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Insuffisance cardiaque

Publié le 04 déc 2007Lecture 7 min

FA et IC : faut-il réduire à tout prix ?

F. EXTRAMIANA, hôpital Lariboisière, Paris


Les Journées de l'insuffisance cardiaque
La fibrillation auriculaire (FA) et l’insuffisance cardiaque (IC) représentent deux pathologies dont l’expansion a pu être qualifiée d’épidémique. Ces deux pathologies ne sont pas totalement indépendantes et la prévalence de la FA est non seulement majorée dans l’IC mais augmente avec le stade d’IC pour atteindre près de 50 % chez les patients en stade IV de la NYHA(1).

FA et IC : une association dangereuse Il est également bien admis que l’association de la FA à l’IC altère significativement le pronostic(1). Si la surmortalité observée avec la FA pouvait être « corrigée » cela pourrait justifier d’essayer de réduire la FA « à tout prix » et surtout, au-delà de la réduction qui le plus souvent n’est pas trop difficile à obtenir, de s’acharner à essayer de maintenir le rythme sinusal. La réponse à la question posée en titre va donc dépendre de la nature de surmortalité associée à la FA dans l’IC. En effet, si la FA ne représente qu’un marqueur de la surmortalité il n’y aura alors que peu de bénéfice à maintenir en rythme sinusal. En revanche, si la FA est un véritable facteur de surmortalité, on peut espérer, au moins sur le plan théorique, que la restauration et le maintien du rythme sinusal puissent améliorer le pronostic des patients insuffisants cardiaques. Cette question de facteur et/ou marqueur de risque est ancienne et toujours discutée. Cependant, même si toutes les études ne vont pas dans le même sens, la balance semble actuellement pencher en faveur d’un rôle direct de la FA sur la mortalité. En effet, dans l’étude de Framingham, la FA était indépendamment associée à un risque de décès multiplié par 1,5 à 2, dans les deux sexes, après ajustement sur l’état cardiaque sous-jacent(2). Plus spécifiquement dans l’insuffisance cardiaque, le programme CHARM a montré que la FA était un facteur de risque indépendant de surmortalité, que l’insuffisance cardiaque survienne dans un contexte de fraction d’éjection altérée ou conservée(3). Cependant, il faut bien reconnaître que pour l’heure aucune étude prospective ne montre la supériorité en termes de mortalité d’une stratégie de maintien du rythme sinusal dans l’insuffisance cardiaque. Ce paradoxe apparent mérite peut-être une relecture des études précédentes ainsi qu’une prise en compte du caractère non univoque de la relation entre la FA et l’IC.   L’échec des antiarythmiques à inverser la surmortalité associée à la FA L’étude DIAMOND (Danish Investigations of Arrhythmias and Mortality ON Dofetilide), randomisée contre placebo et menée en double aveugle, évaluait le dofétilide (un antiarythmique avec un effet de classe III pur) chez plus de 500 patients avec une FA ou un flutter auriculaire et une dysfonction ventriculaire gauche(4). Dans cette étude, la présence de la FA était associée à une surmortalité, comme cela était attendu, à la fois dans les deux groupes. Le dofétilide était associé à plus de régularisation et de maintien en rythme sinusal que le placebo, ce qui semble logique pour un antiarythmique. En revanche, ce bénéfice en termes de rythme sinusal n’était pas transformé en termes de mortalité qui restait comparable dans les groupes placebo et dofétilide. Le moyen utilisé pour maintenir le rythme sinusal (le dofétilide) semblerait son bénéfice rythmique. L’étude AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rhythm Management), qui ne concernait pas spécifiquement les patients insuffisants cardiaques (qui représentaient cependant près du quart des patients), avait pour objectif d’évaluer et de comparer une stratégie de maintien du rythme sinusal à une stratégie de contrôle de la fréquence ventriculaire en termes de mortalité globale(5). En termes de mortalité, les deux stratégies étaient équivalentes. Cependant, une étude de stratégie ne valide pas un concept et, même dans AFFIRM, le fait d’être en rythme sinusal était associé à une diminution de presque 50 % de la mortalité(6). En revanche, l’utilisation des antiarythmiques était associée à une surmortalité de 40 %. Comme dans DIAMOND, il semble que les effets délétères des antiarythmiques viennent annuler le bénéfice apporté par le maintien en rythme sinusal.   L’ablation de la FA : une technique prometteuse qui doit faire ses preuves en termes de mortalité L’échec des antiarythmiques à inverser la surmortalité associée à la FA a ouvert la porte aux approches non médicamenteuses et en particulier aux techniques ablatives. Il n’y a pas encore d’étude randomisée avec l’ablation ayant la mortalité comme critère de jugement. Pappone et coll., sur une série non randomisée de plus de 1 000 ablations consécutives, ont montré que l’ablation permettait d’obtenir autour de 80 % de patients en rythme sinusal, contre seulement autour de 40 % avec le traitement médical après un suivi de 3 ans(7). Dans cette étude, la mortalité dans le groupe ablation était identique à celle attendue dans une population similaire alors que, dans le groupe traitement médical, elle était deux fois plus importante à 3 ans. Plus spécifiquement, dans l’insuffisance cardiaque, l’équipe de Bordeaux a publié une petite étude par le nombre de patients inclus mais très importante par ses résultats(8). Cette étude non randomisée a évalué 58 patients consécutifs en FA (persistante ou permanente dans 91 % des cas) avec une insuffisance cardiaque et une fraction d’éjection ventriculaire gauche < 45 %. Après l’ablation, 70 % des patients étaient en rythme sinusal à 1 an. Le résultat spectaculaire est que chez ces patients ablatés, la fraction d’éjection ventriculaire gauche gagne 20 points (elle passe de 35 à 55 %)! Ce bénéfice est observé qu’il y ait ou non d’autre cause de cardiopathie et, de façon encore plus surprenante, que la fréquence ventriculaire ait été bien contrôlée ou non avant l’ablation. Cela suggère fortement que le non-contrôle de la fréquence cardiaque joue un rôle moins important que ce qui était admis jusque-là. La dernière étude qu’il faut citer n’est pas encore publiée mais les résultats en ont été communiqués à l’AHA l’an dernier(9). L’étude PABA-CHF a inclus des patients insuffisants cardiaques (classe II ou III de la NYHA), avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche < 40 % et une FA (paroxystique dans près de la moitié des cas). Les patients étaient randomisés pour avoir soit une isolation des veines pulmonaires (n = 39), soit une ablation du nœud auriculo-ventriculaire + implantation de pacemaker biventriculaire (n = 38). Dans le groupe ablation du NAV+PM biV, la FEVG ne change pas et la distance parcourue lors du test de marche de 6 minutes augmente de moins de 20 m. Dans le groupe qui a eu une ablation de la FA (isolation des veines pulmonaires), la FEVG passe de 27 à 35 % et la distance parcourue en 6 min de 270 à 338 m. La restauration du rythme sinusal semble donc meilleure chez le patient insuffisant cardiaque qu’un contrôle parfait de la fréquence et de la régularité du rythme ventriculaire. Ces études avec l’ablation sont, bien sûr, préliminaires, mais elles suggèrent que la restauration du rythme sinusal, lorsqu’elle n’est pas obtenue en utilisant des médicaments antiarythmiques, puisse être associée à une amélioration significative de la fraction d’éjection ventriculaire gauche.   Les différentes relations entre FA et IC S’il est bien admis et documenté que l’insuffisance cardiaque favorise la FA(1), il est également reconnu depuis de nombreuses années qu’à l’inverse, la FA favorise l’insuffisance cardiaque(10, 11). À l’extrême, dans la cardiomyopathie rythmique, la restauration du rythme sinusal est associée à la régression complète de la cardiomyopathie. Dans ces situations, il apparaît fondamental de restaurer et de s’acharner véritablement à maintenir le rythme sinusal. Les choses sont le plus souvent moins caricaturales, mais il n’est pas rare de constater que, chez un insuffisant cardiaque, le passage en FA va aggraver l’IC. Certes, il est bien décrit que cette aggravation a des explications hémodynamiques représentées par la perte de la systole auriculaire, l’irrégularité, la diminution de la diastole et donc du remplissage en raison de la tachycardie, l’activation sympathique… Cependant, certains auteurs soutiennent l’hypothèse qu’une part de cette aggravation de la cardiopathie préexistante pourrait être la conséquence d’une part surajoutée de cardiopathie rythmique(12). Si cela est le cas, la détection du phénomène risque d’être difficile aboutissant à sa sous-reconnaissance. Ce concept, supporté par les résultats des études évaluant l’ablation dans l’insuffisance cardiaque, reste à démontrer par des études de mortalité, mais s’il était validé, il ouvrirait des perspectives importantes d’amélioration du pronostic de l’insuffisance cardiaque avec FA.   En pratique   Il n’y a pour l’heure pas de preuve formelle, soutenue par des études randomisées avec la mortalité comme critère de jugement, qui justifie de régulariser à tout prix et de s’acharner à maintenir le rythme sinusal dans l’insuffisance cardiaque. Les résultats de l’étude AF-CHF devraient être publiés prochainement, mais comme cela a été discuté plus haut, les antiarythmiques ne représentent pas forcément le bon outil et il est à craindre que les résultats de AF-CHF ne soient pas très encourageants. Il faudra regarder avec plus d’attention les résultats des études de mortalité en cours et programmées avec l’ablation de la FA. Dans l’attente de ces résultats, il semble raisonnable de « s’acharner » à maintenir le rythme sinusal lorsque l’on suspecte une cardiomyopathie rythmique et de « donner une chance » aux patients chez lesquels l’apparition de la FA a aggravé une IC préexistante. L’attitude à adopter lorsque la FA ne semble pas influer sur le cours de l’insuffisance cardiaque est un sujet qui reste ouvert au débat. En tout état de cause, il semble important de rajouter, dans la stratégie thérapeutique de l’insuffisance cardiaque, une évaluation et une prise en charge spécifique de la fibrillation auriculaire.

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