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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 20 juin 2023Lecture 6 min

État de l’art en rythmologie à l’EHRA 2023

Nicolas LELLOUCHE, rythmologue, Hôpital Henri-Mondor, APHP, Créteil

Comme chaque année, le congrès européen EHRA 2023 a été l’occasion de partager de très nombreuses études scientifiques et de faire le point sur l’état de l’art de la pratique de la rythmologie et les avancées qui nous attendent dans les années à venir. Cette année, le congrès qui a eu lieu à Barcelone, a tenu toutes ses promesses avec la présentation de très nombreuses études intéressantes. J’ai choisi de manière arbitraire et ne pouvant couvrir tous les sujets de la rythmologie, de sélectionner 5 études qui m’ont paru importantes dans l’état actuel de nos connaissances.

POTTER-AF D’après R. Tilz, Lübeck, Allemagne   La fistule atrio-œsophagienne (FAO) est une complication très rare mais grave de l’ablation de la fibrillation atriale (FA). L’incidence de la FAO est estimée entre 0,016-0,15 % selon les séries publiées. Cette complication est particulièrement redoutable car sa mortalité est très élevée et estimée à 80 %. Les études sur cette complication sont faites sur de très faibles échantillons compte tenu de sa rareté. L’étude POTTER-AF est un registre international rétrospectif auquel ont participé de nombreux centres français. Au total, l’étude a inclus 214 centres avec 553 729 procédures d’ablation de FA (paroxystique et persistante). Il a été observé 138 FAO soit une incidence de 0,025 % avec une différence significative entre les patients traités par radiofréquence (RF) : 0,038 % vs cryothérapie : 0,0015 %. Le délai médian des premiers symptômes était de 18 jours et le délai médian de diagnostic de 21 jours. La présentation clinique initiale principale était celle d’une fièvre (59 %) suivie de douleurs thoraciques (54 %) puis de symptômes neurologiques (44 %). Le diagnostic a été fait majoritairement (80 % des cas) par un scanner thoracique. Le taux de mortalité globale était de 66 % avec présence de séquelles majeures dans 9 % des cas. Les facteurs associés à une meilleure survie étaient : l’utilisation d’une sonde œsophagienne de température pendant l’ablation, la réalisation d’une chirurgie œsophagienne et l’utilisation d’une sédation consciente pendant la procédure (figure 1). Figure 1. Étude POTTERAF. Stratégie thérapeutique et mortalité.   Les limites sont le caractère rétrospectif de cette étude, un possible défaut de suivi chez certains patients, un taux déclaré de cette complication peut être sous-estimé, l’absence d’étude de la mesure de la température œsophagienne et de l’impact du contact avec le cathéter d’ablation.   MANIFEST-PF : suivi à 1 an D’après V. Reddy, New York, USA   L’étude MANIFEST-PF qui a été publiée en 2022 dans l’European Heart Journal, est un registre rétrospectif international sur des patients ablatés pour une FA paroxystique ou persistante par électroporation. Cette nouvelle énergie utilisée pour ces procédures correspond à l’application d’impulsions électriques rapides pour perméabiliser la membrane cellulaire et aboutir à une destruction de la cellule. L’avantage théorique de cette technique est de limiter les lésions aux tissus cibles. Par ailleurs, les durées d’application sont considérablement réduites. L’étude MANIFEST-PF a étudié 1 758 patients opérés avec le système Farapulse ™ (Boston Scientific), correspondant à un cathéter en forme de fleur, avec un taux de succès d’isolation de veines pulmonaires de 99,9 % en aigu. Par ailleurs, d’autres lésions ont été effectuées avec des tirs sur le mur postérieur, ligne du toit, ligne mitrale ou isthme cavo-tricuspide, même si le cathéter a été désigné essentiellement pour l’isolation des veines pulmonaires. À un an de suivi, le taux de succès (absence de récidive d’arythmie atriale) est de 78 % (la méthode de dépistage de la FA n’est pas précisée dans la présentation). Le taux de complications est décrit sur la figure 2. Figure 2. Étude MANIFEST-PF. Résultats des données de sécurité. EI : effets indésirables   L’utilisation de l’électroporation est en train de se développer rapidement dans les centres de rythmologie du fait de la rapidité de procédure. La promesse de lésions d’ablation transmurales, pérennes et avec un risque minimal de complications doit être confirmé dans les futures études avec cette nouvelle technologie qui en est à ses débuts.   Ablation du syndrome de Brugada : l’essai BRUGADA_ randomized D’après C. Pappone, Milan, Italie   Le syndrome de Brugada est une maladie électrique héréditaire qui augmente le risque de mort subite par troubles de rythme ventriculaire graves. Il a été récemment montré que cette anomalie électrique était associée à la présence d’anomalies du substrat électrique sur le versant épicardique de l’infundibulum pulmonaire antérieur. L’ablation de cette zone électrique pathologique a été proposée pour traiter certains syndromes de Brugada avec troubles du rythme ventriculaire sévères. Chez ces patients, il a aussi été observé une négativation de la stimulation ventriculaire programmée ainsi que la disparition de l’aspect ECG de Brugada. Il s’agit d’une étude randomisée (2:1) prospective proposant à des patients présentant un syndrome de Brugada avec indication à l’implantation d’un DAI pour des troubles du rythme ventriculaire documentés : soit l’implantation du DAI seul ou la réalisation d’une ablation en plus de l’implantation du DAI. Au total, 37 patients ont été inclus : 14 dans le groupe DAI seul et 23 dans le groupe DAI + ablation.   Résultats (figure 3) Figure 3. Résultats de l’essai BRUGADA_randomized.   Le taux de complications liées à l’ablation était de 9 % avec 1 péricardite et 1 tamponnade. Sept patients (19 %) ont présenté une complication liée au DAI : choc inapproprié, infection ou dysfonctionnement de sonde.   PLAN MARSCHALL D’après T. Pambrun, Bordeaux, France   La stratégie d’ablation la plus appropriée pour les patients présentant une FA persistante est controversée. Jusque récemment, l’isolation électrique des veines pulmonaires (IVP) était la pierre angulaire de cette ablation. Dernièrement, une étude randomisée a montré la supériorité d’une stratégie basée sur l’ablation des complexes fragmentés de faible amplitude associée à des lésions linéaires passant par ces zones par rapport à l’IVP seule. L’étude PLAN MARSCHALL compare l’IVP seule avec la réalisation de lésions linéaires en plus de l’IVP : ligne du toit, ligne mitrale, isthme cavo-tricuspide et alcoolisation du ligament de Marschall. Les résultats préliminaires monocentriques de cette étude ont été présentés sur 117 patients analysés.   Résultats (figure 4) Figure 4. Résultats de l’étude PLAN MARSCHALL.   Un patient a présenté une fistule atrio-œsophagienne dans le groupe IVP seule et un hématome fémoral sévère dans le groupe avec lésions linéaires associées.   Délai entre le diagnostic de la fibrillation atriale et l’ablation D’après J. Kalman, Melbourne, Australie   Cette étude pose la question du délai d’intervention pour la réalisation d‘une ablation de FA par rapport au moment du diagnostic de la FA. Il a en effet été montré que si ce délai était supérieur à un an, le taux de récidive post-ablation était augmenté de 27 %. Dans cette étude prospective randomisée multicentrique (2 centres australiens), les patients étaient randomisés dans 2 groupes : ablation dans le mois suivant le diagnostic de la FA (paroxystique ou persistante) ou ablation à 12 mois du diagnostic avec traitement antiarythmique en attendant. Cent patients ont été inclus (52 dans le groupe ablation précoce et 48 dans le groupe ablation tardive). Le critère de jugement était la récidive de FA diagnostiquée par Holter de longue durée, Holter implantable ou système portable d’enregistrement ECG (AliveCor) en cas de symptômes, 12 mois après l’ablation. Les résultats de l’étude montrent que le taux de récidive d’arythmie atriale est similaire quel que soit le délai d’intervention (figure 5). Figure 5. Critère primaire de l’étude delayed vs. early ablation dans la FA.   Il n’y a pas non plus de différence significative concernant la charge en FA ou le taux d’utilisation des antiarythmiques. Il s’agit d’une étude avec un nombre de patients limité mais qui a le mérite d’être prospective et randomisée. Les auteurs concluent qu’il est donc possible d’attendre au moins 12 mois sous antiarythmiques avant de réaliser au moins l’ablation. Cependant, si le patient est bien contrôlé par les antiarythmiques, il n’est pas très logique d’effectuer tout de même l’ablation ?

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