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Coronaires

Publié le 01 mar 2021Lecture 6 min

Actualités et perspectives futures du scanner cardiaque dans le diagnostic de maladie coronaire

Théo PEZEL, CHU Lariboisière AP-HP, INSERM, UMRS 942, Paris

Lors du congrès virtuel des JESFC 2021, la session « Actualités en imagerie cardiaque » suivie de la synthèse proposée par Stephan Achenbach (Erlangen, Allemagne) a permis de mettre en lumière le rôle de plus en plus important du scanner cardiaque dans notre pratique quotidienne. En effet, l’utilisation et l’innovation du scanner cardiaque sont en pleine explosion ces dernières années, devenant l’outil indispensable du cardiologue au quotidien, tant pour le diagnostic de maladie coronaire que pour le bilan de procédure de cardiologie interventionnelle complexe. Ainsi, en se concentrant sur le versant du diagnostic de maladie coronaire, nous aborderons les nouveautés du scanner sur deux versants : la détection des plaques coronaires hémodynamiquement significatives et celle des plaques vulnérables à risque de rupture.

• Place actuelle du coroscanner Avant de détailler les nouveautés du coroscanner, il est important de rappeler brièvement ses indications et sa place actuelle. Ainsi, les recommandations actuelles de l’ESC proposent de choisir entre test d’ischémie non invasif (échocardiographie, IRM ou scintigraphie de stress) et coroscanner pour le bilan initial d’un patient symptomatique suspect de maladie coronaire. En suivant ces guidelines, le coroscanner devra être privilégié si (figure 1) : – probabilité faible de maladie coronaire devant une douleur atypique chez un patient à faible risque cardiovasculaire (permet de potentialiser l’intérêt de l’excellente valeur prédictive négative du coroscanner) ; – patient sans antécédent de maladie coronaire connu ; – patient avec de bons critères de qualité d’image au scanner : mince, en rythme sinusal, coopérant avec une capacité à tenir l’apnée, pas d’antécédent de radiothérapie thoracique (risque de calcifications coronaires massives) ; – expertise locale en coroscanner avec un volume important de patients et une bonne relation entre l’équipe de scanner et de coronarographie. Mais au-delà du coroscanner traditionnel, ces recommandations abordent l’existence de la possibilité du scanner de stress ± couplé avec la mesure d’une FFR-CT, suite à de récentes études de non-infériorité comparant la FFR-CT à la FFR invasive, que nous allons présenter brièvement dans cet article. • Scanner de perfusion de stress Les tests d’ischémie de stress utilisant des agents vasodilatateurs (adénosine, dipyridamole ou plus récemment regadenoson) existent depuis très longtemps en scintigraphie et IRM cardiaque pour le diagnostic d’ischémie inductible. Ces examens bénéficient d’une excellente performance diagnostique. Ainsi, exactement comme la scintigraphie ou l’IRM de stress, le scanner de perfusion de stress permet de mettre en évidence un défaut de perfusion sous-endocardique ou transmural après injection de vasodilatateur, traduisant une limite de réserve coronaire que l’on peut assimiler à une ischémie myocardique induite(3) (figure 2). D’ailleurs, une métaanalyse récente publiée incluant 1 188 patients à partir de 19 études a également montré que la performance diagnostique du scanner de perfusion était semblable à celle des autres imageries non invasives que sont l’IRM de stress et le PET-scanner comparé au test de référence par FFR invasive, avec une sensibilité de 88 % et une spécificité de 80 %(4). • FFR-CT : véritable révolution ou chronique d’un flop annoncé ? La FFR invasive mesurée lors d’une coronarographie est aujourd’hui le gold standard dans l’évaluation hémodynamique d’une sténose coronaire. Cependant, cette mesure n’est pas sans risque compte tenu de son caractère invasif, et doit être réservée à l’évaluation de patients symptomatiques et/ou avec forte suspicion de maladie coronaire. Eh bien, imaginez maintenant que l’on puisse obtenir cette même mesure de référence du degré de sténose fonctionnelle coronaire, mais de façon entièrement non invasive, à l’aide d’un scanner coronaire injecté : c’est le principe de la FFR-CT. Pour rappel, la FFR-CT utilise des algorithmes qui reposent sur la physique de la mécanique des fluides appliquée aux images du coroscanner afin d’analyser quantitativement le flux coronaire(6). Ainsi, plusieurs études ont montré que la FFR-CT non invasive du scanner coronaire donne des résultats proches de la FFR traditionnelle, communément utilisée en salle de cathétérisme(7). Tout l’intérêt de la FFR-CT est de permettre une analyse fonctionnelle complète et exhaustive de l’ensemble de l’arbre coronaire, très utile dans la planification d’angioplasties touchant différentes artères (figure 3). Au-delà d’une analyse globale de toutes les artères, des données récentes mettent en lumière l’intérêt de la FFR-CT pour la détection de lésions coronaires multiples étagées sur une même artère coronaire. En effet, l’analyse de la FFR-CT permet de suivre précisément l’évolution de l’hémodynamique du flux tout le long de l’artère (figure 4). Cet outil pourrait s’avérer très utile dans la prise de décision de patients avec de multiples sténoses sur des artères très pathologiques avec en pratique une difficulté fréquente pour conclure sur la seule analyse de l’angiogramme. Mais alors pourquoi la FFR-CT ne se développe-t-elle pas davantage en routine ? Le monopole historique de la FFRCT était initialement tenu par la start-up Heartflow® (pionnière sur cette technique) permettant l’analyse de la FFR-CT d’un seul patient en 48 heures pour la modique somme de presque 1 000 dollars… Ainsi, l’aspect financier semble incontestablement constituer la principale limite de la diffusion de cette technique. Cependant, les grands constructeurs de scanner se sont aussi lancés dans cette course à l’innovation, avec plusieurs nouveaux produits en cours de développement, lesquels seront disponibles directement sur la machine, avec un coût intégré lors de l’achat du scanner. Au final, on pourrait imaginer dans quelques années, utiliser en routine un « super coroscanner » permettant d’associerr « score calcique, coroscanner, scanner de perfusion de stress à l’adénosine et FFR-CT » dans un même examen d’une quinzaine de minutes. Cette double évaluation à la fois morphologique et fonctionnelle au niveau de la coronaire et fonctionnelle au niveau de la perfusion du myocarde pourrait permettre d’orienter au mieux les patients les plus complexes, comme les patients pluritronculaires ou pontés. • Détection de l’inflammation péricoronaire en scanner comme nouveau prédicteur de mortalité cardiovasculaire Plusieurs études ont montré le rôle majeur de l’inflammation dans le processus de vulnérabilité des plaques coronaires d’athérome conduisant à la rupture de plaque et au syndrome coronaire aigu. Très récemment, plusieurs équipes ont montré l’intérêt de la détection et de la quantification par scanner de l’inflammation péricoronaire, comme facteur indépendant de mortalité cardiovasculaire. En pratique, l’inflammation péricoronaire est quantifiée par un paramètre que l’on appelle l’atténuation du tissu adipeux péricoronaire, exprimé par l’indice d’atténuation des graisses (fat attenuation index, FAI) sur un coroscanner injecté (figure 5). Plusieurs études récentes ont montré une association statistique indépendante entre cet indice péricoronaire et la FFR mesurée de façon invasive au niveau de sténoses intermédiaires à serrées de l’IVA(8,9). Plus intéressant encore, l’ajout de cet indice d’atténuation des graisses à un modèle de risque comprenant les facteurs de risque traditionnels et la mesure de la FFR permet une incrémentation de la valeur pronostique du modèle de stratification du risque pour les sténoses avec FFR < 0,75, mais pas pour celles avec FFR ≤ 0,80(8). Ces résultats doivent bien sûr être analysés avec précaution et seront évalués sur des études multicentriques prospectives plus larges. Cependant, ces données suggèrent l’intérêt grandissant pour la caractérisation tissulaire non seulement de la plaque coronaire, mais aussi de son espace péricoronaire. En d’autres termes, après avoir travaillé pluieurs décennies sur la plaque coronaire elle-même, il semble capital de développer des outils évaluant aussi le tissu conjonctif de soutien environnant. • Quelle place pour l’intelligence artificielle dans l’analyse du coroscanner ? Et si l’étape qui permettait d’aller encore au-delà dans la stratification du risque individuel était le recours à des algorithmes d’intelligence artificielle de deep learning appliqués aux images de coroscanner, capables d’identifier à la fois les plaques coronaires hémodynamiquement significatives, mais également les plaques vulnérables à risque de rupture ? Plusieurs études récentes ont montré l’intérêt de ces algorithmes d’intelligence artificielle pour améliorer encore notre degré de compréhension de l’athérosclérose à l’aide des données fournies par le coroscanner. On peut par exemple citer l’étude suédoise SCAPIS (Swedish CardioPulmonary BioImage Study) qui a très récemment montré l’intérêt de l’utilisation d’un algorithme d’intelligence artificielle analysant des données de coroscanner dans la stratification du risque individuel à partir d’une cohorte de plus de 30 000 patients, dont environ 25 000 sans maladie coronaire connue.

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