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Insuffisance cardiaque

Publié le 02 jan 2023Lecture 5 min

Prise en charge de l’insuffisance cardiaque

Pierre SABOURET*, Christophe MEUNE**, *Président du CNCF, Paris ; **Hôpitaux universitaires Paris-Seine-St-Denis, APHP

Plusieurs sessions ont été consacrées à l’insuffisance cardiaque lors du dernier congrès du Collège national des cardiologues français. En effet, l’insuffisance cardiaque reste associée à une lourde morbi-mortalité avec une survie de 50 % à 5 ans, tous stades confondus. Les recommandations récentes de la Société européenne de cardiologie (ESC) préconisent chez un patient hospitalisé ou diagnostiqué en ambulatoire l’introduction rapide (idéalement en moins de 4 semaines) des « 4 fantastiques » qui représentent les 4 classes thérapeutiques suivantes : bêtabloquant ; inhibiteur enzyme de conversion (IEC) ou antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2) ou bien association sacubitril/valsartan ; antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARM) représentés par la spironolactone ou l’éplérénone ; et inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2 ou gliflozines).

Chez les patients déjà traités par une ou plusieurs de ces classes thérapeutiques, il convient de titrer rapidement et d’y associer les classes thérapeutiques manquantes selon la tolérance hémodynamique, la fonction rénale et la kaliémie. La tendance actuelle est de privilégier l’introduction d’une nouvelle classe pharmacologique par rapport à la titration forcée d’une seule classe, ceci afin de lutter contre l’inertie thérapeutique souvent observée dans les registres et contrecarrer toutes les voies d’activation neuro-hormonale. Les ARM sont souvent la classe la plus difficile à introduire et à titrer en raison des risques d’hyperkaliémie mais apportent des bénéfices cliniques importants donc sont à initier et à titrer par les cardiologues sous surveillance étroite de la kaliémie. L’association avec les iSGLT2 permet de réduire le risque d’hyperkaliémie. Il convient de diminuer les diurétiques de l’anse à leur dose minimale efficace dès que les signes de congestion disparaissent afin d’éviter des hyvolémies, des dyskaliémies et des insuffisances rénales fonctionnelles qui sont des freins à l’implémentation des 4 fantastiques. Les récentes positions d’experts insistent sur une introduction et une titration rapides des 4 classes thérapeutiques, car les bénéfices obtenus dans les études randomisées surviennent précocement, dès le premier mois, période de vulnérabilité marquée par des réhospitalisations fréquentes d’après les registres. La possibilité d’introduire précocement les traitements a été démontrée dans plusieurs études ce qui doit rassurer et convaincre les cardiologues en pratique clinique, car ils jouent un rôle central dans la prise en charge. Le travail en réseaux ville-hôpital, en CPTS, avec les infirmiers de pratique avancée (IPA) ou les ISPIC, est vivement encouragé pour éduquer le patient et la famille (signes d’alerte EPOF : essoufflement, prise de poids, œdèmes, fatigue), gérer les effets secondaires potentiels des traitements, permettre une titration rapide et anticiper les décompensations et aggravation progressive qui restent fréquentes et sont associées à un plus sombre pronostic. Les conseils hygiéno-diététiques EPON (Exercice, Pesée, Observance, Nutrition avec régime peu salé) sont à maintenir au long cours. Les intervalles pour la surveillance clinique et biologique dépendront de la fragilité du patient, de sa classe fonctionnelle NYHA, de la pression artérielle, de la fonction rénale et de la kaliémie initiales ainsi que des réponses aux traitements bloqueurs du SRA (système rénine angiotensine), des iSGLT2, et/ou diurétiques. Cette optimisation des traitements est fondamentale compte tenu des bénéfices cardiovasculaires observés dans les études randomisées. La classification NYHA qui classe les patients en 4 groupes de gravité croissante (classe I patient asymptomatique à la classe IV patient avec des signes au repos) reste la plus utilisée en pratique clinique, a été longtemps considérée comme un facteur pronostique majeur servant de critère dans les essais cliniques(1). Cependant, cette classification NYHA présente de nombreuses limites, comme la minoration par les patients (consciente ou inconsciente) des symptômes par réduction spontanée des activités quotidiennes et son caractère très subjectif d’évaluation par les médecins. Sa capacité à réellement discriminer le pronostic et sa reproductibilité sont finalement faibles(2-4). La mesure des peptides natriurétiques (PN) est donc recommandée avec un dosage lors de l’épisode initial d’insuffisance cardiaque puis lors du suivi des patients(5). En effet, le taux des peptides natriurétiques est un marqueur pronostique puissant, associé à la gravité de l’affection(5). La constatation d’une augmentation de concentration et/ou d’une concentration de NT-proBNP > 1 000 ng/l est un signal d’alerte qui doit inciter à une majoration des traitements et un suivi plus rapproché(6). À l’inverse, la diminution de la concentration de PN à la majoration du traitement est corrélée à une amélioration du pronostic(6,7). La diminution des PN doit être d’au moins 30 % pour avoir une signification clinique, de même pour une augmentation. Les patients insuffisants cardiaques, même « asymptomatiques » en apparence, mais avec des PN élevés devront bénéficier des mêmes traitements de fond que les patients symptomatiques, recommandation de niveau I(1,8). Le suivi des patients par les PN et l’optimisation du traitement en cas de concentration de PN élevée a démontré son efficacité dans plusieurs métaanalyses(9). L’évaluation cardio-respiratoire à l’effort semble également intéressante. En effet elle pourrait permettre de mieux apprécier la classe fonctionnelle réelle du patient, a une valeur pronostique importante et additive de celle des PN(8,10,11). Une check-list doit être idéalement établie avant la sortie de l’hôpital avec un parcours de soins bien établi en collaboration avec le patient, sa famille, et les différents professionnels de santé afin d’éviter une rupture dans la chaîne de soins qui conduirait à un risque de nouvel épisode de décompensation cardiaque. Plusieurs positions d’experts français sous l’égide du GICC de la SFC et internationales ont été publiées proposant des solutions pour optimiser les parcours de soins, gérer une aggravation de l’insuffisance cardiaque et de l’insuffisance rénale. On rappelle pour cette dernière qu’une élévation de la créatininémie est autorisée jusqu’à 50 % (mais peut être en pratique fautil la limiter à 30 %) par rapport au niveau initial sous bloqueurs du SRA et/ou iSGLT2, ces deux classes étant néphroprotectrices aussi bien pour les patients diabétiques que pour les nondiabétiques. Le rapport albuminurie sur créatininurie sur échantillons urinaires permet d’attester de la néphroprotection alors que la créatininémie augmente. Les mesures de prévention sont indispensables en stoppant les médicaments néphrotoxiques et en réévaluant les patients et la fonction rénale lors d’épisodes intercurrents (fièvre, diarrhée, déshydratation, épisodes infectieux…). Les indications du défibrillateur cardiaque sont bien établies, à savoir une FEVG < 30 %, 3 mois après l’épisode initial sous traitement médical optimal (donc associant les 4 classes thérapeutiques citées auparavant) lorsque l’origine de l’insuffisance cardiaque est une cardiopathie ischémique. La resynchronisation s’applique aux patients qui conservent des complexes QRS larges > 130 ms (bloc de branche gauche essentiellement). Enfin, une carence martiale est fréquente et doit être systématiquement recherchée pour la compenser par des injections intraveineuses de fer. Les vaccinations font également partie intégrante de la stratégie thérapeutique avec un niveau de preuves bien établi.

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