Publié le 20 sep 2023Lecture 5 min
La scintigraphie cardiaque a encore toute sa place dans l’évaluation de la maladie coronaire chronique
Fabien HYAFIL, service de médecine nucléaire, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris
Devant des symptômes suspects de maladie coronarienne chronique, il est important de confirmer le lien entre sténose coronaire et ischémie myocardique pour sélectionner les patients qui bénéficieront d’un traitement médical anti-ischémique et d’une revascularisation coronarienne.
Rôle actuel de la scintigraphie cardiaque dans l’évaluation des patients coronariens
La scintigraphie cardiaque a bénéficié ces 15 dernières années d’importants progrès technologiques avec le développement de caméras dédiées à l’imagerie cardiaque qui, grâce à leur système de détection plus performant, ont permis de réduire de 30 à 50 % la durée des acquisitions ainsi que l’exposition aux rayonnements des patients atteignant actuellement des niveaux de 1 à 2 milli-Sieverts pour une imagerie de stress seule. La scintigraphie cardiaque est le seul examen d’imagerie permettant d’analyser la perfusion myocardique en association avec un test d’effort réalisé dans des conditions physiologiques. Le test d’effort apporte des informations importantes pour guider la prise en charge des patients coronariens : évaluation des symptômes du patient à l’effort et du niveau d’effort auxquels ils surviennent, détection de la présence de signes d’ischémie myocardique sur l’ECG, mise en évidence d’origines des symptômes du patients autres qu’une sténose coronaire (troubles du rythme à l’effort ou en récupération, dysfonction sinusale, HTA d’effort, etc.).
La scintigraphie cardiaque permet en complément des données de l’épreuve d’effort de confirmer la présence d’une réduction de la perfusion myocardique au pic de l’effort, de localiser et d’évaluer l’étendue du territoire ischémique, et d’identifier la présence d’une viabilité résiduelle dans les territoires infarcis. L’imagerie anatomique des coronaires est utile mais insuffisante pour confirmer l’origine ischémique des symptômes car seule la moitié des sténoses coronaires de plus de 50 % ont un retentissement hémodynamique sur la perfusion myocardique d’aval(1).
L’étude ISCHEMIA(2) a démontré que la revascularisation coronarienne améliore les symptômes des patients et non la mortalité cardiovasculaire comparativement à un traitement médical optimal. En revanche, l’introduction de traitements anti- ischémiques réduit les symptômes des patients et améliore leur qualité de vie, avec un bénéfice supérieur de la revascularisation coronarienne comparativement à un traitement médical optimal chez les patients les plus symptomatiques(1). Les informations fonctionnelles de l’épreuve d’effort et les résultats de l’imagerie de la perfusion myocardique en scintigraphie sont donc complémentaires pour identifier les patients avec une ischémie myocardique dont les symptômes pourront être améliorés par l’ajout de médicaments anti-ischémiques, et les patients avec les symptômes angineux les plus invalidants bénéficiant d’une revascularisation coronarienne.
Imagerie de la perfusion myocardique en tomographie par émission de positons (TEP)
La tomographie par émission de positons (TEP) est une technique d’imagerie offrant un signal plus élevé et une correction de l’atténuation tissulaire plus précise et robuste comparativement aux acquisitions scintigraphiques conventionnelles sur des gamma caméras. De nombreuses TEP ont été installées ces dernières années dans les services de médecine nucléaire du fait de l’utilisation croissante de cette technique d’imagerie pour guider la prise en charge des patients souffrant d’un cancer. Dans le domaine cardiologique, la TEP en association avec l’injection d’un sucre radiomarqué, le 18F-FDG, permet de détecter l’accumulation de cellules inflammatoires activées dans les tissus et a démontré son apport dans le diagnostic des endocardites infectieuses et des maladies inflammatoires (sarcoïdose, vascularite). L’utilisation de l’imagerie TEP dans la maladie coronarienne était jusqu’à présent limitée par la difficulté d’accès à des traceurs de perfusion myocardique adaptés. Les seuls traceurs disponibles jusqu’à présent étaient l’eau ou l’ammoniaque radiomarquées mais dont la synthèse nécessite un accélérateur de particules (cyclotron) installé à proximité de l’hôpital, ce qui n’est possible que dans quelques centres de recherche en France. En 2021, le Rubidium-82, un analogue du potassium capté dans les cellules myocardiques par la pompe Na/K ATPase comme le Thallium-201, a obtenu l’AMM en France comme traceur de perfusion myocardique pour la TEP. L’avantage du Rubidium-82 est d’être disponible à partir d’un générateur (un cylindre plombé de 20 cm contenant la source de Rubidium-82) qui peut être installé dans tous les services de médecine nucléaire et délivre ensuite à la demande une dose de traceur toutes les 10 minutes à l’aide d’un injecteur automatique. En raison de la demi-vie radioactive très courte du Rubidium-82, le signal myocardique a complètement disparu 10 minutes après l’injection. Il est donc possible d’enchaîner les acquisitions de repos et de stress et d’obtenir une imagerie complète de perfusion myocardique en moins de 30 minutes. La captation myocardique du Rubidium-82 peut être modélisée lors du premier passage du traceur offrant ainsi une quantification précise et robuste des flux sanguins myocardiques de repos, de stress et de la réserve de perfusion myocardique (ratio entre les flux de stress et de repos). La quantification de la réserve de perfusion myocardique est un outil précieux pour identifier la présence d’une ischémie myocardique équilibrée (figure 1), mais aussi pour mettre en évidence les atteintes microvasculaires cardiaques (figure 2). La TEP cardiaque de perfusion ouvre comme perspectives d’améliorer l’évaluation fonctionnelle du retentissement de la maladie coronaire dans des groupes de patients, pour lesquels les performances diagnostiques des tests diagnostiques existants sont souvent plus faibles, tels que les personnes obèses, les femmes et les patients avec une maladie coronaire diffuse, ainsi que de faciliter l’identification de causes microvasculaires à l’origine des symptômes de certains patients(3,4).
Figure 1. Détection de l’ischémie myocardique équilibrée avec la TEP de perfusion myocardique. La TEP permet d’obtenir acquisition des images de perfusion myocardique statique, synchronisées à l’ECG et une quantification de la perfusion myocardique au repos et sous stress pharmacologique. Sur les images de perfusion non synchronisées à l’ECG, on note une fixation homogène du traceur aux deux temps de l’examen avec toutefois des signes indirects de dysfonction VG sous stress (dilatation modérée du VG, renforcement du signal VD). Sur les acquisitions synchronisées à l’ECG, il existe une discrète diminution de la FEVG durant le stress pharmacologique. L’analyse quantitative de la perfusion myocardique permet de renforcer la suspicion d’ischémie myocardique équilibrée avec une réserve de perfusion myocardique inférieure à 1,5. La coronarographie confirme la présence de lésions tritronculaires sévères chez ce patient.
Figure 2. Détection des atteintes microvasculaires cardiaques avec la TEP de perfusion myocardique. Chez ce patient diabétique avec une atteinte rénale compliquée de macro-albuminurie, l’analyse qualitative de la perfusion myocardique met en évidence une captation homogène du traceur. L’analyse quantitative révèle une diminution globale de la réserve de perfusion myocardique (< 2,0) sans calcification coronaire sur le scanner évocatrice d’une atteinte microvasculaire cardiaque.
Liens d’intérêts : consultant pour Bracco Imaging, Naogen Pharma
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