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Congrès et symposiums

Publié le 15 oct 2023Lecture 5 min

Indications et facteurs de choix du traitement anticoagulant des ETEV

Michèle DEKER, Neuilly

Depuis 2019 avec la publication des recommandations ESC, les AOD sont recommandés en première intention dans le traitement aigu des événements thrombo-emboliques veineux (ETEV) pendant les 3 à 6 premiers mois. Les modalités du traitement prolongé et la place des anticoagulants oraux directs (AOD) sont discutées.

Toutes les sociétés savantes préconisent le même schéma thérapeutique en prévention des récidives d’ETEV. La mise en route du traitement dépend de la molécule choisie : – débuter par une HBPM et prendre le relais avec un AOD à J5-J10 : dabigatran 150 mg x 2/j ou 110 mg x 2/j ou edoxaban 60 ou 30 mg x 2/j ; – débuter par un AOD : apixaban 10 mg x 2/j la 1re semaine puis 5 mg x 2/j ou rivaroxaban 15 mg x 2/j pendant les 3 premières semaines, puis 20 mg/j pendant au moins 3 mois. Au bout de 3 mois, le traitement peut être poursuivi à la même posologie pour le dabigatran ou l’édoxaban, aux doses de 2,5 mg/j pour l’apixaban et 10 ou 20 mg/j pour le rivaroxaban. Chez les patients en surpoids, selon les recommandations ISTH 2021, il n’est pas nécessaire de modifier les doses de rivaroxaban ou d’apixaban. Il n’est pas non plus conseillé de vérifier régulièrement les taux d’anticoagulant.   Traitement de longue durée en pratique   Les guidelines ESC 2019(1) recommandent la poursuite à vie du traitement AVK chez les patients ayant un syndrome des anticorps antiphospholipides (SAAP) (Grade 1). La poursuite du traitement doit être envisagée chez les patients ayant un facteur de risque transitoire ou réversible, tout autre facteur de risque persistant ou en l’absence de facteur de risque (Grade 2A). Les guidelines Chest 2021(2) recommandent de poursuivre le traitement anticoagulant en l’absence de facteur de risque identifié (recommandation forte, niveau de preuve modéré). La décision de poursuivre le traitement au-delà de 3-6 mois nécessite de prendre en compte de nombreux facteurs : la présentation initiale (embolie pulmonaire ou périphérique, facteur de risque, âge et préférences du patient, antécédents d’ETEV, persistance des facteurs de risque, comorbidités telles qu’une maladie inflammatoire ou un trouble du rythme). Si l’événement index est une embolie pulmonaire, les récidives risquent d’être identiques. Le risque de récidive est assez élevé en l’absence de facteur ayant provoqué l’ETEV, et s’il s’agit d’un facteur de risque non chirurgical. La durée du traitement dépend du risque/bénéfice individuel du patient. La poursuite du traitement anticoagulant est recommandée : – chez les patients à haut risque de récidive : ETEV récidivant non lié à un facteur de risque transitoire ou réversible, SAAP (traité par AVK), cancer (traité par HBPM pendant les 6 premiers mois ; – chez les patients à risque intermédiaire : pas de facteur de risque identifié, facteur de risque persistant autre que le SAAP, facteur de risque mineur transitoire ou réversible. L’étude RE-SONATE avait comparé une prolongation de 6 mois du traitement par dabigatran (150 mg x 2/j) versus placebo chez des patients ayant présenté un ETEV, au-delà des 6-12 premiers mois(3). Les résultats en termes de récidive d’ETEV, décès lié à l’ETE ou inexpliqué sont en faveur de la poursuite du traitement (HR : 0,08 ; IC : 0,02-0,25, p < 0,001). Ce bénéfice est obtenu sans majoration du risque de saignement majeur mais au prix d’une augmentation des saignements (HR : 2,92 ; IC 1,52-5,60 ; p = 0,001). L’étude EINSTEIN-EXT avec le rivaroxaban 20 mg/j) a montré des résultats comparables(4). Dans l’étude AMPLIFY-EXT qui a évalué une extension du traitement par apixaban à la dose de 2,5 mg x 2/j pendant 1 an versus placebo, le bénéfice/risque du traitement est plus important : réduction du critère primaire d’efficacité de 76 % (RR = 0,24 ; IC 0,15-0,40 ; p < 0,0001), sans augmentation des critères de sécurité(5). Dans l’essai Apidulcis, chez des patients ayant présenté un ETEV non provoqué, la poursuite du traitement par apixaban 2,5 mg x 2/j au-delà de 12 mois a été décidée en fonction du taux de D-dimères contrôlé à l’arrêt du traitement puis après 15 j, 30 j et 60 j. Le traitement a été poursuivi chez les patients testés positifs, soit 60,9 %(6). L’essai a été interrompu en raison d’un taux élevé de récidives d’ETEV et de saignements majeurs chez les patients ayant arrêté le traitement et ce, malgré un taux bas de D-dimères. Le taux d’ETEV ou d’hémorragiques était très bas dans le groupe de patients ayant poursuivi le traitement par apixaban (0,56/100 patients-années et 0,37/100PA pour les récidives d’ETEV et les hémorragies, respectivement). L’étude a conclu que le dosage des D-dimères ne permet pas d’identifier les patients dont le traitement peut être interrompu sans risque.   Place des AOD chez les patients ayant un cancer   Les embolies pulmonaires sont la deuxième cause de décès (9 %) chez les patients cancéreux, à égalité avec les infections. Le traitement par HBPM est plus efficace que les AVK (RR = 0,56 ; IC : 0,43-0,74) ; le risque de saignements majeurs est légèrement augmenté (RR = 1,07). Malgré son efficacité, le traitement HBPM n’est pas toujours prescrit(7) ni poursuivi par les patients (à 6 mois, 20 % d’arrêts de traitements(8)), d’où l’intérêt d’explorer d’autres modalités de traitement. Dans l’étude HOKUSAI-VTE cancer comparant HBPM/édoxaban versus HBPM sur une durée de1an chez plus de 1000 patients, le premier a clairement montré sa non-infériorité sur le critère principal (récidive d’ETEV ou saignements majeurs) : HR = 0,97 ; IC : 0,70-1,36 ; p = 0,006 pour la non-infériorité(9). Les saignements majeurs sont plus fréquents sous traitement par édoxaban, essentiellement gastro-intestinaux, mais ils concernent essentiellement les patients ayant un cancer gastro-intestinal(10). Une deuxième étude, SELECT-D(11) comparant le rivaroxaban à la deltaparine confirme les résultats d’HOKU- SAI, en montrant un excès d’hémorragies majeures ou significatives sous rivaroxaban, particulièrement en cas de cancer de l’œsophage ou de l’estomac. L’apixaban a également été comparé à la deltaparine dans l’étude CARAVAGGIO et a montré sa supériorité en termes de récidives d’ETEV (HR = 0,63 ; IC : 0,37-1,07 ; p = 0,09 pour la supériorité), sans surcroît de saignements cliniquement significatifs (9 % vs 6 %) ni augmentation significative des saignements majeurs(12). Les saignements cliniquement significatifs observés chez les patients ayant un cancer gastro-intestinal du groupe apixaban concernaient principalement la sphère génito-urinaire ou les voies aériennes supérieures. La méta-analyse rassemblant les données des 6 essais comparant un AOD à une HBPM montre une réduction absolue de 2,7 % (-4 à -1,2) du risque de récidive d’ETEV et une augmentation absolue du risque de saignement majeur de 0,6 % (-0,7 à 2,5) sous AOD vs HBPM(13). Les dernières recommandations ESMO et ASCO mettent pratiquement à égalité les HBPM et les AOD (rivaroxaban, apixaban et édoxaban) à la phase aiguë et en traitement d’extension des ETEV chez les patients cancéreux, moyennant une surveillance accrue en cas de cancer des voies digestives ou urinaires. Le programme de développement d’apixaban en cancérologie se poursuit afin de comparer la sécurité d’emploi des doses de 2,5 mg x 2/j et 5 mg x 2/j en traitement prolongé après les 6-12 premiers mois dans les études EVE et API-CAT. D’après un symposium BMS/Pfizer avec la participation de M. Huisman, R. Bauersachs et G. Agnelli ESC 2023

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