Publié le 12 avr 2011Lecture 6 min
Patients à haut risque : quelles associations en 2e ligne pour contrôler le risque lipidique ?
M. DEKER, d'après M. FARNIER (Dijon) et E. BRUCKERT (Paris)
Cœur et diabète
Le diabétique, exemple typique de patient à haut risque cardiovasculaire, présente une dyslipidémie très caractéristique, dénommée « triade athérogène » : augmentation des lipoprotéines riches en triglycérides, LDL petites et denses et diminution du HDL. Même si le taux global de LDL-C parait quasiment normal, ces particules sont très athérogènes ; quant à la baisse du HDL-C, elle est variable. La prise en charge de la dyslipidémie vise donc en priorité le LDL-C mais ne doit pas oublier le HDL-C.
Une cible prioritaire : le LDL-C
Les deux métaanalyses réalisées par le Cholesterol Treatment Trialists’ (CTT) Collaboration ont bien montré le bénéfice d’un traitement par statine sur le risque d’événements cardiovasculaires majeurs, évalué à une réduction de 20 % pour une diminution de 0,40 g/l du LDL-C (Lancet 2005 ; 366 : 1267-78 ; Lancet 2010 ; 376 : 1670-81). En plus des essais versus placebo, la deuxième métaanalyse a inclus les études comparant des stratégies de traitement standard et des stratégies intensives, ce qui a permis de montrer que la baisse supplémentaire du LDL-C conduit toujours à un gain complémentaire en termes d’événements cardiovasculaires majeurs.
Il est fortement recommandé, selon les recommandations européennes et nord américaines, d’abaisser les concentrations de LDL-C à ≤ 0,80 g/l ou de plus de 50 % chez les patients à haut risque, dont font partie les diabétiques, par la plupart des recommandations européennes et nord-américaines. Tous les patients ne répondent pas suffisamment au traitement par une statine, en raison d’une variabilité individuelle de la réponse, ce qui ne remet nullement en cause le bénéfice conféré par les statines sur le LDL-C. Cependant, le sur-risque résiduel chez les patients traités par une statine mais n’ayant pas atteint les objectifs est clairement lié au LDL-C, comme le démontre une analyse complémentaire de l’étude TNT (J Am Coll Cardiol 2010 ; 57 : 63-9).
Figure 1. Effets sur les événements athérosclérotiques majeures.
Comment parvenir à l’objectif de LDL-C ?
L’augmentation de dose de la statine permet de gagner seulement 6 % au maximum sur la baisse du LDL-C. Plusieurs associations peuvent être envisagées : en France, les résines (colesevelam) ne sont pas commercialisées ; l’association à la niacine vise principalement le HDL-C. En pratique quotidienne, l’association la plus maniable est sans conteste ézétimibe + simvastatine.
Le traitement en monothérapie ou en première ligne par l’ézétimibe chez un sujet tout-venant permet d’abaisser de 18-20 % le LDL-C. Son association à une statine chez un patient dont le LDL-C n’est pas normalisé permet d’obtenir une baisse supplémentaire de 25-30 %. Il faut d’ailleurs signaler que les moins bons répondeurs aux statines sont les meilleurs répondeurs à l’ézétimibe.
Chez les diabétiques de type 2, un bénéfice encore plus marqué
Cette population à haut risque cardiovasculaire est caractérisée par une dyslipidémie athérogène, proche de celle des insuffisants rénaux, et sont d’ailleurs à risque d’insuffisance rénale. Chez ces patients, le bénéfice de l’association ézétimibe + simvastatine est particulièrement manifeste. Ainsi, une analyse complémentaire de l’étude In-Cross chez des patients diabétiques insuffisamment contrôlés par une statine a montré que l’association diminue davantage le LDL-C qu’une statine à forte dose, et en particulier chez les diabétiques comparativement aux non-diabétiques (Cardiovasc Ther 7 juillet 2010 online). Une équipe italienne a également montré sur une population de diabétiques de type 2 insuffisamment contrôlés par une statine un abaissement supplémentaire de 30 % du LDL-C grâce à l’association, comparativement au placebo. Enfin, une métaanalyse de 27 essais cliniques montre que l’association statine + ézétimibe donne toujours de meilleurs résultats chez les diabétiques que chez les non-diabétiques (Diabetes Obes Metab 18 février 2011 online).
Le mode d’action de l’ézétimibe pourrait être responsable du bénéfice supérieur de cette association chez le diabétique. Il a, en effet, été montré chez quelques patients diabétiques et sur des modèles animaux de diabète que l’expression de l’ARNm de la protéine impliquée dans l’absorption intestinale du cholestérol est augmentée alors que celle de l’ARNm de la protéine impliquée dans la sortie du cholestérol des cellules intestinales est diminuée. Des travaux récents suggèrent également un effet bénéfique de l’ézétimibe sur l’insulinorésistance, la stéatose hépatique et l’inflammation via la protéine NPC1L1 dont l’expression est augmentée par l’hyperglycémie (Curr Vasc Pharmacol 2011 ; 9 : 121-3).
Enfin une étude positive chez l’insuffisant rénal : SHARP
Figure 2. SHARP : événements athérosclérotiques majeurs en fonction du statut rénal à la randomisation.
Bien que les statines aient démontré des bénéfices en prévention primaire et secondaire, jusqu’ici aucune étude spécifique n’avait évalué leur effet chez des insuffisants rénaux, hormis deux essais avec des résultats négatifs chez des patients diabétiques hémodialysés (4D et AURORA).
L’étude SHARP, réalisée chez près de 9 500 patients insuffisants rénaux, dialysés ou non (respectivement un tiers, deux tiers), d’origine diverse, et n’ayant pas d’indication formelle à la mise sous statine, apporte de nouvelles preuves de l’efficacité de l’association ézétimibe + simvastatine. La randomisation a été opérée entre l’association et un placebo après une première phase d’une durée d’un an pendant laquelle 1 000 patients ont été randomisés entre simvastatine seule et ézétimibe + simvastatine afin d’évaluer la tolérance du traitement, puis re-randomisés. Ces patients avaient une insuffisance rénale modérée ou sévère et une dyslipidémie proche de celle des diabétiques (LDL d’environ 1,10 g/l ; HDL un peu bas et triglycérides modérément augmentés).
Après un suivi de 5 ans environ, l’association ézétimibe + simvastatine a permis de diminuer significativement de 17 % le critère principal, les événements athérosclérotiques majeurs, comparativement au placebo (p = 0,0022). Cette réduction est parfaitement concordante avec la réduction des événements objectivée dans la métaanalyse des CTT en fonction de la baisse du LDL-C obtenue. Sur le critère secondaire des événements cardiovasculaires majeurs, une diminution significative est également observée. Le bénéfice observé semble plus net dans le sous-groupe des patients non dialysés.
Dans cette population à très haut risque cardiovasculaire, le traitement hypocholestérolémiant associant ézétimibe + simvastatine a permis d’abaisser le LDL-C de 40 % et donc fait la preuve d’un bénéfice sur les événements cardiovasculaires athérosclérotiques, sans que l’on observe d’effet délétère sur la mortalité totale, ni de signes d’intolérance hépatique. Cette réduction du risque, comparable à celle observée dans la métaanalyse des CTT, est à mettre en relation avec la réduction franche du LDL-C, qui n’aurait pu être obtenue avec une statine seule.
Comment prendre en charge le HDL-C ?
Autre élément prédictif du risque cardiovasculaire résiduel chez un patient sous statine, les particules HDL, dont la fonctionnalité est aussi importante que leur quantité reflétée par le taux de HDL-C. La stratégie fibrates + statine permet d’augmenter de 17 % en moyenne de taux de HDL-C. Une métaanalyse montre que l’effet des fibrates est surtout important chez les patients ayant des taux élevés de triglycérides et que, chez ces derniers, la réduction du risque cardiovasculaire approche les 30 %.
Une autre approche est possible en adjoignant de l’acide nicotinique, dont la dernière forme commercialisée est associée au laropiprant (inhibiteur sélectif du récepteur de la prostaglandine D) afin d’améliorer la tolérance aux flushs. Plusieurs études montrent l’intérêt de l’acide nicotinique, une baisse très significative de 30 % des événements cardiovasculaires ayant été observée. L’effet sur le HDL, estimé à une hausse d’environ 20-25 %, s’additionne à celui de la statine. Un essai est en cours, HPS2-THRIVE, chez des patients à haut risque cardiovasculaire en prévention secondaire, dont près de 7 000 diabétiques, afin d’évaluer les effets de l’association ac. nicotinique + laropiprant versus placebo chez des patients dont les taux de LDL-C auront été contrôlés préalablement.
En pratique
Chez les diabétiques dont les paramètres lipidiques ne sont pas suffisamment contrôlés, le premier objectif est de contrôler le LDL, en augmentant la puissance du traitement par statine ou en associant à la statine de l’ézétimibe, cette association ayant montré un bénéfice particulièrement net chez les patients à haut risque tels que les diabétiques et les insuffisants rénaux. Le deuxième objectif cible les triglycérides et le HDL-C, pour lequel on peut adjoindre soit un fibrate soit l’acide nicotinique.
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