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Cardiologie générale

Publié le 16 juin 2009Lecture 4 min

Dyspnée d'effort récente chez un patient cirrhotique

P.-H. GACON, J.-C. EICHER, Centre de cardiologie CHRU Dijon et G. GONZALES, Centre de pneumologie Hôtel Dieu CH Creusot

Nous rapportons l’observation clinique d’un homme de 53 ans éthylo-tabagique sans antécédent broncho-pulmonaire présentant une dyspnée d’effort récente stade III de la NYHA liée à une insuffisance ventriculaire droite traitée par diurétiques et inhibiteurs de l’enzyme de conversion.

L'examen confirme une surcharge pondérale (94 kg pour 1,71 m) et montre une tension artérielle normale symétrique aux deux bras et un souffle xiphoïdien holosystolique -3/6 augmentant en inspiration forcée, sans roulement diastolique tricuspidien, avec reflux hépato-jugulaire spontané, une hépatomégalie douloureuse, un éclat de la composante pulmonaire de B2 (B2p) avec dédoublement physiologique de celui-ci. Il n’existe aucune valvulopathie audible aortique ou mitrale et l’auscultation pulmonaire est libre, sans épanchement pleural. Il persiste sous traitement médical des œdèmes non douloureux des membres inférieurs. L’ECG en tachycardie sinusale à 105 bpm montre un axe de QRS dévié à droite, un espace PR à 190 ms, une hypertrophie auriculaire et ventriculaire droites, et un bloc de branche droit complet avec troubles secondaires de la repolarisation (figure 1). Figure 1. Tachycardie sinusale avec PR long, hypertrophie auriculaire et ventriculaire droite. La radiographie thoracique montre une cardiomégalie aux dépens du ventricule droit avec des artères pulmonaires dilatées sans stase ni fibrose pulmonaire, ni image emphysémateuse (figure 2). Figure 2. Cardiomégalie aux dépens du VD avec dilatation des artères pulmonaires. L’échocardiographie Doppler couleur montre une surcharge en pression/volume du ventricule droit, de diamètre télédiastolique à 47 mm et de surface télédiastolique mesurée à 38 cm2, un rapport VD/VG supérieur à 1 en mode TM ; la cinétique du septum interventriculaire gauche est paradoxale et la fonction ventriculaire gauche est normale. L’oreillette droite est dilatée à 30 cm2 avec hydropéricarde de stase. Une insuffisance tricuspidienne de grade 3 de vélocité maximale à 4,65 m/s permet d’estimer une PAP systolique à 75 mmHg au moins, selon la pression estimée de l’OD ; le temps d’accélération pulmonaire (TAP) est court à 75 ms et la fonction VD altérée. La veine cave inférieure est dilatée et non modulable par la respiration (figure 3). Figure 3. Surcharge en pression-volume du ventricule droit avec diamètre télédiastolique VD à 47 mm, de surface à 38 cm2, dilatation à 30 cm2 de l’oreillette droite avec hydropéricarde de stase par insuffisance tricuspidienne de grade III de vélocité à 4,64 m/s, veine cave inférieure dilatée. Le bilan biologique montre une thrombopénie à 100 000/mm3, un TP spontané à 52 % sans cytolyse hépatique, une bilirubine totale à 82 Ìm/l et des g GT à 675 UI/l, les sérologies hépatiques et HIV sont normales. La créatinémie de base est conservée. Le cathétérisme cardiaque droit montre à l’état basal une HTAP (94/39/60 mmHg), une pression capillaire pulmonaire normale à 4 mmHg, un débit cardiaque à 3,9 l/min, soit un index cardiaque à 1,9 l/min/m2, et des RVP à 14,3 UI Woods ne se modifiant pas après inhalation de NO 50 ppm (index cardiaque à 2 l/m/m2 et RVP à 13,3 UI Woods). L’exploration fonctionnelle respiratoire montre un rapport de Tiffeneau à 96 % un VEMS à 2,8 l/min. Le test de marche de 6 minutes montre une distance parcourue de 422 m sans désaturation à l’effort. La scintigraphie pulmonaire de ventilation perfusion n’apporte aucun argument en faveur d’une atteinte thromboembolique et l’angioscanner thoracique de contraste montre une trame pulmonaire normale sans syndrome interstitiel pulmonaire. Le diagnostic d’hypertension portopulmonaire est porté chez ce patient cirrhotique. Discussion Les hypertensions pulmonaires sont définies par l’élévation des pressions au niveau des artères pulmonaires dans lesquelles les résistances à l’écoulement sanguin sont classiquement augmentées. Si les techniques d’échocardiographie cardiaque en mode continu et pulsé ont facilité leur dépistage, le diagnostic formel repose sur le cathétérisme cardiaque droit permettant d’attester une pression artérielle pulmonaire moyenne (PAPm) > 25 mmHg au repos ou > 30 mmHg à l’exercice. Hormis les hypertensions artérielles pulmonaires postcapillaires et postemboliques, l’HTAP constitue une « maladie orpheline » grave dont la prévalence estimée est de 15 cas par million d’habitants. Cette classification a été revue lors du World Symposium On Pulmonary Artériel Hypertension à Venise en 2003. Les hypertensions pulmonaires sont divisées en cinq classes : le groupe 2 est associé aux cardiopathies gauches et le groupe 3 aux maladies respiratoires et/ou à l’hypoxie chronique. Dans le groupe 1 sont classées les HTAP des maladies artériolaires pulmonaires entraînant une augmentation progressive des résistances artérielles pulmonaires et une défaillance cardiaque droite : exposition aux anorexigènes (11 % des cas), connectivites (15 % des cas), cardiopathies congénitales (12 % des cas), hypertension portale (10 % des cas) et infection chronique par le VIH. Contrairement aux patients cirrhotiques qui ont une HTAP secondaire à une augmentation du débit cardiaque et/ou du volume systolique central, les patients affectés d’une hypertension porto-pulmonaire ont une élévation des résistances vasculaires pulmonaires et un remodelage vasculaire conduisant à l’insuffisance cardiaque droite. Parmi ceux-ci, 0,7 à 2 % auraient une HTAP significative, dont le développement peut être lié à une simple thrombose portale, même en l’absence de toute maladie hépatique. Il n’existe aucun lien entre le degré de sévérité de l’atteinte hépatique ou le niveau d’hypertension portale et le risque de développer une HTAP ; seule l’ancienneté de l’hypertension portale semble augmenter le risque d’HTAP dont la prise en charge thérapeutique est compliquée par la présence de comorbidités contre-indiquant de façon absolue la greffe hépatique. Les patients atteints d’hypertensions porto-pulmonaires ont classiquement un débit cardiaque plus élevé ainsi qu’un pronostic cardiaque plus favorable que les patients affectés d’une HTAP idiopathique. Les antagonistes des récepteurs à l’endothéline (Bosentan) sont contre-indiqués ainsi que les vasodilatateurs artériels pulmonaires et seul l’Iloprost trométamol a été retenu.

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