Nutrition
Publié le 05 sep 2022Lecture 6 min
Techniques mini-invasives endoscopiques de prise en charge de l’obésité et du syndrome métabolique
Hadrien ALRIC, Gabriel RAHMI, Service d’hépato-gastroentérologie et endoscopie digestive, Hôpital européen Georges Pompidou, APHP, Centre Université Paris Cité
La prévalence croissante de l’obésité dans le monde ainsi que ses comorbidités telles que le diabète de type 2 et la stéatose hépatique non alcoolique représentent un problème de santé publique majeur. Un changement de mode de vie est proposé en première intention à ces patients mais seulement 20 % parviennent à obtenir une perte de poids de 7 à 10 % permettant d’améliorer leur pronostic. Seule une minorité de ces patients maintiennent cette perte de poids dans le temps. La chirurgie bariatrique et métabolique apparaît alors comme le traitement de choix de l’obésité morbide. Toutefois, c’est une approche invasive qui n’est pas dénuée de complications et dont le coût est important. Les techniques endoscopiques de prise en charge de l’obésité pourraient être considérées comme une alternative intermédiaire entre une approche médicale seule et chirurgicale tout en étant moins invasive. Par ailleurs cette approche mini-invasive n’empêche pas la réalisation d’une chirurgie dans un deuxième temps si nécessaire.
• À qui s’adresse l’endoscopie pour la prise en charge de l’obésité et comment en évaluer l’efficacité ?
À ce jour, il n’existe aucune recommandation française pour encadrer l’utilisation des différents dispositifs de prise en charge de l’obésité et du syndrome métabolique par endoscopie. Ainsi leur place dans l’arsenal thérapeutique n’est pas encore consensuelle. Des études cliniques pour évaluer leur efficacité sont en cours en France. Une pratique partagée par plusieurs centres experts propose ces techniques endoscopiques aux patients éligibles à une chirurgie bariatrique (IMC > 40 ou IMC > 35 avec comorbidités susceptibles d’être diminuées par la chirurgie) mais qui refusent la chirurgie ou alors qui ont une contre-indication à la prise en charge chirurgicale en raison du risque anesthésique ou opératoire (patients multi-opérés, IMC extrêmes).
Les recommandations américaines ont défini les critères d’efficacité et de sécurité nécessaires à l’utilisation de ces nouvelles techniques endoscopiques. L’efficacité doit être évaluée à 12 mois avec une perte d’excès de poids supérieure à 25 % (EWL = Excess Weight Loss), une perte de poids totale supérieure à 5 % et un risque d’événements indésirables graves < 5 % (TBWL = Total Body Weight Loss).
Ces techniques endoscopiques peuvent être rangées en plusieurs catégories : les méthodes d’occupation de l’espace, les méthodes restrictives, les méthodes d’aspiration et les méthodes malabsorptives.
• Méthode d’occupation de l’espace
La pose de ballon intragastrique est la plus ancienne technique endoscopique de prise en charge de l’obésité. Il a fait l’objet d’une évaluation par la Haute Autorité de santé en 2009 qui n’a pas conclu à son intérêt par rapport à une prise en charge pluridisciplinaire seule. C’est pourquoi il n’est pas pris en charge par la Caisse nationale d’Assurance maladie. Différents types de ballon intragastrique sont disponibles, certains remplis à l’eau, d’autres à l’air. Leur usage est temporaire, ils sont selon les modèles laissés en place de 4 à 12 mois. Le mécanisme d’action impliquerait une réduction de la sensation de faim et une augmentation de la satiété médiée par des variations de certains peptides comme la ghréline, la leptine et l’adinopectine. Des modifications anatomiques et fonctionnelles sont décrites comme une augmentation de la compliance gastrique et un ralentissement de la vidange gastrique. En termes d’efficacité, un essai clinique randomisé récent a permis de mettre en évidence à 6 mois un TBWL de 15 % et un EWL à 53,6 %(1). En revanche, 17 % des patients se plaignaient de symptôme motivant une extraction du dispositif avant 6 mois et il a été reporté 4 % de complication majeure sans décès. Ces données sont supérieures à ce qui a pu être observé lors d’une précédente métaanalyse retrouvant un pourcentage d’EWL de 36,2 %, un pourcentage de TBWL de 13,2 % et une perte de poids totale de 5,9 % à 12 mois(2). Les données à long terme sont plus rares, une étude prospective a pu montrer que 2,5 années après le retrait du ballon intragastrique, seulement 24 % des patients maintiennent une perte de poids totale ≥ 10 %. Ainsi, ce dispositif est le plus souvent envisagé comme un coup de pouce pour initier une perte de poids avant d’utiliser d’autres méthodes endoscopiques ou chirurgicales.
• Méthode restrictive par techniques de plicatures
La gastroplastie endoscopique consiste à réduire le volume et altérer la vidange gastrique (figure 1). Les différentes méthodes développées sont inspirées des techniques chirurgicales de suture et permettent la création d’une plicature endoscopique de la paroi gastrique par un système d’apposition de la paroi gastrique. Le système POSE (Primary Obesity Surgery Endoluminal, USGI Medical, USA) est une plateforme spécifique orientable dans l’espace qui permet d’effectuer des plicatures de la paroi gastrique entre deux points grâce à quatre canaux opérateurs. Plus récemment, le dispositif Endomina (Endotools, Belgique) qui se place autour de l’endoscope permet de réaliser par triangulation des plicatures gastriques. En revanche, l’Overstitch (Apollo Endosurgery, USA) permet la réalisation de points de suture continus. Cette « sleeve gastroplastie endoscopique » est réalisée en débutant les sutures au niveau de la jonction entre le fundus et l’antre en regard de l’angulus. La paroi gastrique est tractée vers le dispositif à l’aide d’une pince ou d’une hélix. Les sutures sont ensuite réalisées soit en forme de Z, W ou de U, et sont répétées successivement en remontant vers la grosse tubérosité gastrique. Le dispositif le plus couramment utilisé est l’Overstitch qui a été évalué dans plus d’une dizaine d’études. La sleeve gastroplastie endoscopique permet une perte de poids à 12 mois entre 15,0 et 19,5 %(3). Cette efficacité semble se maintenir dans le temps avec plus de 70 % des patients qui gardent une perte de poids > 10 % après 2 ans de suivi. Une étude rétrospective comparant la sleeve gastroplastie endoscopique au ballon intragastrique montre une efficacité significativement plus importante sur la perte de poids totale à 12 mois dans le groupe sleeve gastroplastie endoscopique (13,9 % vs 21,3 % ; p = 0,005)(4). Cette technique endoscopique nécessite toutefois une formation préalable qui est plus complexe que celle du ballon intragastrique.
• Méthode d’aspiration
La thérapie par aspiration avec l’AspireAssist (King of Prussia,USA) utilisé aux États-Unis, permet de réduire les apports caloriques de chaque repas. Le système est composé d’un tube de gastrostomie percutané inséré par voie endoscopique. Un dispositif d’aspiration est ensuite connecté sur la valve de gastrostomie permettant une irrigation à l’eau du bol gastrique pour faciliter ensuite son aspiration. L’appareil est utilisé 30 minutes après chaque repas. Son efficacité a été démontrée dans une étude randomisée multicentrique en comparaison aux règles hygiéno-diététiques seules. À 12 mois, il a été retrouvé une perte totale de poids significativement plus importante dans le groupe AspireAssist par rapport au groupe sous mesures hygiéno-diététiques seules (12,1 % vs 3,5 % ; p < 0,001)(5). Le taux de complication non grave important (40 %, notamment infection de paroi) en limite cependant l’acceptabilité. En effet cette technique reste mal tolérée dans le temps avec un taux d’ablation précoce de 26,1 % à un an.
• Méthode malabsorptive
Le jéjunum proximal joue un rôle majeur dans l’absorption et l’homéostasie du glucose. C’est un des mécanismes d’action de la chirurgie de bypass gastrique. Par analogie avec cette technique chirurgicale, plusieurs méthodes endoscopiques sont en cours de développement. Elles ne sont pas encore applicables en pratique courante.
L’Endobarrier (GI Dynamics, USA) est un dispositif permettant de créer une déviation gastro- jéjunale grâce à un manchon souple en Téflon qui forme ainsi une barrière mécanique avec le bol alimentaire. Cette technique n’est plus actuellement utilisée en raison d’effets indésirables graves. Même si une métaanalyse rapportait une perte de poids totale de 18,9 % à 12 mois(6), la perte de poids ne se maintenait pas dans le temps après l’ablation du dispositif.
Des techniques de création d’anastomose gastro-jéjunales endoscopiques sur le modèle du bypass chirurgical sont en cours de développement. Des résultats prometteurs sont disponibles sur des modèles animaux.
Le Revita (Laboratoire Fractyl, USA) est une technique de destruction thermique superficielle de la muqueuse duodénale(7). Celle-ci est détruite à l’aide d’un ballon dans lequel circule de l’eau chauffée à 90 °C (figure 2). L’objectif de ce traitement est de rétablir, lors de la cicatrisation du néo-épithélium, une homéostasie normale des cellules entéro-endocrines duodénales permettant un meilleur contrôle glycémique par effet incrétine. L’utilisation de ce dispositif permettait dans un essai clinique une amélioration significative du diabète et de la stéatose hépatique sans toutefois permettre une perte de poids. Ce dispositif n’est pas disponible en France et nécessite d’autres évaluations.
EN PRATIQUE
• L’endoscopie bariatrique connaît un développement important ces dernières années et son évaluation clinique est toujours en cours. Cette option est plus efficace que les mesures hygiéno-diététiques seules tout en étant moins invasifs que la chirurgie et constitue donc une alternative à la chirurgie.
• Une prise en charge endoscopique peut le plus souvent être proposée aux patients éligibles à une chirurgie bariatrique (IMC > 40 ou IMC > 35 avec comorbidités susceptibles d’être diminuées par la chirurgie) mais qui refusent la chirurgie ou alors qui ont une contre-indication à la prise en charge chirurgicale en raison du risque anesthésique ou opératoire.
• Ces techniques doivent être envisagées avec un accompagnement nutritionnel strict et une prise en charge multidisciplinaire à long terme.
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