Publié le 14 déc 2021Lecture 5 min
Hypertension artérielle de l'enfant : quand l’évoquer ? Comment l’explorer ?
Anne COUDERC, Hôpital Robert-Debré (AP-HP), Paris
L’hypertension artérielle (HTA) de l’enfant et de l’adolescent reste mal connue et sous-diagnostiquée. Elle contribue pourtant au développement précoce de la maladie cardiovasculaire. Étant le plus souvent asymptomatique, son dépistage systématique est primordial, d’autant qu’une cause secondaire et donc potentiellement curable peut être identifiée. De ce fait, un bilan minimal est toujours nécessaire.
Les enjeux
L’hypertension artérielle (HTA) est une pathologie encore trop méconnue en pédiatrie. Pourtant elle touche autour de 3,5 % des enfants et des adolescents, et est plus fréquente en cas de surpoids ou d’obésité où elle peut atteindre jusqu’à 24 % des patients(1). L’identifier est nécessaire, car une seule mesure de tension artérielle (TA) élevée pendant l’enfance augmente le risque d’HTA et de syndrome métabolique à l’âge adulte(2). En pédiatrie, les facteurs de risque d’HTA identifiés sont le sexe masculin, les antécédents familiaux et, dans une moindre mesure, être l’aîné et avoir un petit poids de naissance(3).
Quand et qui dépister ?
L’American Academy of Pediatric (AAP) a émis des recommandations sur l’HTA en 2017(4). La mesure de la tension artérielle (TA) doit être systématique chez tous les enfants à partir de l’âge de 3 ans, de façon annuelle. Elle doit être mesurée à chaque consultation en cas d’obésité, de maladie rénale, d’antécédent de coarctation de l’aorte, de diabète ou de traitement hypertenseur. Elle doit être réalisée de façon annuelle, avant l’âge de 3 ans, chez les enfants nés prématurés ou avec un retard de croissance intra-utérin.
Enfin, elle doit être mesurée en cas de point d’appel clinique.
Comment mesurer la TA ?
La TA doit être mesurée au calme, idéalement après 5 minutes de repos, allongé ou assis, avec le bras, droit de préférence, reposant sur un support. Deux mesures doivent être effectuées, 3 en cas de suspicion d’HTA. Le brassard doit être de taille adaptée, un brassard trop petit majorant la tension artérielle : en hauteur il doit mesurer deux tiers de la hauteur entre l’acromion et l’olécrâne. La méthode oscillométrique est la plus répandue, mais la méthode auscultatoire reste la plus fiable, avec le moins de risque de majoration, elle doit donc être privilégiée et être utilisée pour confirmer l’HTA. La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) est de plus en plus utilisée, elle doit permettre de confirmer une HTA limite ou labile, d’éliminer un « effet blouse blanche » et de dépister l’absence de dipping nocturne. Elle peut être réalisée à partir de l’âge de 6 ans, chez les patients de plus de 120 cm. L’automesure à domicile doit être réalisée avec un appareil homologué chez l’enfant (les appareils prenant la mesure au poignet ne le sont pas) et sert principalement à surveiller les patients avec une HTA déjà connue. Elle ne doit pas être utilisée pour diagnostiquer l’HTA.
Quelles sont les valeurs seuils d’HTA ?
Les normes de TA sont évolutives en fonction de l’âge, du sexe et de la taille, et ce jusqu’à 13 ans où les normes adultes s’appliquent.
Chez l’enfant, la définition de l’HTA est arbitraire et a été établie à partir de la distribution normale des TA en population saine. Les normes les plus récentes ont été publiées par l’AAP en 2017(4,5).
Ces tables de TA doivent être consultées pour diagnostiquer précisément l’HTA chez un patient après l’âge d’un an. Un tableau simplifié de dépistage a également été proposé (tableau 1) : si le patient a une valeur de TA inférieure à celle de son sexe et de son âge, la valeur prédictive négative d’HTA est de 99 %.
HTA secondaire ou essentielle ?
Une cause secondaire et potentiellement traitable doit toujours être recherchée, et ce d’autant plus que l’enfant est jeune et que l’HTA est sévère. Chez les enfants de moins de 1 an, 99 % des HTA sont secondaires, avec principalement des anomalies rénales ou rénovasculaires et des coarctations de l’aorte. À l’âge de l’école primaire, 70 à 85 % des HTA sont secondaires, avec de façon nettement prédominante des anomalies rénales ou rénovasculaires, mais une coarctation de l’aorte peut toujours être diagnostiquée. Chez les adolescents, 85 à 95 % des HTA sont essentielles.
L’HTA a d’autant plus de chance d’être essentielle qu’il existe des antécédents familiaux d’HTA, un surpoids ou une obésité, des apnées du sommeil et un petit poids de naissance. Mais elle doit rester un diagnostic d’élimination.
Bilan étiologique
Interrogatoire et examen clinique
Ils permettent d’orienter sur l’étiologie et de rechercher un retentissement d’organe (tableau 2).
Examens complémentaires
Le bilan de première intention, qui doit être réalisé devant chaque découverte d’HTA, comporte : un dosage sanguin d’urée, de créatinine, d’ionogramme, une NFS, un bilan lipidique (si surpoids ou antécédent familial de dyslipidémie), un ionogramme urinaire, une recherche de protéinurie (microalbuminurie) et d’hématurie. Une échographie rénale avec Doppler doit être réalisée, surtout si l’âge est inférieur à 6 ans ou si le patient présente une anomalie du bilan rénal ou urinaire. Ensuite, seulement selon les résultats du bilan de première intention et selon les signes d’orientation, pourront être réalisés un bilan thyroïdien, un dosage de la rénine et de l’aldostérone, le cortisol libre urinaire des 24 h, les catécholamines urinaires et les métanéphrines ; on pourra discuter une polysomnographie.
Afin d’évaluer le retentissement de l’HTA, il faudra réaliser une échographie cardiaque et rechercher une insuffisance rénale et une microalbuminurie. Le fond d’œil à la recherche d’une rétinopathie hypertensive n’est nécessaire qu’en cas d’HTA sévère.
Traitement
Le traitement de l’HTA doit toujours s’appuyer sur les règles hygiéno-diététiques (perte du surpoids, régime adapté, activité physique). La prescription du traitement antihypertenseur au long cours doit rester l’apanage du spécialiste, d’autant plus si une monothérapie n’est pas suffisante.
Conclusion
L’hypertension artérielle est un vrai enjeu de dépistage et de diagnostic. En raison de son caractère le plus souvent asymptomatique, seule une prise de TA systématique permettra de bien la dépister. Il faut également savoir y penser devant des symptômes évocateurs, même chez les jeunes enfants. Une MAPA pourra aider à confirmer l’HTA chez les enfants de plus de 120 cm. Un interrogatoire et un examen clinique détaillés et orientés sont nécessaires, de même qu’un bilan minimal chez tous les patients à la recherche d’une étiologie potentiellement traitable, et d’un retentissement d’organe.
Publié dans Pédiatrie Pratique
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