Publié le 06 mar 2012Lecture 7 min
Insuffisance aortique et chirurgie
B. IUNG, Hôpital Bichat, Paris
Journées européennes de la SFC (I)
La session commune de la Société espagnole de cardiologie et de la Société française de cardiologie était consacrée à l’évaluation et au traitement de l’insuffisance aortique. Cette session a notamment traité des avancées concernant la chirurgie de conservation de la valve aortique.
Analyse échocardiographique et indications opératoires en cas de bicuspidie
A. Forteza, Madrid
La bicuspidie aortique est une cardiopathie congénitale fréquente, atteignant 0,5 à 2 % des enfants à la naissance avec une nette prédominance masculine. La fonction valvulaire est souvent normale durant les premières décennies, mais la présence d’une bicuspidie expose à une dysfonction valvulaire aortique plus fréquente et plus précoce chez l’adulte.
L’analyse échocardiographique des patients présentant une bicuspidie revêt une importance particulière à plusieurs titres :
Le diagnostic de bicuspidie est parfois difficile, il doit être effectué sur un orifice aortique en systole et permet de caractériser la bicuspidie en fonction du type de fusion entre les sigmoïdes aortiques.
La quantification de la régurgitation aortique ne diffère pas dans ses principes de la quantification sur un orifice aortique normal à trois sigmoïdes. La quantification doit intégrer différents types de mesures obtenues par l’échocardiographie Doppler, incluant si possible des mesures quantitatives (vena contracta, surface de l’orifice régurgitant et volume régurgitant) en s’assurant de leur cohérence.
L’analyse du mécanisme de la régurgitation aortique (défaut de coaptation, prolapsus ou restriction valvulaire) a des implications sur la possibilité d’effectuer une chirurgie réparatrice (figure 1).
Figure 1. Insuffisance aortique modérée excentrée en rapport avec un prolapsus sur valve bicuspide (haut : prolapsus valvulaire, bas : jet de régurgitation excentré).
La bicuspidie s’accompagne souvent d’une dystrophie valvulaire aortique à l’origine d’un anévrisme de l’aorte ascendante. La topographie de la dilatation de l’aorte ascendante (prédominance au sinus de Valsalva ou dans la portion tubulaire) est liée au type de fusion entre les sigmoïdes aortiques (figure 2).
Figure 2. Insuffisance aortique centrale minime sur bicuspidie associée à une dilatation de l’aorte ascendante dans sa portion tubulaire (supracoronaire).
L’étude de l’histoire naturelle de la bicuspidie aortique montre qu’elle expose à un taux de 24 % de remplacement valvulaire aortique à 20 ans, plus souvent en raison d’un rétrécissement aortique calcifié, plus rarement en raison d’une régurgitation aortique. La nécessité d’une chirurgie en raison d’une dilatation isolée de l’aorte ascendante est plus rare (5 % à 20 ans) et les complications pariétales aortiques aiguës sont rares.
L’échocardiographie peut-elle prédire la faisabilité d’une réparation valvulaire aortique ?
J.-L. Vanoverschelde, Bruxelles
L’analyse échocardiographique des critères de possibilité de conservation de la valve aortique s’est inspirée de l’analyse fonctionnelle décrite par Carpentier pour la valve mitrale. Dans cette approche, elle concerne l’anatomie et surtout la fonction valvulaire. Il importe d’analyser toutes les causes possibles de dysfonction afin de corriger chacune d’entre elles. À l’analyse de la valve proprement dite, doit être associée celle de la racine aortique dans ses différents diamètres : jonction entre la chambre de chasse du ventricule gauche et l’aorte (« anneau aortique »), sinus de Valsalva, jonction sino-tubulaire, portion tubulaire de l’aorte ascendante. L’analyse porte également sur les rapports entre la valve aortique (feuillets valvulaires et commissures) et la racine aortique.
Par analogie avec la valve mitrale, l’équipe médico-chirurgicale de Bruxelles a décrit trois types de dysfonction valvulaire aortique à l’origine d’une régurgitation :
• Type I : mouvement normal des sigmoïdes aortiques, la fuite étant en rapport avec un défaut de coaptation isolé.
• Type II : mouvement accentué des sigmoïdes aortiques, correspondant généralement à un prolapsus valvulaire.
• Type III : diminution de la mobilité des sigmoïdes aortiques (restriction), qui est souvent associée à des anomalies anatomiques caractérisées par un épaississement ou/et des calcifications valvulaires.
La comparaison avec les constatations opératoires a montré une bonne corrélation entre cette classification échocardiographique et l’analyse chirurgicale de la dysfonction valvulaire. La conservation de la valve aortique en cas de régurgitation, que ce soit sur un orifice bicuspide ou tricuspide, est souvent faisable dans les types I et II (> 90 % des cas) avec de bons résultats à moyen terme. En revanche, les dysfonctions de type III sont moins souvent accessibles à une chirurgie conservatrice (≤ 50 % des cas) et grevées de récidives de dysfonction valvulaires plus fréquentes à moyen terme. À 5 ans, la survie sans événement, en particulier sans réintervention, est ≥ 85 % pour les types I et II, alors qu’elle est d’environ 60 % pour les types III. La présence d’une valve bicuspide ou d’un syndrome de Marfan ne semble pas influer sur les résultats à moyen terme de la conservation de la valve aortique.
Même si l’échocardiographie permet d’améliorer la prédiction de la possibilité de conservation valvulaire et d’identifier les patients qui pourront bénéficier des meilleurs résultats, il convient de rappeler qu’il s’agit d’une chirurgie complexe qui doit être effectuée par des opérateurs ayant une expertise particulière.
Quand doit-on opérer une insuffisance aortique asymptomatique ?
A. Evangelista, Barcelone
Chez les patients asymptomatiques présentant une insuffisance aortique, les indications de chirurgie prophylactique sont justifiées par la prévention de la dysfonction ventriculaire gauche (VG) ou par la prévention des complications pariétales aortiques.
Indications en rapport avec le retentissement VG
L’insuffisance aortique chronique entraîne une surcharge volumétrique du VG qui est dans un premier temps un phénomène d’adaptation car elle permet de préserver le volume d’éjection systolique et de limiter l’augmentation des pressions de remplissage. En revanche, une dilatation VG excessive s’accompagne de modifications structurelles du myocarde et d’une altération irréversible de la fonction contractile. Plusieurs études d’histoire naturelle ont permis de démontrer la valeur pronostique de la dilatation et de la fraction d’éjection VG sur le risque de dysfonction VG et d’insuffisance cardiaque tardive après remplacement valvulaire aortique.
Initialement, les indications d’intervention ont été définies pour un diamètre télésystolique ≥ 55 mm ou pour une FEVG ≤ 50 %. Toutefois, le recours à des valeurs non indexées de diamètres ventriculaires gauches conduit à des indications trop tardives chez les patients de petite stature, en particulier les femmes. C’est la raison pour laquelle le seuil actuellement privilégié dans les recommandations européennes est un diamètre télésystolique de 25 mm/m² de surface corporelle.
En cas d’insuffisance aortique sévère, il est actuellement recommandé d’envisager une intervention chirurgicale en cas de FEVG < 50 % (recommandation de classe I), de diamètre télédiastolique > 70 mm ou de diamètre télésystolique > 25 mm/m² de surface corporelle (recommandations de classe IIa).
Comme pour toute recommandation, ces critères doivent être interprétés de façon individuelle en prenant en compte l’âge du patient, le risque opératoire et les possibilités de chirurgie conservatrice le cas échéant.
La quantification de la sévérité de l’insuffisance aortique évaluée par des mesures d’écho-Doppler quantitatives a également une valeur pronostique, mais pose le problème de sa reproductibilité. Ceci explique que la seule sévérité de la régurgitation aortique n’est pas actuellement un critère d’indication chirurgicale chez les patients asymptomatiques.
De même, d’autres méthodes d’évaluation de la dysfonction VG infraclinique ou de son retentissement ont été proposées : évaluation de la FEVG à l’effort, raccourcissement VG longitudinal, déformation globale ou taux sérique de BNP. Toutefois, ces méthodes n’ont pas été suffisamment validées sur des critères cliniques, ce qui explique qu’elles ne sont pas prises en compte dans les recommandations actuelles.
Indications en rapport avec une dilatation de l’aorte ascendante
Une indication d’intervention peut être retenue sur un critère de dilatation de l’aorte ascendante, indépendamment de la sévérité de l’insuffisance aortique, afin de prévenir les complications pariétales, principalement la dissection aortique. Ceci concerne les insuffisances aortiques du syndrome de Marfan, de la bicuspidie aortique ou de la maladie annulo-ectasiante (figure 3).
Une indication chirurgicale est recommandée dans tous les cas de figure, lorsque le diamètre maximal de l’aorte ascendante est > 55 mm.
L’intervention est indiquée pour un diamètre > 50 mm en cas de syndrome de Marfan ou de bicuspidie associée à des facteurs de risque.
Une intervention chirurgicale doit également être envisagée en cas de syndrome de Marfan lorsque le diamètre de l’aorte ascendante est > 45 mm et qu’il existe des facteurs de risque.
Les facteurs de risque concernent notamment les antécédents familiaux de dissection aortique et une progression rapide de la dilatation aortique.
Lorsque l’indication est retenue sur des critères de dilatation aortique, il est souhaitable d’obtenir des mesures cohérentes avec différentes techniques, en particulier l’échocardiographie et une technique d’imagerie de coupe (scanner ou imagerie par résonance magnétique).
Figure 3. Indications opératoires dans l’insuffisance aortique asymptomatiques. Recommandations ESC.
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