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Cardiologie générale

Publié le 15 mai 2021Lecture 4 min

Cardio-oncologie ou onco-cardiologie : nouvelle discipline transversale

Mariana MIRABEL Cardio-oncologie, Hôpital européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris

Les pathologies cardiovasculaires et le cancer sont les deux premières causes de mortalité à travers le monde(1). La révolution que connaît l’oncologie grâce à l’émergence de nouvelles classes thérapeutiques soulève l’intérêt des toxicités cardiovasculaires que ces traitements confèrent à une population de patients dont l’espérance de vie ne cesse de croître. En France, 4 millions de personnes auront survécu à un cancer en 2025. La cardio-oncologie est une discipline transversale émergente visant à répondre à la complexité des problèmes de santé que rencontrent les patients atteints de cancer. Des interrogations demeurent pour la prise en charge oncologique des patients avec cardiopathie sousjacente, notamment en présence d’une insuffisance cardiaque préalable et la nécessité de recours à des traitements cardiotoxiques.

Ce numéro thématique vise à sensibiliser et à informer sur les modalités de dépistage et de prise en charge des complications cardiovasculaires des patients atteints de cancer ou d’hémopathie maligne par classes thérapeutiques. Aussi, l’anticoagulation peut mener à une consultation cardiologique pour évaluer le risque/bénéfice de la poursuite de l’anticoagulation et ses modalités. Est abordé par L. Bertoletti et J. Alexandre la complexité du choix de l’anticoagulation chez le patient avec cancer qu’il s’agisse du traitement de la thrombose veineuse périphérique ou de celui de la fibrillation atriale non valvulaire. À l’instar des thromboses veineuses profondes, l’on peut proposer aux patients oncologiques, sous réserve des patients avec cancer gastrique, des anticoagulants oraux directs, en veillant à l’absence d’interaction avec des thérapies anticancéreuses orales et de contre-indication classique. Les anthracyclines, traitement oncologique classique, constituent encore un arsenal thérapeutique incontournable, notamment en hématologie aiguë, dans les sarcomes ou le traitement néo-adjuvant et adjuvant du cancer du sein. Comme souligné par M. Baudet, la prise en charge cardiooncologique est relativement codifiée avec des biomarqueurs centraux tels que la fraction d’éjection échocardiographique (de préférence tridimensionnelle), les indices de déformation longitudinale (« strain global longitudinal ») échocardiographique ou encore la troponine. Il en est de même sous des thérapies ciblant HER2, indiqué dans environ un tiers des cancers du sein, avec des algorithmes de détection et de prise en charge similaires à ceux des anthracyclines et détaillés par J. Cautela. Un suivi à long terme sous ces traitements en raison du risque d’insuffisance cardiaque à distance des anthracyclines, y compris chez les femmes âgées traitées pour cancer du sein(2). La prise en charge de la cardiotoxicité de type insuffisance cardiaque à fraction d’éjection abaissée sous anthracyclines ou anti-HER2 est fondée sur l’instauration précoce d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion et de bêtabloqueurs. La poursuite du traitement cardiotoxique est à pondérer selon la sévérité de l’insuffisance cardiaque et l’évolution sous traitement face aux alternatives non cardiotoxiques éventuelles. Au-delà de l’insuffisance cardiaque, les thérapies ciblées peuvent se compliquer de nombre d’autres complications cardiovasculaires, au premier rang desquelles l’hypertension artérielle, mais aussi des troubles du rythme (dont l’allongement du QTc), de thromboses artérielles ou veineuses, d’hypertension artérielle pulmonaire. Le nombre de nouvelles molécules anticancéreuses mises sur le marché est d’environ 100 par an aux États-Unis. C’est pour cette raison qu’une consultation spécialisée cardio-oncologique peut être utile dans ces cas afin de connaître les effets secondaires à rechercher. L’immunothérapie anticancéreuse ciblant les voies PD1, PDL1 et CTLA4 sont en passe de révolutionner le pronostic d’un nombre croissant de cancers au stade métastatique, et d’être inclus dans l’arsenal thérapeutique à un stade localisé dans les années à venir. Il s’agit d’une classe thérapeutique donnant lieu à des manifestations auto-immunes, dont la plus sévère, mais rare, est la myocardite aiguë. S. Ederhy et coll. détaillent dans leur article la démarche diagnostique, fondée sur un faisceau d’arguments, et thérapeutique, avec corticostéroïdes au premier plan. Au-delà de cette complication rare, 13 % des patients avec cancer du poumon ou ORL ont un événement cardiovasculaire majeur (syndrome coronaire, angioplastie coronaire ou accident vasculaire cérébral ischémique) sous immunothérapie à 1 an(3). Ces données récentes incitent à une meilleure stratégie de prévention primaire et secondaire de la maladie athérosclérose, basée largement sur la prescription de statines. Enfin, se pose aussi le problème de santé publique que représentent les enfants, adolescents et adultes jeunes ayant reçu des traitements par anthracyclines et/ou radiothérapie médiastinale. L’incidence de la mort d’origine cardiovasculaire prématurée incite à une meilleure structuration du parcours de soins cardiovasculaire, non seulement en cours de traitement, mais aussi au long cours(4). Le dossier présenté ici est non exhaustif mais décline les situations pratiques auxquelles tout cardiologue est confronté : prise en charge de cardiodétection sous traitements oncologiques, décisions en cas de cardiotoxicité et structuration du parcours de soins cardio-oncologique. Le domaine de la cardio-oncologie est vaste étant donné la coexistence de traitements classiques et de nouvelles classes thérapeutiques, ainsi que des profils de patients très variés allant de la cardiopathie sous-jacente préalable à la cardiopathie spécifique de l’atteinte oncologique, tels l’amylose AL ou la valvulopathie carcinoïde. C’est pour cette raison que le groupe de cardio-oncologie de la Société française de cardiologie a récemment publié un article de synthèse pragmatique(5) et élabore des outils d’aide de prise en charge. En cas de difficulté de prise en charge, le recours à des centres experts offrant des services de télé-expertise ou des réunions de concertation pluridisciplinaire est possible à travers le territoire, illustré par les auteurs de ce dossier thématique.

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