérisme cardiaque droit chez un patient ayant une hypertension pulmonaire précapillaire sévère. A. Pression auriculaire droite de 3 mmHg. La pression auriculaire droite normale est d’environ 5 mmHg. Une POD augmentée indique une surcharge hydrosodée. B. Pression artérielle pulmonaire (PAPm) de 88 mmHg. C. Pression capillaire pulmonaire (PCP) de 11 mmHg indiquant une forme précapillaire (PCP < 15 mmHg). D. Débit cardiaque 7,5 l/min/m2 mesuré par thermodilution. Classification de l'hypertension pulmonaire La classification de l’HTP a été révisée lors du 6e Congrès mondial de l’HTP qui s’est tenu à Nice en 2018. Elle permet de définir des sous-groupes d’HTP ayant des mécanismes, des caractéristiques cliniques et des options thérapeutiques communs. Le groupe 1 correspond à l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) proprement dite. L’HTAP se caractérise par une prédominance féminine (2 femmes pour 1 homme) et une moyenne d’âge d’environ 50 ans. La prévalence est de 15 à 50 cas/million d’habitants et l’incidence d’au moins 6 cas/million d’habitants/an. C’est une maladie grave avec une survie estimée à 60 % à 5 ans dans les HTAP idiopathiques, héritables ou induites par des médicaments ou des toxiques. L’HTAP est une HTP précapillaire causée par un intense remodelage obstructif des artères pulmonaires distales de petit calibre (< 500 μm) (figure 2). Ce remodelage des artérioles pulmonaires est lié à une prolifération des cellules des différentes couches de la paroi artérielle (cellules endothéliales, cellules musculaires lisses), à une vasoconstriction accrue, à des phénomènes de thrombose et à une activation de l’inflammation. L’HTAP s’accompagne d’une importante dysfonction endothéliale pulmonaire. Figure 2. Coupes histologiques d’artériole pulmonaire d’HTAP comparativement à une artère pulmonaire normale (coloration à l’hématoxyline et à l’éosine). A. Artériole pulmonaire normale. La paroi est fine et la lumière artériolaire ouverte. B. Artériole pulmonaire d’un patient ayant une HTAP idiopathique. La paroi est épaissie et la lumière vasculaire rétrécie. Le groupe 1 (HTAP) comprend plusieurs formes : – HTAP idiopathique : sans contexte familial ni facteur de risque identifié ; – HTAP héritable : dans un contexte familial et/ou en présence de mutations de certains gènes, la plus fréquente étant la mutation du gène Bone morphogenetic protein receptor type II (BMPR2) ; – HTAP induite par les médicaments et toxiques : anorexigènes (en particulier les dérivés de la fenfluramine), dasatinib, métamphétamines… ; – HTAP associée aux connectivites : sclérodermie systémique (75 % des cas), lupus érythémateux systémique (15 % des cas), plus rarement le syndrome de Gougerot-Sjögren et la polymyosite ; – HTAP associée à l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) : prévalence de 0,50 % des patients séropositifs avec une incidence en diminution depuis le développement des trithérapies ; – hypertension porto-pulmonaire : définie par l’association d’une hypertension portale (en présence ou non d’une insuffisance hépatocellulaire) et d’une HTAP. Cela concerne 1 à 6 % des patients présentant une hypertension portale ; – HTAP des cardiopathies congénitales : c’est une complication des cardiopathies congénitales surtout lorsque la malformation cardiaque n’est pas corrigée précocement. Lorsqu’une HTAP se développe, le shunt intracardiaque peut s’inverser (de la circulation pulmonaire vers la circulation systémique) en court-circuitant le poumon entraînant un syndrome d’Eisenmenger, avec hypoxémie et polyglobulie ; – HTAP de la bilharziose : cette parasitose est une cause importante d’HTAP dans les pays d’endémie ; – HTAP avec réponse aux antagonistes calciques au long cours : c’est une forme à part d’HTAP qui se caractér ise par une réponse aiguë aux vasodilatateurs lors du cathétérisme cardiaque droit (test au monoxyde d’azote [NO]) et un très bon pronostic au long cours sous traitement par antagonistes calciques ; – maladie veino-occlusive pulmonaire et/ou hémangiomatose capillaire pulmonaire : formes très rares d’HTP avec une obstruction se situant respectivement au niveau des veinules et des capillaires pulmonaires ; – HTP persistante du nouveau-né. Le groupe 2 correspond aux HTP dues à une cardiopathie gauche qui représentent la cause la plus fréquente d’HTP. C’est une HTP post-capillaire avec une élévation passive de la PAP, due à l’élévation de pression dans l’oreillette gauche. Le groupe 3 correspond aux HTP dues à une maladie respiratoire et/ou à une hypoxie. C’est la deuxième cause d’HTP et est secondaire principalement à la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et à la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI). C’est une HTP précapillaire qui est généralement peu sévère et proportionnelle à la sévérité de la pneumopathie sous-jacente. Cependant une petite proportion de patients développe une HTP sévère disproportionnée. Le pronostic est alors sévère et ces derniers doivent être adressés dans des centres experts. Le groupe 4 correspond aux HTP dues à une obstruction des artères pulmonaires, principalement représentée par l’hypertension pulmonaire thromboembolique chronique, qui complique 0,1 à 4 % des épisodes d’embolie pulmonaire aiguë. Elle est liée à la persistance et l’organisation fibreuse du thrombus. Enfin le groupe 5 regroupe des HTP de mécanisme incertain et/ou multifactoriel, comme des HTP associées à des maladies hématologiques (anémies hémolytiques chroniques, syndromes myéloprolifératifs…), à des maladies systémiques comme la sarcoïdose, à des maladies génétiques comme la neuro fibromatose de type 1. Diagnostic de l'HTP Le diagnostic d’HTP repose sur une suspicion clinique basée sur les symptômes et l’examen clinique et sur un ensemble d’investigations pour confirmer le diagnostic, pour déterminer l’étiologie et pour caractériser la sévérité de la maladie. Les symptômes d’HTP sont non spécifiques : dyspnée d’effort, fatigue, faiblesse, douleur thoracique, syncope… On trouve à l’examen clinique un éclat du second bruit cardiaque B2 au foyer pulmonaire, un souffle systolique d’insuffisance tricuspide et parfois des signes d’insuffisance cardiaque droite dans les formes avancées (turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire, œdème et ascite). L’électrocardiogramme (ECG) peut mont rer une déviation axiale droite, une hypertrophie ventriculaire droite, un bloc de branche droit (figure 3), mais l’ECG peut rester normal, surtout dans les formes débutantes. La radiographie de thorax montre généralement une dilatation des artères pulmonaires centrales et un élargissement de l’oreillette et du ventricule droit (figure 4). Les épreuves fonctionnelles permettent de rechercher une maladie respiratoire associée et montrent dans l’HTP une baisse modérée des volumes pulmonaires et de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone. Aux gaz du sang, la pression artérielle en oxygène (PaO2) est généralement normale ou légèrement diminuée et la pression artérielle en dioxyde de carbone (PaCO2) légèrement diminuée. Le scanner thoracique haute résolution participe à la suspicion d’HTP en cas d’augmentation du diamètre de l’artère pulmonaire (≥29 mm) et du rapport diamètre artère pulmonaire/diamètre aorte ascendante (≥ 1,0) (figure 5). Le scanner est également fondamental pour la recherche d’une étiologie de l’HTP (cause embolique, maladie parenchymateuse pulmonaire). Figure 3. Électrocardiogramme d’hypertension pulmonaire. L’ECG montre une déviation axiale droite, hypertrophie auriculaire et ventriculaire droite, bloc de branche droit. Figure 4. Radiographie de thorax de HTP. La radiographie de thorax montre une dilatation des artères pulmonaires (Q), une convexité de l’arc C2 correspondant à une dilatation du tronc pulmonaire (flèche blanche) et une dilatation de l’oreillette droite (#). Figure 5. Angio-TDM thoracique d’un patient ayant une HTP sévère. Dilatation du tronc de l’artère pulmonaire (#). Dilatation de l’oreillette droite (Q) et du ventricule droit. En cas de suspicion d’HTP, l’examen clef du dépistage est l’échographie cardiaque transthoracique (ETT) qui permet d’estimer la pression artérielle pulmonaire systolique (PAPs) et de déterminer une probabilité échographique d’HTP. La deuxième étape est ensuite la recherche des étiologies les plus fréquentes d’HTP, en particulier une pathologie cardiaque gauche ou une maladie respiratoire chronique. En l’absence d’HTP sévère, la réalisation d’un cathétérisme cardiaque droit n’est en général pas nécessaire dans les HTP des groupes 2 et 3. Les formes graves d’HTP des groupes 2 et 3 devront par contre être adressées à des centres experts. S’il ne s’agit pas d’HTP des groupes 2 ou 3, il faut alors réaliser une scintigraphie pulmonaire de ventilation et perfusion à la recherche d’une HTP post-embolique. Si la scintigraphie est normale, l’étape suivante est de réaliser un cathétérisme cardiaque droit . Le cathétérisme cardiaque droit est réalisé sous anesthésie locale et sous scopie, dans un centre expérimenté (figure 6). Il permet de confirmer le diagnostic d’HTP, d’évaluer sa sévérité, d’affirmer la nature pré- ou post-capillaire de l’HTP et de réaliser des tests de vasoréactivité chez certains patients souffrant d’HTAP. S’il s’agit d’une HTP précapillaire, l’interrogatoire (expositions médicamenteuses , histoire familiale), l’examen clinique, le bilan biologique (bilan auto-immun, sérologie virale…) , l’échographie hépatique et la recherche d’une cardiopathie congénitale permettront d’identifier la cause de l ’HTAP. En l’absence d’étiologie retrouvée, l’HTAP est considérée comme idiopathique. Dans les formes idiopathiques, familiales ou induites par une prise médicamenteuse, un conseil génétique doit être proposé en centre spécialisé. L’arbre diagnostique de référence, retenu lors du dernier congrès mondial, est présenté en figure 7. Figure 6. Photographie d’un cathétérisme cardiaque droit réalisé par voie jugulaire droite et sous scopie. Figure 7. Arbre diagnostique de référence de l’HTP établi par le 6e congrès mondial de l’HTP. DLCO : diffusion libre du monoxyde de carbone ; ECG : électrocardiogramme ; EFR : épreuves fonctionnelles respiratoires ; HTP : hypertension pulmonaire ; PAPm : pression artérielle pulmonaire moyenne ; PAPO : pression artérielle pulmonaire d’occlusion ; RVP : résistances vasculaires pulmonaires ; TDM : tomodensitométrie. Pour en savoir plus • Galiè N et al. 2015 ESC/ERS Guidelines for the diagnosis and treatment of pulmonary hypertension: The Joint Task Force for the Diagnosis and Treatment of Pulmonary Hypertension of the European Society of Cardiology (ESC) and the European Respiratory Society (ERS): Endorsed by: Association for European Paediatric and Congenital Cardiology (AEPC), International Society for Heart and Lung Transplantation (ISHLT). Eur Respir J 2015 ; 46(4) : 903-75. • Simonneau G et al. Haemodynamic definitions and updated clinical classification of pulmonary hypertension. Eur Respir J2019 ; 53(1). • Humbert M et al. Pathology and pathobiology of pulmonary hypertension: state of the art and research perspectives. Eur Respir J 2019 ; 53(1). • Frost A et al. Diagnosis of pulmonary hypertension. Eur Respir J2019 ; 53(1). • Nathan SD et al. Pulmonary hypertension in chronic lung disease and hypoxia. Eur Respir J2019 ; 53(1). Publié dans OPA Pratique

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