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Coronaires

Publié le 22 avr 2012Lecture 10 min

Antiplaquettaires oraux et maladie coronaire : des évolutions ou des révolutions ?

T. CUISSET, J. QUILICI CHU de la Timone, Marseille

Les traitements antiplaquettaires représentent la pierre angulaire du traitement de la maladie coronaire, en particulier chez les patients bénéficiant de l’implantation de stents. Ces dernières années ont été marquées par une littérature abondante sur le sujet, avec la naissance de nouveaux concepts (parfois aussitôt remis en cause…) et l’arrivée de nouvelles molécules. Cet article a pour objectif de faire le point sur les grandes questions actuelles concernant les traitements antiplaquettaires des patients coronariens en intégrant les données de la littérature récente.
Les quatre points qui nous paraissent essentiels à aborder sont la durée de la bithérapie après stent actif, la place des nouvelles molécules, l’intérêt des tests fonctionnels ou génétiques, et enfin la problématique de l’adhésion thérapeutique.

Quelle doit être en 2012 la durée de la bithérapie antiplaquettaire avec les nouveaux stents actifs ?   Avant d’aborder ce problème, il est capital de prendre en compte le contexte clinique dans lequel le stent est implanté. En effet, un patient implanté pour un syndrome coronaire aigu (SCA) recevra une bithérapie pendant 1 an quel que soit le type de stent implanté. En revanche, lorsqu’un stent actif est implanté dans un contexte de maladie coronaire stable, le débat reste ouvert. Cette question est largement discutée depuis plus de 5 ans car le retard d’endothélialisation des stents actifs a été relié à un risque accru de thrombose tardive (> 1 mois) et très tardive (> 1 an). Le signal d’alarme (excessif ?) lors du congrès de l’ESC en 2006 a débouché, d’une part, sur une diminution de l’utilisation des endoprothèses actives et, d’autre part, sur une durée de bithérapie prolongée.   En effet, dans les suites de ces constatations, les sociétés savantes européennes et américaines ont allongé la durée recommandée de bithérapie après stent actif à « au moins 12 mois », certains auteurs allant même jusqu’à suggérer un traitement à vie. Toutefois, l’incidence accrue de thromboses tardives avec les stents actifs ne signifiait pas que la bithérapie prolongée allait annuler ce risque, mais le dogme du « au moins 1 an » était alors en vigueur. Récemment, des données de registres ont évalué le lien entre l’arrêt des antiplaquettaires et la survenue de thromboses de stent actif. Ces registres ont montré de façon constante que le lien était très marqué dans les 6 mois suivants l’implantation, mais non significatif ensuite. Toutefois, ces données de registres devraient être confirmées dans des essais randomisés.   Des études récemment présentées (PRODIGY) ou publiées (EXCELLENT) ont comparé des durées courtes de bithérapie antiplaquettaire (6 mois) à des durées prolongées (12 mois dans EXCELLENT et 24 mois dans PRODIGY).   L’étude EXCELLENT, étude de non-infériorité, a randomisé 1 443 patients ayant reçu un stent actif entre 6 ou 12 mois de bithérapie antiplaquettaire. Cette étude, bien que probablement sous-dimensionnée, concluait à la non-infériorité d’une bithérapie courte de 6 mois, en dehors de patients à haut risque comme les diabétiques.   Dans l’étude PRODIGY, 1 970 patients étaient randomisés après stent actif entre 6 et 24 mois de bithérapie antiplaquettaire. Cette étude n’a pas montré de bénéfice d’un traitement prolongé mais, en revanche, un excès de complications hémorragiques.   D’autres études, également en cours, apporteront sans doute une réponse définitive quant à la durée optimale de la bithérapie antiplaquettaire après stent actif (ARCTIC, ISAR-SAFE, ITALIC, OPTIDUAL, etc.). En conclusion, depuis les données et les réactions sans doute excessives du congrès de Barcelone en 2006, les données de la littérature venant de registres ou d’essais randomisés sont plutôt rassurantes et l’évolution actuelle semble aller dans le sens du raccourcissement de la durée de la bithérapie après stent actif chez les patients stables. De plus, depuis 2006, les stents actifs disponibles ont été considérablement améliorés (taille des mailles, plateforme, polymère, etc.) et associés à des taux de thromboses précoces et tardives inférieurs aux stents actifs de première génération, ce qui plaide également en faveur d’un raccourcissement des traitements associés.   Comment utiliser les nouvelles molécules dans les SCA ?   Depuis, l’étude CURE au début des années 2000, l’association aspirine et clopidogrel représentait le gold standard dans le traitement du SCA. Ces dernières années ont été marquées par l’arrivée de deux nouvelles molécules, testées avec succès en comparaison au clopidogrel dans les SCA, le prasugrel dans l’étude TRITON-TIMI 38 et le ticagrélor dans l’étude PLATO. Le prasugrel, de la famille des thiénopyridines, a démontré dans l’étude TRITON un bénéfice ischémique avec 19 % de réduction du critère décès, infarctus (IDM) et accident vasculaire cérébral (AVC) au prix d’une augmentation des accidents hémorragiques. Le ticagrélor, appartenant à une nouvelle classe d’antiplaquettaires, a lui été comparé au clopidogrel dans le SCA (étude PLATO) avec une réduction du même critère combiné de 16 % au prix d’une hausse des complications hémorragiques. Les caractéristiques de ces molécules par rapport au clopidogrel sont résumées dans le tableau 1. Nous serons donc bientôt dans une situation difficile où trois molécules seront disponibles pour traiter nos patients après SCA. Les dernières recommandations européennes proposent d’intégrer les molécules en suivant scrupuleusement le design des études, ce qui semble une approche tout à fait logique.   Quelle molécule pour quel patient ? Examinons les autres éléments qui nous permettront de choisir la bonne molécule pour un patient donné.   Les deux nouvelles molécules, prasugrel et ticagrélor, procurent un bénéfice ischémique au prix d’un risque hémorragique accru. De façon intéressante, le « nombre de patients à traiter » pour avoir un accident hémorragique majeur non lié au pontage (critère TIMI) est exactement le même dans les études TRITON et PLATO (nombre à traiter = 167). Ce surrisque hémorragique similaire est assez logique compte tenu des degrés d’inhibition plaquettaire comparables avec les deux molécules observés dans les études biologiques. De ce fait, ces nouvelles molécules seront sans doute à éviter chez les patients présentant un risque hémorragique accru. De plus, les patients inclus dans TRITON et PLATO présentaient des SCA ST+ ou ST- à haut risque, par conséquent, les SCA sans critère de risque pourront continuer à être traités par clopidogrel. Ensuite, lorsque les nouvelles molécules sont utilisables, ne disposant pas de comparaison directe prasugrel versus ticagrélor, il faudra bien analyser les designs des études ainsi que les sous-groupes pour choisir le meilleur traitement pour un patient donné.   • L’étude TRITON n’a inclus que des patients admis pour SCA traités par angioplastie alors que dans PLATO, tous les patients avec SCA étaient inclus qu’ils soient traités médicalement, par angioplastie ou par pontage. Par conséquent, chez les patients souffrant d’un SCA à haut risque traités médicalement ou par pontage, le ticagrélor sera la seule alternative au clopidogrel, en attendant les résultats de l’étude TRILOGY avec le prasugrel, qui seront présentés à l’ESC en 2012.   Des analyses de sous-groupes… Les patients diabétiques représentent un groupe à haut risque d’événements. Dans l’étude TRITON, le bénéfice du prasugrel était plus marqué chez les patients diabétiques en comparaison à la population générale, ce qui n’a pas été observé dans l’étude PLATO avec le ticagrélor, où le bénéfice ischémique était moins spectaculaire chez les diabétiques. Dans l’étude PLATO, les patients avec dysfonction rénale présentaient un bénéfice majeur avec un traitement par ticagrélor. Chez les patients admis pour SCA ST+, par définition des patients à haut risque ischémique et donc bons candidats pour les nouvelles molécules, le bénéfice était particulièrement marqué dans l’étude TRITON avec le prasugrel. Enfin, deux groupes de patients seront de bons candidats pour les nouvelles molécules : les patients ayant présenté une thrombose de stent ainsi que ceux ayant présenté un accident clinique malgré un traitement par clopidogrel.   … qui peuvent guider les choix thérapeutiques   À l’inverse, des analyses de sous-groupes nous apprennent aussi que des critères de sécurité pourraient guider nos choix de molécules : – les patients âgés ainsi que les patients de faible poids sont à haut risque hémorragique et les nouvelles molécules seront utilisées avec précaution ; – les patients sous anticoagulants étaient exclus des études TRITON et PLATO, et par conséquent, les nouvelles molécules seront évitées chez ces patients ; – les patients aux antécédents d’AVC seront contre-indiqués pour le prasugrel, le ticagrélor semblant mieux toléré ; – chez les patients aux antécédents de pathologie respiratoire ou de troubles conductifs on évitera le ticagrélor, lui préférant le prasugrel.   Ces données menant à la sélection de l’inhibiteur du récepteur P2Y12 chez les patients présentant un SCA sont résumées dans les tableaux 2 et 3.   Faut-il réaliser des tests plaquettaires et/ou des tests génétiques en pratique clinique pour individualiser le traitement ?   Depuis environ une dizaine d’années, de nombreux travaux ont mis en évidence une variabilité de réponses au clopidogrel associée à des conséquences cliniques, à savoir un pronostic ischémique défavorable chez les patients mauvais répondeurs. Cette variabilité de réponse repose sur des mécanismes multiples, mais des facteurs génétiques ont été clairement identifiés. Parmi ceux-ci, la mutation CYP2C19*2 touchant une des isoenzymes impliquées dans le métabolisme du clopidogrel a été reliée à une mauvaise réponse biologique ainsi qu’à un pronostic clinique défavorable. Ces constatations sont à l’origine du concept séduisant d’individualisation du traitement sur la base de tests plaquettaires et/ou génétiques.   Toutefois, qu’un marqueur soit relié au pronostic ne signifie pas nécessairement que la correction de celui-ci modifiera le pronostic clinique défavorable du patient.   Il nous fallait donc des preuves scientifiques pour supporter la réalisation de tests (coûteux) et ainsi moduler le traitement. Les résultats des premières études de large effectif ayant testé le bénéfice d’un traitement individualisé ont été récemment publiés (GRAVITAS) ou présentés (TRIGGER-PCI).   Dans l’étude GRAVITAS, 2 214 patients mauvais répondeurs après l’angioplastie et identifiés par le test VerifyNow® (seuil de PRU à 230), étaient randomisés entre doses standard et fortes doses de clopidogrel. Dans cette étude, il n’existait aucun bénéfice au traitement individualisé. Ces résultats décevants ont été récemment confortés par la présentation de l’étude TRIGGER-PCI.   Toutefois, ces deux études souffrent des mêmes limites, à savoir l’inclusion de patients à bas risque, l’ajustement thérapeutique après l’angioplastie et la réalisation d’un seul test. Ainsi, l’intérêt d’un traitement individualisé chez des patients à haut risque mérite d’être évalué et les résultats de l’étude ARCTIC, dont les inclusions sont terminées, seront importants dans cette optique. Pour ce qui est d’une approche génétique et d’une individualisation du traitement basé sur ces analyses, si cette méthode est séduisante, aucune étude clinique à ce jour ne la supporte. De plus, la génétique n’explique que 10 à 15 % de la variabilité de réponse aux antiplaquettaires. Ainsi, le test fonctionnel plaquettaire semble être un meilleur intégrateur des multiples paramètres (génétiques et non génétiques) modulant la réponse au médicament.   La compliance au traitement : le défi de demain !   La bonne adhésion au traitement antiplaquettaire est capitale après un SCA et/ou l’implantation d’un stent coronaire. De nombreux travaux ont démontré le risque élevé associé à l’arrêt prématuré de ces molécules, que ce soit pour les événements post-SCA ou à cause d’un risque de thrombose de stent. Il est important de comprendre les raisons de ces arrêts prématurés. Le registre PARIS, rapporté fin 2011, nous a montré que cet arrêt est relié à une vraie « non-compliance» imputable au malade dans deux tiers des cas et à un accident hémorragique dans un tiers des cas. Des facteurs de risque de « non-compliance» ont été identifiés incluant des paramètres socioéconomiques (célibat, niveau d’études, barrière de la langue, etc.) et cliniques (âge, diabète, fumeur non sevré, etc.).   Un des paramètres importants est représenté par les « saignements minimes » (ecchymoses, gingivorragies, etc.), selon les nouvelles définitions BARC 1 (Bleeding Academic Research Consensus). En effet, si ces saignements n’ont que rarement de conséquences cliniques, ils peuvent, comme cela a été démontré, conduire le patient à suspendre le traitement, ce qui peut être dramatique. Il est donc primordial d’optimiser l’éducation thérapeutique et d’informer le patient de ces événements possibles ainsi que des risques d’un arrêt des traitements.   Après avoir identifié le problème et ciblé les patients à risque, l’heure est donc à l’optimisation de la compliance via des projets d’éducation thérapeutique et d’intervention. Dans cette optique, nous avions démontré l’utilisation possible de tests plaquettaires pour identifier de façon précoce après angioplastie les patients non compliants. Chez ces malades « non répondeurs » à l’aspirine en ambulatoire, l’administration d’une prise contrôlée d’aspirine suivie d’un nouveau test permettait d’isoler les « non-compliants » des vrais « résistants ». Cela avait montré que parmi les 15 % de patients non répondeurs à l’aspirine, la grande majorité de non-réponse était liée à la non-compliance : près de la moitié des patients n’avouaient pas spontanément leur oubli (figure 1). Ce type d’approche semble difficile pour le clopidogrel car la grande variabilité de réponses avec ce produit rend difficile la distinction entre mauvaise réponse et non-compliance. En revanche, avec les nouvelles molécules (prasugrel, ticagrélor), procurant une inhibition homogène et un taux de non-répondeurs très faible (moins de 5 %), cette approche pourra être envisageable.   Figure 1. Utilisation des tests plaquettaires pour détecter la non-compliance.   Depuis, différentes mesures ont été mises en place dans notre service avec des résultats encourageants sur le niveau d’adhésion des malades au traitement antiplaquettaire : – remise d’une carte systématique de « porteur de stent » (figure 2) ; – envoi quotidien de sms au patient pour lui rappeler de prendre son traitement ; – recours au maximum aux associations médicamenteuses améliorant le niveau de compliance (DuoPlavin [clopidogrel + aspirine] sanofi aventis).     Figure 2. Carte de porteur de stent (CHU La Timone, Marseille). "Publié dans Cath'Lab"

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