Publié le 22 mai 2012Lecture 5 min
Plaidoyer pour l’automesure de l’INR
M.M. SAMAMA (Laboratoire Biomnis), K. AZARNOUSH (CHU de Clermont-Ferrand), L. DROUET (Hôpital Lariboisière, Paris), D. LASNE (Hôpital Necker, Paris), P. AMEDRO (CHU de Montpellier)
Depuis plusieurs années, de nombreux pays nord-américains et européens ont adopté la surveillance de l’anticoagulation orale par le patient lui-même, grâce à des dispositifs d’automesure (DAM) de l’INR, associée à une promotion active de l’éducation thérapeutique aux AVK.
En France, avec de nombreuses années de retard, la situation de l’automesure de l’INR s’est débloquée chez l’enfant et a toujours beaucoup de mal à être reconnue et utilisée chez l’adulte même après la première étude prospective randomisée chez l’adulte porteur de prothèse valvulaire mécanique cardiaque réalisée au CHU de Clermont-Ferrand (Azarnoush et al., J Heart Valve Dis. 2011 Sep;20(5):518-25). Cette étude a confirmé d’une part la faisabilité et la fiabilité de l’automesure en France et a montré d’autre part une baisse significative des accidents thromboemboliques et hémorragiques dans le bras automesure. La méthodologie de cette étude a servi à la réalisation d’une étude médico-économique multicentrique dont les résultats devraient être connus sous peu. Ces études confirment qu’il n’y a pas d’exception française en matière de suivi des patients sous AVK, permettant d’espérer un remboursement chez l’adulte afin de réduire la morbidité et la mortalité liées à la prise d’un anticoagulant oral.
Ainsi nous rapprocherions-nous de pays qui, comme l’Allemagne, nous montrent l’exemple en ayant développé et organisé l’automesure de l’INR des patients sous AVK depuis plus de dix ans. L’organisation dans les pays où elle est largement adoptée démontre que l’utilisation de l’automesure est simple, sécurisée quand elle bien encadrée, mais elle montre aussi qu’elle ne peut pas s’appliquer à tous les patients. Mais ceux qui sont aptes et volontaires peuvent, dans un système bien organisé, en tirer un véritable bénéfice médical et de qualité de vie.
Toutefois, l’éducation du patient, qui progresse en France, en est le complément incontournable. A cet effet plusieurs centres français dont le CREATIF (Centre de Référence et d’Education aux Antithrombotiques d’Ile de France, Hôpital Lariboisière Paris), le réseau GRANTED à Grenoble et l’équipe du CHU de Clermont-Ferrand proposent aux patients qui en font la demande des séances d’éducation et de formation à l’utilisation des DAM. Il reste à perfectionner enfin le contrôle de qualité de l’automesure, un objectif qui fait intervenir non seulement les fabricants, mais également et surtout le patient lui-même. S’ouvrir à l’automesure, à l’heure où de nouveaux types d’anticoagulants par voie orale commencent à être prescrits, n’est pas une attitude retardataire. Il est évident que l’alternative AVK perdurera et sera même la seule dans certaines conditions pendant encore de nombreuses années. Chez ces patients l’option de l’automesure qui optimise le traitement AVK doit pouvoir leur être proposée.
Automesure de l’INR en pédiatrie
Chez l’enfant, l’automesure de l’INR a été introduite en juillet 2008, grâce au travail conjoint des associations de patients (www.avkcontrol.com) et des sociétés savantes (filiale de cardiopédiatrie de la Société Française de Cardiologie, Groupe d’Hémostase de la Société Française d’Hématologie) qui ont permis d’obtenir le remboursement des (DAM) et de leurs consommables pour les enfants de moins de 18 ans ayant des indications aux AVK cardiologiques et extra cardiologiques au long court.
Les indications des AVK en pédiatrie sont rares par rapport à l’adulte mais en constante augmentation (prothèse mécaniques, dérivations cavo-pulmonaires, anévrysmes artériels de la maladie de Kawasaki, cardiomyopathies, thromboses veineuses ou artérielles).
L’arrêté du 24 juin 2008 impose avant toute prescription du DAM qu’une formation de l’enfant et/ou d’un membre de son entourage soit assurée par un service de cardiologie pédiatrique, dit « service référent pour l’automesure de l’INR », lequel doit en particulier disposer d’une astreinte téléphonique 24 h/24 h.
Standardisée dans tous les services référents, la formation initiale du patient et de sa famille consiste en une éducation théorique aux AVK et au remplissage du carnet de suivi d’une formation pratique à l’autopiqûre et à l’utilisation du DAM, puis d’un contrôle des connaissances théoriques et pratiques. Par la suite, une formation continue à 3 mois puis tous les 6 mois est également réalisée par le service référent pour le renouvellement de la prescription des bandelettes.
Les familles s’engagent à respecter le rythme des mesures indiqué par le médecin référent (tous les 15 jours en période d’équilibre, plus fréquemment à l’initiation du traitement ou en cas de déséquilibre) et à lui communiquer le résultat de l’INR le jour même afin qu’il leur indique la posologie d’AVK et la date du prochain contrôle.
Le Centre de référence des malformations cardiaques congénitales complexes (Hôpital Necker, coordonnateur : Damien Bonnet) suit actuellement 120 enfants disposant d’un CoaguChek XS avec une grande satisfaction des familles. Le remboursement du CoaguChek XS, initialement accordé pour 3 ans, a été prolongé pour une période de 4 ans (arrêté ministériel du 4 janvier 2012).
L’expérience du CHU de Montpellier
Depuis 2008, parallèlement à la publication de l’arrêté sur les DAM, le CHU de Montpellier a mis en place un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) aux AVK et à la surveillance de l’INR chez l’enfant par DAM. À ce jour, une quarantaine d’enfants ont été inclus dans ce programme avec CoaguChek XS. Les familles des enfants sous AVK avant la mise en place de ce programme ont tous souhaité bénéficier d’une surveillance par DAM et leur taux de satisfaction est très élevé.
Un projet hospitalier de recherche clinique conduit par l’équipe montpelliéraine est en cours pour évaluer les bénéfices de ce programme ETP en terme d’équilibre de l’INR, de complications liée aux AVK, d’évaluation de la qualité de vie et de performances médico-économiques.
En 2010 ont été publiés les textes d’application de la loi HPST relatifs à l’éducation thérapeutique du patient, désormais inscrite officiellement dans le parcours de soins. À ce titre, le programme « éducation thérapeutique aux AVK et à l’automesure de l’INR en pédiatrie » a été accrédité par l’agence régionale du Languedoc-Roussillon (Pascal Amédro, cardiopédiatre coordonnateur).
Se pose désormais le problème des adultes sous AVK, en particulier les cardiaques congénitaux, qui connaissent l’existence et les bénéfices des DAM et souhaitent en bénéficier. L’accès au programme ETP leur est évidemment possible (5 adultes porteurs de cardiopathie congénitale complexe ont bénéficié de ce programme ETP) mais l’absence de remboursement du dispositif et des bandelettes par la CPAM pose un problème pour ceux qui n’ont pas les moyens d’une telle dépense. Enfin, les adolescents bénéficiant déjà d’un DAM expriment leur satisfaction d’une autonomisation dans la gestion de leur maladie chronique et vivent mal l’arrêt du remboursement des bandelettes le jour de leur 18 ans…
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