Publié le 15 mai 2022Lecture 4 min
DT2 et maladie rénale chronique : la révolution est en marche
Michèle DEKER, Neuilly
Congrès de la SFD
Après une AMM européenne dans l’insuffisance cardiaque (IC) chronique symptomatique à FE réduite obtenue en 2020 (ASMR IV), une nouvelle AMM européenne a été octroyée à la dapagliflozine dans le traitement de la maladie rénale chronique (MRC) (ASMR III) en 2021, avec une initiation jusqu’à un débit de filtration glomérulaire (DFG) de 25 mL/min. La dapagliflozine peut donc aujourd’hui être prescrite et remboursée dans le diabète de type 2, dans l’insuffisance cardiaque et dans la MRC, avec des conditions plus complexes.
• Atteintes rénales chez le diabétique
La néphropathie diabétique est de mieux en mieux définie, grâce à une nouvelle classification histologique en 4 stades (épaississement de la membrane basale glomérulaire, expansion mésangiale, glomérulosclérose nodulaire et fibrose tubulo-interstitielle). Les risques d’insuffisance rénale, d’événement cardiovasculaire et de mortalité sont corrélés à la baisse du DFG et à l’augmentation de l’excrétion urinaire d’albumine. L’insuffisance rénale normo-albuminurique est une situation fréquente qui devient la forme dominante de la maladie rénale chronique de stade 3 (CKD3), et qui est accessible au traitement. L’AKI (acute renal injury) ou dysfonction rénale aiguë correspond dans la définition KDIGO à une augmentation ≥ 0,3 mg/dL (≥ 26,5 μmol/L) de la créatinine sérique en 48 heures ou à une augmentation ≥ 1,5 des valeurs de base dans les 7 jours précédents. L’atteinte rénale est d’autant plus sévère que la créatininémie est élevée. L’AKI est deux fois plus fréquente chez les diabétiques que chez les non-diabétiques ; elle est favorisée après chirurgie cardiaque ; le risque est plus marqué dans le DT1 ; le diabète augmente aussi la gravité de l’AKI. L’AKI s’associe aux événe- ments hyperglycémiques, à l’insuffisance cardiaque, aux situations de déshydratation, aux maladies associées au diabète et à la mortalité toutes causes.
• DAPA-CKD, l’histoire continue
La première preuve d’efficacité des gliflozines a été apportée par l’étude EMPAREG, suivie de l’étude CREDENCE chez des sujets ayant une fonction rénale plus altérée. DAPA-CKD inaugure un changement de paradigme pour la protection rénale des patients diabétiques (85 % de néphropathies diabétiques) et non diabétiques (35 % de néphropathies vasculaires/43 % de glomérulonéphrites) : 4 304 patients inclus avec un DFG de 25 à 75 mL/min/1,73 m2 et une albuminurie de 200 à 5 000 mg. L’effet de la dapagliflozine est majeur : diminution de 40 % du risque de diminution ≥ 50 % du DFG, d’évolution vers la dialyse ou de mortalité rénale ou cardiovasculaire. L’effet du traitement est similaire chez les patients avec ou sans diabète, que le DFG soit inférieur ou supérieur à 45 mL/min, que l’albuminurie soit importante ou pas, l’âge, le genre, l’origine ethnique ou géographique, la pression artérielle.
En pratique, la prescription d’un iSGLT2 permet de gagner 11 ans sur la dégradation de la fonction rénale, comparativement à 1 an pour les inhibiteurs du SRAA. La réduction de l’albuminurie chez les patients sous dapagliflozine n’est pas dépendante du DFG.
Environ 5 % des patients ont une augmentation > 30 % de la créatinine, mais cela ne change rien au bénéfice à long terme du traitement par iSGLT2, sur le plan cardiovasculaire et rénal. En revanche, le risque cardiovasculaire et rénal augmente à l’arrêt du traitement. En pratique, avant de prescrire un iSGLT2, il faudrait évaluer le risque d’augmentation de la créatinine : réduire la dose de diurétique de l’anse si elle est > 40 mg/j, les arrêter temporairement si possible quand la dose est > 40 mg/j, vérifier l’absence d’hypotension orthostatique avant de débuter un iSGLT2 et mesurer la créatinine à 1 mois, voire plus tôt en cas de signes d’intolérance. Les doses d’antidiabétiques oraux et d’insuline doivent être adaptées et l’albuminurie mesurée à J0 et J14.
En cas d’élévation de la créatinine > 30 % sous traitement iSGLT2, il faudra faire une évaluation clinique, réduire ou adapter les diurétiques et n’arrêter les iSGLT2 que si nécessaire pour les reprendre ultérieurement.
• La néphro-protection ne concerne pas que le néphrologue
L’AKI est surtout observée en médecine de ville. On observe une augmentation régulière du nombre de patients ayant un diabète et une maladie rénale chronique, dont les conséquences sont catastrophiques en termes de risque cardiovasculaire, de mortalité et d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. L’étude EPIRAN, réalisée en Lorraine sur la population générale montre que la MRC touche surtout les sujets de > 65 ans, avec une incidence annuelle de 1/1 000 habitants ; 34 % sont diabétiques et l’insuffisance rénale chronique est souvent associée à d’autres comorbidités, notamment cardiovasculaires. La prise en charge néphrologique est faible (30 %) et tardive (32 mL/ min en moyenne). Les enjeux sont de faire un diagnostic précoce, d’évaluer le risque de progression, en dosant l’albuminurie, de prévenir les complications associées et le risque cardiovasculaire.
En Lorraine, toutes les structures de néphrologie publiques et privées fonctionnent en réseau. Un dispositif a été mis en place dans cette région basé sur la transmission des données par les laboratoires de biologie médicale. L’objectif est d’optimiser le partenariat entre les soins prodigués par les médecins traitants et les centres spécialisés. PREVEnIR invite les patients ayant deux DFG < 60 mL/min depuis plus de 3 mois et leurs médecins à adhérer au programme. Le bilan initial recommandé comprend le ratio albuminurie/créatininurie, rarement réalisé en médecine de ville. Le programme comporte aussi des réunions de concertation sur dossier avec des néphrologues exerçant en centre public et privé, afin de décider de la prise en charge éventuelle du patient par un néphrologue.
D’après un symposium organisé avec la collaboration du laboratoire AstraZeneca avec la participation de H. Hanaire, S. Hadjadj, J.-M. Halimi et M. Kessler
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