Publié le 05 fév 2008Lecture 6 min
Comment gérer les examens avec produit de contraste iodé chez le diabétique
S. HALIMI, Diabétologie, CHU de Grenoble
Les examens utilisant un produit de contraste iodé sont très volontiers pratiqués chez les patients diabétiques. C’est principalement le cas des coronarographies, des artériographies des membres et des vaisseaux supra-aortiques ainsi que des TDM. Certains sont décidés de façon programmée et d’autres réalisés en urgence sans qu’il soit alors possible de les différer sans perte de chance pour le patient.
C'est pourquoi certaines mesures sont plus applicables que d’autres. Toutefois, à chaque fois qu’un examen aura été programmé, il conviendra de s’assurer que les mesures de sécurité de base sont respectées. Ainsi, celles en relation avec le statut rénal en premier lieu, le traitement du diabète ou de l’hypertension artérielle ensuite, voire plus ponctuellement la fonction thyroïdienne. Les risques sont de différentes natures.
Le risque de décompensation métabolique
Il est modéré et lié à la pathologie sous-jacente justifiant l’examen iodé en urgence ou à de très mauvais résultats glycémiques avant l’examen. Mais en général, lorsque le traitement du diabète est inadapté, il existe un certain nombre de risques :
- soit une décompensation métabolique majeure, hyperosmolarité, cétose, hypoglycémie, secondairement à une « situation aiguë » justifiant l’examen : IDM, artériopathie décompensée, AVC, traumatisme, syndrome infectieux associé ; dans toutes ces situations, le traitement du diabète est à reconsidérer et, en général, un passage temporaire à l’insuline s’impose avec des objectifs stricts ;
- soit un risque d’acidose lactique chez des patients diabétiques généralement multicompliqués et très fragiles sous metformine, consécutivement à la poussée brutale d’insuffisance rénale aggravée par l’examen iodé.
Le risque principal est la poussée d’insuffisance rénale aiguë (IRA) ou néphropathie de contraste (NC).
La néphropathie de contraste
Celle-ci n’est pas à craindre indistinctement chez tous les diabétiques. En théorie, seuls ceux dont le débit de filtration glomérulaire (DFG) est < 60 ml/ min et plus encore < 40 ml/min sont à risque. Néanmoins, le DFG est souvent < 60 ml/min chez les sujets de plus de 65 ou 70 ans, qui représentent un grand nombre des diabétiques de type 2 chez lesquels on a volontiers recours à de tels examens. Ce risque est d’autant plus grand chez les patients sous IEC (inhibiteurs de l’enzyme de conversion) ou ARA II (antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II).
Le DFG s’évalue sur la créatininémie. Cette valeur seule ne suffit pas puisque cette dernière peut être identique chez des sujets dont la fonction rénale se situe depuis la stricte normalité jusqu’au très pathologique (effet du poids, du sexe et de l’âge). Le DFG ne sera évalué qu’en utilisant la formule de Cockcroft (ou MDRD dont les résultats sont un peu plus exacts, mais assez peu différents in fine).
La seule valeur absolue de la créatininémie à 130 mmol/l a été proposée par certaines recommandations comme le plafond au-delà duquel le risque rénal débuterait réellement. Il constitue, selon nous, un seuil trop élevé chez les sujets âgés (> 70 ans), en particulier de sexe féminin, de moyen ou faible gabarit, puisqu’il correspond alors à un DFG < 30, voire < 25 ml/min.
Le risque c’est la NC donc la poussée aiguë d’insuffisance rénale (> 25 % d’élévation de créatininémie) et son cortège de morbi-mortalité à court terme ; des séquelles peuvent survenir sous la forme d’une insuffisance rénale chronique fixée et rapidement évolutive, accélérant le passage en insuffisance rénale préterminale puis à la dialyse.
Ce risque rénal incite à :
- limiter l’indication aux seules explorations où il n’y a pas d’alternative d’imagerie possible (échographie, IRM, scintigraphie) ;
- peser les indications.
Avant l’examen il convient donc :
- de connaître l’état rénal des patients et ainsi de vérifier l’absence d’insuffisance rénale, de protéinurie et de déshydratation, d’hypoprotidémie, de prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de myélome, tous facteurs de risque d’insuffisance rénale aiguë (IRA) ;
- d’être très prudent en cas de sténose de l’artère rénale. Sa fréquence est élevée chez les diabétiques, notamment de type 2 hypertendus et âgés. Elle doit être particulièrement suspectée chez les patients artériopathes avérés susceptibles, en cette circonstance, de décompenser une IRA ;
- d’utiliser des produits de contraste radiologiques iodés non ioniques et iso-osmolaires en cas d’insuffisance rénale même modérée : DFG < 60 ml/min ;
- d’hydrater et d’alcaliniser (bicarbonates) les patients avant et après l’examen ;
- si l’examen est programmé, interrompre la prise de metformine 48 heures avant de le pratiquer ; ce traitement pourra être généralement repris 48 heures plus tard en l’absence de poussée d’IR appréciée par la créatininémie ;
- si l’examen ne peut être différé, la metformine sera interrompue le jour de l’examen et au moins les 48 heures suivantes. Le risque de survenue d’une acidose lactique secondaire à l’IRA sous metformine justifie ces recommandations ;
- sous sulfamide hypoglycémiant, le risque de survenue d’hypoglycémies sévères et prolongées est à connaître. Celui-ci est consécutif à l’accroissement de puissance et de durée d’action sur l’insulinosécrétion secondaire à une poussée d’IRA même modérée ;
- chez les patients sous IEC ou ARA II, la prudence est de rigueur dès que le patient est connu comme néphropathe (DFG < 60 et plus encore < à 40 ml/min), voire hypoalbuminémique et bien sûr diabétique, tous facteurs aujourd’hui établis comme des déterminants majeurs dans le risque de présenter une néphropathie de contraste. L’arrêt transitoire de ces médications est recommandé et la surveillance précoce de la créatininémie sera accompagnée de celle de la kaliémie ;
- l’intérêt d’une administration à titre préventif de N-acétylcystéine reste controversé selon des travaux récemment publiés. Elle est pratiquée de façon très inégale selon les centres.
Après l’examen :
- un contrôle de créatininémie à la recherche d’une dégradation de la fonction rénale est recommandé 24 et 48 heures après la réalisation de l’examen, et plus tard si les valeurs ne sont pas revenues à celles de départ après 48 heures ;
- la réintroduction de la metformine sera réalisée une fois la créatinine revenue à sa valeur initiale et seulement si le contexte clinique n’incite pas à l’interrompre définitivement (voir les caractéristiques produit de l’AMM) ;
- de même, la réintroduction des insulinosécréteurs sera conditionnée par la fonction rénale après examen.
Ainsi, la durée de l’insulinothérapie sera variable selon les situations, parfois poursuivie car justifiée de façon définitive soit durant quelques semaines à quelques mois comme, par exemple, dans les suites d’un infarctus du myocarde.
Risque selon le type de diabète
Les diabétiques de type 1 sont beaucoup plus sujets à exprimer une dysthyroïdie auto-immune (Basedow ou hypothyroïdie). Ici, le risque principal de l’apport iodé est de favoriser l’apparition d’une hyperthyroïdie. Un contrôle de la TSH est donc légitime à distance de l’apport iodé. Rappelons que la TSH fait partie intégrante du suivi biologique annuel de tout diabétique de type 1.
Chez les diabétiques de type 2 comme chez tout sujet non diabétique, la notion d’un goitre ou d’un antécédent thyroïdien avéré doit inciter à respecter les mêmes précautions.
La collaboration avec un endocrinologue-diabétologue peut donc être utile à l’occasion de la réalisation de tels examens, surtout réalisés en urgence, ou dans un second temps pour reconsidérer la situation globale du patient.
C’est ainsi l’occasion d’une révision de l’ensemble de la thérapeutique : l’épisode justifiant l’examen, peut, par exemple conduire à un traitement de l’hyperglycémie par un passage transitoire ou durable sous insuline.
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