Coronaires
Publié le 06 mar 2012Lecture 9 min
Évaluation de l’ischémie et de la viabilité myocardique : l’IRM de stress est la meilleure méthode
J. GAROT, IRM Cardiovasculaire - ICPS, Hôpital Jacques Cartier, Massy
Journées européennes de la SFC (I)
La détection de l’ischémie myocardique est cruciale dans la prise en charge des patients coronariens ou ayant une insuffisance coronaire suspectée. Cette approche a l’avantage de préciser le retentissement fonctionnel des sténoses coronaires. Par la mise en évidence d’une ischémie myocardique et de son étendue, elle permet de mieux stratifier le pronostic et les indications de revascularisation. L’IRM de stress, non irradiante et sans danger, permet de préciser la localisation et l’extension d’une ischémie myocardique, tout en procurant des informations complémentaires nombreuses (anatomie cardiaque, fonction VG/VD, viabilité myocardique). Grâce à sa sensibilité pour l’imagerie de l’extension transmurale de l’infarctus, l’IRM est la méthode de référence pour l’étude de la viabilité.
Protocoles d’IRM de stress
IRM de perfusion
L’imagerie dynamique de perfusion permet l’étude du passage transmyocardique d’un agent de contraste (gadolinium) immédiatement après son injection, donnant accès à l’analyse de la perfusion myocardique. Le stress est obtenu par une injection lente de dipyridamole ou par une injection à débit constant d’adénosine.
La présence d’un hyposignal au sein d’un ou plusieurs segments myocardiques témoigne d’une anomalie de réserve de perfusion par rapport aux territoires sains (figure 1).
Figure 1. IRM de stress de perfusion lors du premier passage de gadolinium, 3 min après injection de dipyridamole chez un patient symptomatique ayant une épreuve d’effort sous-maximale. On note une zone d’hypoperfusion sous-endocardique au niveau de la paroi antéro-septo-apicale au cours du stress (flèches), témoignant d’une anomalie de réserve de perfusion myocardique. Sténose de l’IVA (flèche).
L’imagerie permet une couverture anatomique complète du VG avec une bonne résolution spatiale et temporelle. L’imagerie de rehaussement tardif est obtenue 10 min après l’injection de gadolinium, afin de déterminer la présence éventuelle et l’extension de foyers d’infarctus. L’examen est réalisé en une session unique de 30 min (ciné-IRM avant et après stress, imagerie de perfusion au cours du stress, rehaussement tardif).
Ciné-IRM sous dobutamine
Les images permettent une très bonne visualisation de l’endocarde sans agent de contraste. Plusieurs niveaux de coupes petit axe et grand axe sont acquis de base et sous doses croissantes de dobutamine (10 à 50 µg.kg-1.min-1, ± 1 mg d’atropine). Les mêmes coupes sont acquises à chaque palier de dose, toutes les 3 min. L’objectif est d’atteindre la fréquence maximale théorique ou à défaut > 85 % de la FMT. Les bêtabloquants sont arrêtés 48 h avant. L’examen se déroule sous surveillance rapprochée (communication orale, monitoring de la PA, de l’ECG, de la SaO2, visualisation des images ciné-IRM).
Le test est positif en cas d’apparition d’une nouvelle anomalie de cinétique segmentaire dans au moins deux segments myocardiques contigus (figure 2).
Il est négatif lorsqu’aux doses maximales de dobutamine et à > 85 % de la FMT, on ne met en évidence aucune anomalie de cinétique segmentaire. Aux premiers paliers, le recrutement des segments myocardiques dysfonctionnels permet d’analyser la réserve contractile comme marqueur de viabilité myocardique. Une réponse biphasique est fortement prédictive de l’amélioration fonctionnelle après revascularisation.
Figure 2. Images extraites de ciné-IRM de stress sous dobutamine en vue 2 et 4 cavités en fin de systole chez un patient présentant une BPCO, limité par une dyspnée d’effort. Notez l’apparition au cours du stress sous dobutamine d’une akinésie étendue antéro-septo-apicale (flèches) indiquant une ischémie dans le territoire de l’IVA. Le patient présentait une sténose de l’IVA proximale.
Valeur diagnostique
IRM de perfusion
La mise en évidence d’un défaut de perfusion myocardique a une sensibilité et une spécificité équivalentes à celles de la tomographie par émission de positons (90 % et 85 %, respectivement) pour le diagnostic d’insuffisance coronaire, avec la coronarographie comme référence(1). Une étude multicentrique internationale prospective randomisée a comparé l’IRM de perfusion et la scintigraphie (SPECT), chez 241 patients ayant une prévalence élevée d’insuffisance coronaire (77 %)(2). Si l’on compare l’efficacité diagnostique de l’IRM chez les patients ayant reçu 0,1 mmol/kg de gadolinium par rapport à la SPECT (n = 241), l’IRM a une meilleure valeur diagnostique (0,86 ± 0,06 vs 0,67 ± 0,05, p = 0,013, référence coronarographie). La performance de l’IRM est également supérieure chez les patients bi- ou tritronculaires (0,89 ± 0,06 vs 0,70 ± 0,05, p = 0,006) (figure 3). Il est logique d’enregistrer une moindre prévalence de faux négatifs en cas d’ischémie diffuse équilibrée, essentiellement en raison de la meilleure résolution spatiale que celle de la scintigraphie. Chez seulement 2,2 % des patients, les images n’ont pas la qualité diagnostique requise. Outre l’absence d’irradiation, l’IRM de perfusion n’est pas limitée par les artefacts d’atténuation et l’interprétation n’est pas rendue aléatoire en cas de BBG. Plus récemment, l’IRM de perfusion a été élégamment validée vs la FFR (Fractional Flow Reserve) qui représente la méthode invasive de référence pour déterminer le caractère fonctionnel ou non d’une sténose (gradient de pression trans-sténotique sous adénosine)(3).
Figure 3. IRM de stress de perfusion en vue petit axe chez un patient ayant des douleurs thoraciques d’effort et un BBG. Il existe un défaut de perfusion au niveau de 3 secteurs myocardiques distincts (flèches). Aucun foyer de rehaussement tardif, donc pas de séquelle de nécrose (image non montrée). Le patient présentait une atteinte tritronculaire à la coronarographie.
Ciné-IRM sous dobutamine
Sur 200 patients étudiés à la fois par échocardiographie de 2e harmonique et par IRM, la faisabilité de l’IRM est proche de 100 %, avec une imagerie robuste et de bonne qualité, alors qu’environ 10 % des patients ont une qualité d’images échocardiographiques insuffisante(4).
L’IRM a une valeur diagnostique supérieure en se référant à la coronarographie (sensibilité et spécificité pour l’IRM de 86 % et 86 %, 74 % et 70 % pour l’échocardiographie), avantage attribué à la robustesse de la technique, la qualité des images, l’excellent contraste entre le sang et le myocarde, et la possibilité d’obtenir une meilleure couverture anatomique du VG.
L’IRM a une meilleure reproductibilité interobservateur et reste validée au décours d’un geste de revascularisation(5). Contrairement à l’échocardiographie, l’IRM de stress (perfusion ou dobutamine) conserve une très bonne valeur diagnostique pour l’ischémie latérale chez les patients présentant une sténose de la circonflexe (figures 4 et 5).
Figure 4. IRM de stress de perfusion, en vue petit axe et 4 cavités, chez un patient symptomatique. Notez l’anomalie de la réserve de perfusion myocardique au niveau de la paroi inféro-latérale et latérale basale et médiane. L’anomalie concerne 4 segments myocardiques/17 ; le patient a bénéficié d’une angioplastie de la CX proximale, siège d’une sténose serrée (flèche).
Figure 5. Même patient que figure 4. Notez l’apparition d’une anomalie de cinétique segmentaire au niveau de la paroi latérale basale et médiane, traduisant une ischémie myocardique latérale (flèches).
Faisabilité, sécurité
Sur 1 000 patients consécutifs étudiés par ciné-IRM sous dobutamine, le taux de succès de l’examen est élevé (996 cas/1 000)(6). Seuls 4/1 000 patients n’ont pu bénéficier de l’IRM, en raison de l’impossibilité d’obtenir un tracé ECG de qualité suffisante. Il n’y a eu aucun décès. Un patient a présenté une TV soutenue, 4 une TV non soutenue, 16 une fibrillation auriculaire, et 2 un BAV du second degré. Ainsi, en respectant les consignes de surveillance, cet examen peut être réalisé dans les mêmes conditions de sécurité que l’échocardiographie de stress avec environ 1 évènement grave pour 1 000 examens.
L’IRM de perfusion au cours du stress est rapide et bien tolérée (1 évènement cardiaque sévère tous les 5 000 examens), et permet en une seule séance de 30 min l’analyse de la fonction cardiaque, l’imagerie de perfusion au cours du stress et la détection de la viabilité myocardique. La faisabilité est excellente, essentiellement limitée aux réactions anxieuses claustrophobiques (1 % des cas dans les aimants larges). Les effets secondaires sont transitoires et peuvent être amendés rapidement par l’aminophylline.
Valeur pronostique
Parmi 112 patients ayant une ciné-IRM sous dobutamine négative, 98,2 % ont un excellent pronostic, sans évènement majeur à 18 mois(7). Bodi et coll. ont étudié la valeur pronostique de l’IRM de perfusion sous dipyridamole chez 420 patients(8). La survenue d’évènements cardiaques majeurs à 18 mois (décès d’origine cardiaque, infarctus non fatal, hospitalisation pour syndrome coronaire aigu) est plus fréquente en cas d’anomalies de la fonction VG au repos (22 vs 5 %), d’apparition de nouvelles anomalies fonctionnelles au cours du stress (21 vs 4 %), de déficit de perfusion au cours du stress (17 vs 5 %), et de présence de rehaussement tardif (20 vs 6 %, p < 0,0001). Chez 513 patients étudiés par IRM de stress, la survie sans évènement est de 99,2 % à 3 ans chez les patients ayant un examen négatif(9).
En analyse multivariée, la présence d’une ischémie au cours du stress est un facteur prédictif indépendant de survenue d’évènement cardiovasculaire majeur (décès d’origine cardiaque et infarctus non fatal).
La détection d’une ischémie en IRM de stress comporte une valeur pronostique ajoutée comparativement aux facteurs de risque et à la présence d’une anomalie de fonction VG au repos. La valeur pronostique de l’IRM de perfusion sous adénosine est également démontrée chez des patients admis aux urgences pour syndrome douloureux thoracique, un électrocardiogramme non diagnostique, et sans élévation de troponine(10).
Imagerie de l’infarctus – Rehaussement tardif
L’IRM de stress ne peut être dissociée de l’imagerie de rehaussement tardif à la recherche d’un ou plusieurs infarctus du myocarde, parfois méconnus. Cette imagerie haute résolution de l’infarctus, très sensible, permet la détection de petits infarctus non transmuraux(11), avec une supériorité par rapport aux méthodes scintigraphiques pour la détection des nécroses sous-endocardiques(12). Ces infarctus ne sont souvent détectables ni sur l’ECG, ni par l’analyse de la fonction segmentaire.
Chez des patients ayant une suspicion d’insuffisance coronaire, sans antécédent documenté d’infarctus, la présence d’une cicatrice de nécrose en IRM de contraste confère un pronostic défavorable(13).
La présence d’un rehaussement tardif, même d’étendue limitée, procure des informations pronostiques sur la survenue d’évènements cliniques majeurs et sur la mortalité cardiaque, au-delà des facteurs prédictifs usuels cliniques, angiographiques et de fonction VG. Par la détermination précise de la taille de la nécrose, l’IRM permet de stratifier le risque et de déterminer le pronostic en postinfarctus. La technique est admise comme méthode de référence (classe I) pour la détection de la viabilité myocardique en cas de dysfonction VG chronique d’origine ischémique.
Quelles sont les bonnes indications de l’IRM de stress ?(14)
Comme toute technique d’imagerie couplée à une épreuve de stress, l’IRM de stress est une méthode de 2e ligne, chez des patients symptomatiques, à risque intermédiaire ou élevé, lorsque l’épreuve d’effort ne permet pas de conclure (sous-maximale, litigieuse) ou est irréalisable. Les situations pour lesquelles l’épreuve d’effort est non contributive sont nombreuses : impossibilité d’atteindre la fréquence cardiaque cible, les contre-indications à l’épreuve d’effort, l’artéritique ou les problèmes orthopédiques, les cas de lecture difficile ou impossible du segment ST de l’ECG.
L’IRM de stress peut être réalisée chez un patient porteur d’une sténose coronaire (scanner, coronarographie) dont la signification fonctionnelle n’est pas connue, afin de définir la nécessité ou non d’une revascularisation.
Elle peut être recommandée pour le suivi des patients coronariens symptomatiques, ayant un antécédent d’angioplastie et/ou de pontages aorto-coronaires, la valeur diagnostique de l’épreuve d’effort étant moindre chez ces patients. Les stents endocoronaires et les valves cardiaques ne gênent pas la réalisation ni l’interprétation.
Elle l’est également lorsque les résultats d’une autre technique d’imagerie sont litigieux.
L’IRM de stress présente un intérêt diagnostique et pronostique chez les patients ayant un diagnostic compatible de syndrome coronaire aigu, sans modification du ST et sans élévation de troponine. De manière unique, elle permet le diagnostic différentiel parfois difficile avec la myocardite. Elle permet de stratifier le risque préopératoire avant les chirurgies non cardiaques chez des patients à risque.
Les données scientifiques récentes renforcent la place de l’IRM, qui peut être réalisée en routine clinique dans les centres entraînés et avec un plateau technique disponible(14).
Limites
Elles sont essentiellement liées à sa faible disponibilité et aux réactions claustrophobiques qui peuvent survenir chez environ 2-3 % des patients.
Les contre-indications strictes à l’IRM sont : éclat métallique intra-oculaire, clip chirurgical d’anévrysme intracérébral, système électronique implanté, défibrillateur. La présence d’un pace-maker représente une contre-indication relative et implique la mise en œuvre de précautions particulières.
L’IRM de stress est une technique performante pour la détection de l‘ischémie myocardique. Sans irradiation et sans agent de contraste iodé, la méthode permet l’analyse concomitante de la morphologie, la fonction et la viabilité myocardique. Elle précise la localisation et l’étendue de l’ischémie, avec un impact considérable sur la décision de revascularisation (recommandations de l’ESC sur la revascularisation myocardique) et d’évidentes implications pronostiques.
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