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Cardiologie générale

Publié le 01 nov 2005Lecture 7 min

Cœur et sport : je t'aime, moi non plus !

M. NGUYEN

ESC

À chaque grand congrès de cardiologie, une attention particulière est prêtée aux effets bénéfiques de l’activité physique régulière sur le cœur, mais aussi aux risques, lorsque les relations sont conflictuelles, que ce soit en raison d’une pathologie sous-jacente, d’efforts démesurés, ou de la prise de produits illicites.

L'activité physique est bonne pour le cœur. C’est un fait acquis, mais relativement récent comme le rappelait J.-P. Schmid (Berne) dans une allocution sur l’état de l’art. De nombreuses études tant épidémiologiques que d’intervention montrent, en effet, qu’un exercice physique régulier peut : – réduire l’incidence des événements cardiovasculaires, – améliorer le pronostic des malades cardiaques, – assurer une meilleure qualité de vie. Néanmoins, si l’exercice physique est recommandé chez la plupart des sujets, malades ou non, les activités physiques peuvent être pathogènes : un effort inhabituellement important peut être à l’origine d’une mort subite ou d’un infarctus dans l’heure qui suit l’effort intense.   Pas de sollicitation excessive sans rodage Le niveau d’effort à risque dépend du niveau auquel le cœur est habituellement sollicité : les sujets qui s’entraînent beaucoup ont relativement moins de risques que ceux qui sont relativement sédentaires. Il est donc nécessaire de savoir doser les efforts. Pour J.-P. Schmid, les patients à risques sont : – ceux qui ont une bonne capacité physique qui leur permet d’effectuer des exercices intenses, et qui, de ce fait ne savent pas s’arrêter à temps ; – ceux qui ont des signes d’ischémie lors des épreuves d’effort ; – ceux qui dépassent les limites autorisées de tachycardie pendant l’exercice. Le plus souvent, les accidents surviennent chez des sujets qui ne s’entraînent qu’épisodiquement, ou qui viennent de commencer un entraînement. Après quelques semaines d’entraînement régulier, un exercice plus intense est relativement moins risqué. J.-P Schmid du Centre cardiovasculaire de Berne, conseille d’identifier par l’interrogatoire les individus à risques et de contrôler l’intensité de l’exercice pendant les premières semaines du programme d’activité physique. Un exercice physique aérobie régulier peut même être bénéfique en cas de fonction ventriculaire gauche réduite : l’entraînement doit être modéré et contrôlé ; dans ces conditions, il améliore la capacité d’exercice, la fonction ventriculaire gauche et le volume cardiaque. Cet entraînement doit faire, idéalement, partie d’un programme de réhabilitation ; il permet au sujet de s’habituer à une activité physique, à mieux connaître ses limites et mieux contrôler ses efforts.   À chaque niveau de risque, des « sports » adaptés Chez l’athlète coronarien, deux niveaux de risque ont été définis en fonction du niveau d’effort qu’il peut fournir (tableau). Les athlètes appartenant à la catégorie à faible risque peuvent participer à des sports de catégorie AI, tout en évitant les situations de compétitions intenses. Cette catégorie AI comprend : billard, bowling, cricket, curling, golf, tandis que les sports moto, auto ou équestres sont classés dans une autre catégorie (AII). Dans le cas de risque accru, l’athlète doit savoir que des symptômes tels que douleur ou inconfort à la poitrine, au bras, à l’épaule ou à la mâchoire, ou dyspnée doivent l’amener à cesser immédiatement toute activité physique ; ils peuvent uniquement pratiquer des sports de faible intensité (AI).   Réhabilitation par le sport Aux États-Unis — où tout a un prix — on estime à 76 milliards de dollars la pathologie induite par la sédentarité, comme l’observait R. Hambrecht (Leipzig). Il a opposé à ce constat les résultats d’une métaanalyse montrant que l’entraînement physique des cardiaques ayant une maladie coronaire stable permettrait de réduire la mortalité totale de 27 % et la mortalité cardiaque de 31 %, ce qui est tout à fait significatif ! M. Kossovsky (Genève) a présenté, pour sa part, une étude sur 130 patients admis pour insuffisance cardiaque à l’hôpital universitaire de Genève et qu’il a soumis à un programme d’entraînement physique durant 6 mois après la sortie de l’hôpital à raison de trois fois une heure par semaine, puis deux fois une heure dans un centre. Cette forme de rééducation a permis d’observer chez les patients entraînés une réduction du nombre de réadmissions, une amélioration de leur tolérance à l’exercice et une meilleure qualité de vie.   Dysfonction endothéliale et NO À ceux qui pourraient s’étonner d’un tel résultat, il a apporté une explication physiopathologique : normalement, les vaisseaux se dilatent à l’effort pour améliorer l’apport d’oxygène aux muscles ; en cas d’athérosclérose, les vaisseaux ont perdu leur capacité de dilatation d’où un déficit en oxygène ; le facteur-clé est l’oxyde nitrique, NO. La production de NO est réduite et sa dégradation augmentée dans les phases précoces de maladie cardiaque. Il en résulte une dysfonction endothéliale, ce que l’on considère aujourd’hui comme l’une des premières étapes de l’athérosclérose. L’entraînement physique, et le sport en particulier, augmentent le stress sur l’endothélium et ainsi stimulent l’enzyme qui va augmenter la production de NO améliorant la vasodilatation et l’oxygénation.   Le problème des arythmies Deux spécialistes italiens, F. Furlanello (Milan) et D. Corrado (Padoue) ont fait le point sur ce problème au travers de leurs expériences, en rappelant que, même chez les jeunes athlètes qui meurent subitement pendant une compétition, ce n’est pas le sport qui est directement responsable du décès mais plutôt une pathologie sous-jacente les prédisposant à une arythmie ventriculaire fatale.   Dépistage des sujets à risques Comme l’explique D. Corrado, chaque année en Italie, un test de dépistage ECG à 12 dérivations est réalisé chez 6 millions de jeunes athlètes. Au Centre de médecine du sport de Padoue, au cours d’une étude qui a duré 17 ans, 35 000 athlètes tous âgés < 35 ans, ont été examinés et 1 000 athlètes ont été disqualifiés pour les compétitions pour des raisons de santé, et 621 (soit 1,8 %) à cause d’anomalies révélées par l’ECG. En effet, la cardiomyopathie hypertrophique, principale cause de mort subite chez l’athlète, se traduit dans 95 % des cas par un ECG anormal. En identifiant par ECG les jeunes gens les plus vulnérables, l’Italie a réussi à réduire le nombre de morts subites sur le terrain de sport. Le dépistage est coût/efficace et le rapport de consensus 2005 de la Société européenne de cardiologie recommande cet examen pour compléter le dossier des athlètes de compétition, en plus d’un examen clinique complet et d’une recherche des antécédents personnels et familiaux. Ce test devrait être pratiqué dès l’âge de 12-14 ans, interprété par un spécialiste et répété tous les 2 ans. Les arythmies, explique F. Furlanello sont habituellement bénignes ou, selon son expression, « paraphysiologiques » lorsqu’elles sont dues à un entraînement trop poussé. Elles peuvent aussi être pathologiques et provoquer une mort subite. Aussi est-il indispensable d’identifier le risque chez chaque athlète et d’envisager le meilleur traitement préventif ou curatif.   Détection des conduites à risques L’expérience de Furlanello a porté entre 1974 et 2004 sur une population de 2 640 athlètes de compétition dont 345 de niveau international ; ces athlètes présentaient d’importants troubles du rythme, dont 62 arrêts cardiaques (38 ont pu être ressuscités) et, 24 décès. Le grave problème auquel il s’est trouvé confronté a été le fait que de nombreux athlètes avaient pris des médicaments « illicites » et ce, quel que soit leur âge, et qu’ils soient ou non professionnels. Or, presque tous les produits illicites ont des effets collatéraux au niveau cardiaque. La liste de ces produits illicites est longue ; il n’y a pas que les anabolisants, il y a les hormones comme l’EPO, l’hormone de croissance, les gonadotrophines, l’insuline, les corticoïdes, les bêtaagonistes les antioestrogènes, les produits masquants et les diurétiques, les stimulants, les narcotiques, le cannabinoïdes, les glucocorticoïdes, etc.   Un risque méconnu Et si les média parlent souvent de dopage, rares sont ceux, athlètes, grand public, voire médecins à connaître tous les effets adverses de ces spécialités illicites que des millions de sportifs ont consommé dans le monde jusqu’aux années 2000, parfois même dans le cadre de leur entraînement, comme en Allemagne de l’Est.   Par quel mécanisme ces substances peuvent-elles induire ces arythmies ? Ces substances ont des effets sympathomimétiques pendant l’activité physique, elles interviennent sur le métabolisme lipidique, provoquant parfois des accidents thromboemboliques, elles facilitent le développement d’une cardiomyopathie hypertrophique progressive avec fibrose, nécrose et myocardite. Dans le milieu du bodybuilding, l’usage des stéroïdes anabolisants a été parfois impressionnant, les sujets absorbant jusqu’à des doses 100 fois supérieures aux doses thérapeutiques. Les troubles du rythme dus aux anabolisants se caractérisent par une fibrillation auriculaire, et des extrasystoles ventriculaires et supraventriculaires, un QT long, une tachycardie ventriculaire, une fibrillation ventriculaire.   En pratique Chez un sujet en bonne santé, en l’absence d’antécédents familiaux, une arythmie conduit toujours à suspecter la prise de substances illicites.

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