Valvulopathies
Publié le 20 mar 2012Lecture 7 min
Comment opérer une valvule aortique ?
P. DONZEAU-GOUGE, Hôpital Privé Jacques Cartier, Massy
Dans l’article, au titre identique, que j’avais écrit en 1985 pour le 1er numéro de Cardiologie Pratique et qui faisait suite à celui rédigé par F. Guérin « Sur quels critères opérer un rétrécissement aortique calcifié ? », la problématique était simple. Cette chirurgie se faisait systématiquement sous CEC et consistait à remplacer la valvule aortique par une prothèse mécanique ou par une bioprothèse. Cette chirurgie de remplacement valvulaire aortique sous CEC représentait 30 % de l’activité d’une unité de chirurgie cardiaque adulte. Vingt-sept ans plus tard, elle représente 40 % de cette activité et le type de chirurgie pratiquée est beaucoup moins uniciste pour trois raisons essentielles :
- la mise en place du substitut valvulaire peut-être maintenant réalisée sans CEC, par implantation transcathéter (TAVI) ;
- le choix du substitut valvulaire ne se limite plus aux seules prothèses mécanique et biologique stentées ;
- le remplacement valvulaire est actuellement associé dans 30 à 35 % des cas à une chirurgie coronaire, aortique, carotide ou sous-valvulaire aortique.
Remplacement valvulaire aortique avec ou sans CEC
Lorsque le bilan a conclu à un rétrécissement valvulaire aortique serré (surface aortique < 1 cm² ou < 0,6 cm²/m², gradient moyen transvalvulaire aortique > 40 mmHg, vélocité max > 4 m/s) et symptomatique (dyspnée et/ou angor et/ou syncope d’effort), on apprécie le risque opératoire d’une chirurgie conventionnelle à l’aide de l’Euroscore logistic ou du STS risk calculator. Si l’Euroscore est ≥ 20 % ou le STS score ≥ 10, on envisage l’implantation de la bioprothèse sans CEC, de même que s’il existe des conditions anatomiques défavorables : aorte ascendante massivement calcifiée dite « porcelaine », thorax hostile en raison de déformations thoraciques majeures ou de lésions cutanées radiques sévères, ou encore en cas d’antécédents de médiastinite ou de pontages coronaires.
On envisage de première intention – si les conditions anatomiques le permettent – de mettre en place la bioprothèse par voie artérielle fémorale ou sous-clavière rétrograde (figure A). Si les conditions anatomiques ne le permettent pas, on utilisera la voie apicale ventriculaire gauche ou celle de l’aorte ascendante.
A. Bioprothèse péricardique transcathéter (TAVI) (SAPIEN-EDWARDS). B. Bioprothèse péricardique standard (PERIMOUNT – EDWARDS). C. Bioprothèse péricardique ministent (MITROFLOW-SORIN). D. Prothèse mécanique à double ailettes intra-annulaire (BICARBON F-SORIN).
Choix du substitut valvulaire
En 1985, la chirurgie des valvulopathies aortiques acquises consistait essentiellement à mettre en place sous CEC une prothèse mécanique ou une bioprothèse ; 27 ans plus tard les choix thérapeutiques se sont diversifiés. Ainsi, dans certains cas d’insuffisance valvulaire aortique, des équipes se sont spécialisées dans une chirurgie reconstructrice au niveau des sigmoïdes.
On attend que les résultats à moyen et à long termes viennent confirmer les bons résultats initiaux.
Au-delà de ces cas particuliers, le choix d’un substitut valvulaire aortique dans les valvulopathies acquises de l’adulte sera centré sur celui de l’utilisation d’une prothèse mécanique ou biologique. Si en 1985 cette problématique se résumait à tenir compte de l’âge des opérés et de la nécessité ou non de suivre et de surveiller un traitement anticoagulant, en 2012, la problématique s’est enrichie d’autres considérations à la lumière de l’expérience tirée des séries chirurgicales et de l’évolution des techniques.
C’est ainsi que l’on a constaté que :
– les bioprothèses en position aortique ont une dégénérescence (calcifications, déchirures paracommissurales) plus tardive, du fait d’une contrainte diastolique, qu’en position mitrale où s’exerce une contrainte systolique ;
– la dégénérescence des bioprothèses est d’autant plus tardive que les patients sont plus âgés lors de l’implantation initiale ;
– il est préférable de mettre une bioprothèse à une jeune femme souhaitant une grossesse en raison des difficultés du traitement anticoagulant ;
– l’insuffisance rénale n’est plus une contre-indication absolue à l’utilisation d’une bioprothèse. Au contraire, chez les patients dialysés, dont l’espérance de vie est réduite ;
– le risque de réintervention pour remplacement de bioprothèse dégénérée est d’autant moins élevé et identique au risque d’une primo-implantation, quand l’intervention soit programmée « à froid » ;
– le développement des techniques sans CEC (TAVI), notamment de quelques séries « valve dans valve », permettent d’espérer que cette technique supplante les ré-interventions classiques pour dégénérescence.
Toutes ces évolutions ont contribué à enrichir la discussion entre patient, cardiologue et chirurgien à tel point qu’est apparue dans les recommandations des sociétés savantes européennes et nord-américaines la notion de « choix du patient correctement informé ».
On voit ainsi que l’âge et que la nécessité éventuelle de suivre et de pouvoir contrôler l’efficacité d’un traitement anticoagulant restent des éléments importants de la discussion mais que ce ne sont plus les seuls.
Après avoir choisi le type de prothèse, mécanique ou biologique, un nouvel élément va venir enrichir la discussion du choix de la prothèse. La notion de discongruence (mismatch) qui peut exister entre la surface orificielle effective indexée de la prothèse (EOAi) et celle de l’orifice aortique optimal du patient appréciée selon sa surface corporelle. C’est pour cela que les constructeurs et les opérateurs ont fait évoluer l’architecture des prothèses valvulaires et leur mode d’implantation.
C’est ainsi que les bioprothèses porcines de première génération ont laissé place à des bioprothèses plus hémodynamiquement performantes. Puis sont apparues les bioprothèses péricardiques dont on a pris soin d’assembler des feuillets de même épaisseur (figure B) renforcés au niveau des picots pour éviter les déchirures dans les prothèses de deuxième génération. On a aussi amélioré le traitement du tissu animal afin de retarder la dégénérescence du tissu biologique.
Ainsi, les bioprothèses péricardiques de 3e génération ont, dans les séries françaises les plus anciennes, un taux de réintervention de 5 % à 20 ans en position aortique chez les opérés de ≥ 70 ans.
En plus des améliorations apportées dans la préparation du tissu biologique, l’architecture globale de la bioprothèse a évolué et aux collerettes standard des années 80 ont succédé des bioprothèses sans stent (« stentless ») ainsi que des bioprothèses mini-stentées (figure C). À calibre identique, les bioprothèses mini-stentées ont gagné en surface orificielle effective ce qu’elles ont perdu en encombrement lié au stent. Cette amélioration du design du stent a aussi été étendue aux collerettes des prothèses mécaniques qui sont maintenant essentiellement à ailettes (figure D), et aux performances hémodynamiques supérieures.
Cette amélioration de l’architecture des prothèses (mécanisme et collerette) s’est aussi accompagnée d’une modification dans la technique d’implantation des prothèses.
C’est ainsi que, dans les petits anneaux aortiques, afin d’utiliser l’intégralité de la surface anatomique utile de l’orifice natif, les prothèses sont implantées en position supra-annulaire plutôt qu’en position intra-annulaire. Le design de la collerette de certaines prothèses en tient compte.
Enfin, dans les petits anneaux aortiques l’élargissement de la voie d’éjection à l’aide d’une plastie ventriculo-aortique par un patch prothétique losangique qui permet de mettre en place une prothèse d’une voire de deux tailles supérieures à celle de l’anneau natif.
Ainsi en 2012, le choix du substitut valvulaire et son mode d’implantation est le résultat d’une discussion à laquelle participent cardiologue, opéré et chirurgien.
Chirurgies associées au remplacement valvulaire aortique dans le RAC
Si en 1985 la chirurgie du RAC était essentiellement isolée, depuis et en raison de l’augmentation de l’espérance de vie des patients, des progrès de la chirurgie valvulaire dans ses différentes composantes (anesthésie, CEC et protection myocardique, techniques chirurgicales et de réanimation), les patients opérés sont de plus en plus âgés avec des atteintes artérielles associées des coronaires, des carotides, de l’aorte ascendante qui sont plus évoluées et plus fréquentes. Si bien qu’actuellement 30 à 35 % des opérés de RAC bénéficient d’une chirurgie associée de revascularisation coronaire, d’endartériectomie carotide – dans le même temps opératoire ou en deux temps – ou encore de chirurgie de l’aorte ascendante. Cette dernière est plus fréquente en cas de bicuspidie aortique et l’aorte tubulaire est remplacée quand son diamètre atteint ou dépasse 43-45 mm. Cette chirurgie consiste alors en un remplacement de la valve aortique associé à celui du segment tubulaire, sus-coronaire, de l’aorte ascendante. Si l’aorte au niveau des sinus de Valsalva est dilatée avec des ostia coronaires ascensionnés, on procède alors à un remplacement complet de l’aorte ascendante selon l’intervention de Bentall avec la modification apportée par Kouchoukos qui consiste à réimplanter les ostia coronaires à l’aide de deux boutons aortiques.
En pratique
La chirurgie du rétrécissement aortique calcifié est passée de 1985 à 2012 d’une chirurgie isolée qui consistait le plus souvent à mettre en place sous CEC une prothèse standard mécanique ou biologique à une chirurgie associée 1 fois sur 3 à une revascularisation coronaire, à une endartériectomie carotide, au remplacement partiel ou total de l’aorte ascendante ou à une myectomie septale sous-annulaire. Le geste valvulaire fait appel le plus souvent à un substitut valvulaire mis en place avec ou sans CEC.
Quand un remplacement valvulaire est réalisé, la nature du substitut (prothèse mécanique ou biologique, homo- ou autogreffe) et le type de prothèse utilisée (stentée ou non, avec stent standard ou mini) dépend de considérations anatomiques mais aussi d’une discussion entre le cardiologue, le chirurgien et tient compte du choix du patient correctement informé.
Quant aux résultats, ils se sont améliorés malgré la gravité croissante des opérés, puisque la mortalité hospitalière des remplacements valvulaires aortiques selon la base de données EPICARD de la Société Française de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, est actuellement de 2,9 % pour les remplacements valvulaires aortiques isolés (5 384 opérés) et de 4,9 % pour les remplacements valvulaires aortiques associés à une revascularisation coronaire (1 944 opérés).
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