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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 déc 2021Lecture 6 min

Faut-il ablater la première tachycardie ventriculaire chez un porteur de défibrillateur ?

Fabrice EXTRAMIANA, Hôpital Bichat, Paris

Journées de rythmologie

La survenue d’une tachycardie ventriculaire (TV) chez un patient porteur d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) peut faire discuter l’intérêt d’une tentative d’ablation endocavitaire. Le DAI peut avoir été implanté en prévention secondaire de TV/FV ou en prévention primaire, le plus souvent en présence d’une cardiopathie ischémique ou dilatée non ischémique. C’est surtout dans ces deux pathologies que l’ablation a été évaluée et nous ne parlerons pas ici des autres causes d’implantation de DAI (CMH, DVDA, sarcoïdose, cardiopathies congénitales, maladie de Chagas, etc.), des situations particulières que sont les orages rythmiques, ni des localisations complexes (TV du sommet ventriculaire gauche ou substrat épicardique) ou des techniques d’ablation en cours d’évaluation (radiothérapie stéréotaxique). Nous verrons dans un premier temps le rationnel de l’ablation de TV chez un patient porteur de DAI, puis l’efficacité et les résultats mais aussi les risques associés à l’ablation de TV. Nous ferons enfin le point sur les consensus et recommandations sur le sujet et proposerons un algorithme décisionnel pour conclure.

• Rationnel de l’ablation d’une première TV chez un porteur de DAI La survenue d’une TV chez un porteur de DAI n’est pas un événement rare. Par exemple, dans l’étude MADIT II (prévention primaire en cas de cardiopathie ischémique avec fraction d’éjection ventriculaire gauche < 35 %), 35 % des patients avaient reçu au moins une thérapie du DAI (dont 80 % pour TV) après 3 ans de suivi(1). La survenue d’une première arythmie ventriculaire annonce très souvent la récidive. Cela était le cas chez 58 % des patients dans MADIT II, avec des récidives dans 93 % des cas dans les mois suivant l’épisode initial(1). En plus de ce risque de récidive, la survenue d’une arythmie ventriculaire traitée par le DAI est aussi associée à un moins bon pronostic (figure 1)(1). Une part de ce mauvais pronostic est possiblement la conséquence des thérapies délivrées par le DAI. En effet, l’étude MADIT RIT a clairement montré que les modifications de réglages du DAI visant à diminuer le risque de thérapie étaient associées à une diminution de la mortalité globale. Une analyse complémentaire de MADIT RIT montre que les thérapies appropriées du DAI sont associées à une majoration de la mortalité (HR = 2,66 ; IC95% : 1,45-4,88 ; p < 0,001)(2). L’ablation pourrait donc prévenir ces très probables récidives et éviter des chocs délétères. La récidive de TV après une ablation est aussi associée à mauvais pronostic (HR = 6,90 ; IC95% : 5,28-9,01 ; p < 0,001) dans l’étude du groupe collaboratif international des centres ablatant les TV(3). Enfin, plusieurs études ont montré que la non-inductibilité de TV après l’ablation était associée à une diminution du risque de récidive, d’une part, et de la mortalité, d’autre part(4). Ces éléments considérés ensemble suggèrent que l’ablation d’une première TV avec la non-inductibilité comme cible de fin de procédure pourrait être associée à une amélioration pronostique. Mais, comme cela est très souvent le cas, la validation de l’hypothèse doit passer par des études randomisées contrôlées. • Efficacité et résultats Nous avons la chance d’avoir à notre disposition plusieurs études randomisées évaluant l’ablation de TV dans des situations un peu différentes mais toutes chez des patients avec des cardiopathies ischémiques ou non ischémiques et un DAI. La première a été publiée il y a près de 15 ans (SMASH-VT) et a randomisé 128 patients avec une séquelle d’infarctus et un DAI, et soit une TV mal tolérée sur le plan hémodynamique, soit une syncope avec une TV déclenchable lors de la stimulation ventriculaire programmée(5). L’ablation permettait de diminuer significativement le risque de récidive de TV lors du suivi, mais n’avait aucun impact sur le risque de mortalité globale(5) (figure 2A). L’étude VTACH (110 patients avec séquelle d’infarctus, une FEVG ≤ 50 % et une TV stable, bien tolérée)(6) retrouve des résultats similaires avec une diminution significative du risque de récidive de TV. Cette diminution est claire chez les patients avec une FEVG > 30 % mais pas chez ceux avec une FEVG < 30 %. Mais, comme dans SMASH-VT, l’ablation de la TV n’est pas associée à une diminution de la mortalité. Dans l’étude VANISH, les 259 patients inclus avaient une séquelle d’infarctus, un DAI et une récidive de TV sous antiarythmique (en pratique le sotalol ou l’amiodarone) et ont été randomisés entre une ablation de TV ou une majoration du traitement antiarythmique(7). L’ablation est associée à une diminution non significative des récidives de TV (HR = 0,66 ; IC95% : 0,42-1,05 ; p = 0,08)(7). Ce bénéfice de l’ablation est très net chez les patients qui étaient déjà sous amiodarone (HR = 0,53 ; IC95% : 0,31-0,9 ; p = 0,02), mais non significatif chez les patients qui étaient initialement sous sotalol et qui ont été mis sous amiodarone (HR = 1,32 ; IC95% : 0,69-2,56 ; p = 0,40)(8). Cependant, l’ablation n’a pas d’impact positif sur la mortalité dans VANISH non plus (HR = 0,96 ; IC95% : 0,60-1,53 ; p = 0,86) (figure 2B)(7). Plus précisément, le HR = 0,80 ; IC95% : 0,47-1,36 ; p = 0,41 chez les patients qui ont récidivé sous amiodarone et une tendance non significative à une surmortalité dans le groupe ablation pour les patients qui ont récidivé sous sotalol (HR = 1,49 ; IC95% : 0,57-3,94 ; p = 0,42)(8). Il n’y avait pas non plus de bénéfice en termes de qualité de vie dans le groupe ablation de l’étude VANISH. La dernière étude en date, BERLIN-VT publiée en 2020, est une étude randomisée pragmatique évaluant 2 stratégies de prise en charge(9). Les patients avec une cicatrice d’infarctus de plus de 4 semaines, une FEVG entre 30 et 50 % et au moins une arythmie ventriculaire menaçant le pronostic vital avaient tous un DAI et étaient randomisés pour soit une ablation d’emblée (dite « préventive »), soit une ablation uniquement en cas de récidive. L’ablation d’emblée était associée à une diminution du risque de récidive d’arythmie ventriculaire (HR = 0,62 ; IC95% : 0,38-1,00 ; p = 0,05) mais avec des taux de récidives importants dans les 2 bras et sans bénéfice sur la mortalité totale, avec même un signal non significatif en défaveur de l’ablation (HR = 2,97 ; IC95% : 0,60-14,7 ; p = 0,18) (figure 2C)(9). La conclusion des auteurs de l’étude est la suivante (traduction personnelle) : « Ainsi, l’ablation par cathéter de TV sur cicatrice d’infarctus chez les patients porteurs d’un DAI doit être repoussée jusqu’à la survenue de récidive de TV afin d’éviter d’exposer les patients au risque d’une ablation préventive »(9). Les données de ces différentes études sont reprises dans une métaanalyse récente(10). Cette étude montre que l’ablation diminue significativement de plus de 40 % le risque de thérapie du DAI (OR = 0,53 ; IC95% : 0,36-0,78) et d’orage rythmique (OR = 0,60 ; IC95% : 0,39-0,93). Malheureusement, cet effet antiarythmique fort ne se traduit par aucun effet sur la mortalité globale (OR = 0,99 ; IC95% : 0,49- 2,02) (figure 3)(10). • Risques L’autre élément à mettre dans la balance bénéfice-risque de l’ablation est bien entendu le risque des complications associées à ces procédures dites « complexes ». Le groupe collaboratif international des centres ablatant les TV a recueilli les données de mortalité précoce après une ablation de TV chez 2 061 patients (FEVG 34 %, 53 % de cardiopathie ischémiques). La mortalité à 30 jours était de 5 % (IC95% : 4 %-6 %)(11). Une autre étude monocentrique dans le centre expert d’Hambourg (1 792 ablations chez 1 417 patients dont 804 avec une atteinte structurelle) retrouve une mortalité hospitalière très faible en cas de coeur structurellement normal (0,1 %) mais autour de 3 % chez les patients avec une cardiopathie structurelle (p = 0,0001)(12). Cette dernière étude décrit les causes de décès ainsi que les facteurs prédictifs et propose un score de risque de complication grave ou de décès après une ablation de TV (figure 4)(12). Cette stratification du risque nécessite d’être validée, mais elle permet de réduire des ardeurs interventionnelles lorsque le risque estimé devient important. • Consensus et recommandations Les recommandations ne rentrent pas dans le détail des indications d’ablation de TV mais nous avons un consensus d’experts récent (2019) validé par les sociétés savantes de rythmologie(13). Dans la cardiopathie ischémique, l’ablation est recommandée en cas de TV récidivante sous amiodarone, ou lorsque l’antiarythmique est contre-indiqué ou mal toléré (classe I B). L’indication est en classe IIa C lorsque le patient ne souhaite pas de traitement antiarythmique. Enfin, l’ablation peut être proposée en première intention « pour réduire le risque de récidive ou de thérapie par le DAI » (classe IIb A). Une classe IIb signifie que cela peut être envisagé dans certains cas particuliers, mais sans être la règle. En cas de cardiopathie non ischémique, l’ablation n’est recommandée qu’en cas de TV récidivante sous traitement antiarythmique ou lorsque les antiarythmiques sont mal tolérés ou contre-indiqués (classe I B)(13). Les TV de branche à branche représentent cependant un cas particulier dans lequel on envisage l’ablation après le premier épisode (classe I B)(13).

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