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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 03 nov 2009Lecture 6 min

Fibrillation atriale : épidémiologie, classification et comorbidités

J.-Y. LE HEUZEY, A. LEPILLIER, E. MARIJON Cardiologie A et Rythmologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris

La fibrillation atriale est devenue un réel problème de santé publique. Son incidence est rapidement croissante, son traitement reste difficile.

Épidémiologie On sait depuis de nombreuses années que la mortalité des patients ayant de la fibrillation atriale est plus élevée que celle des sujets du même âge, n’ayant pas de fibrillation. Globalement, cette mortalité est multipliée par un facteur 2 environ. La prévalence de la fibrillation atriale augmente rapidement, principalement du fait du vieillissement de la population. La fibrillation atriale du sujet très jeune, avant 40 ans, reste très rare, elle est le plus souvent le fait de cardiopathies sous jacentes ou de formes familiales. Dans la population générale, la prévalence augmente très progressivement à partir de la quarantaine et on observe une ascension rapide de cette prévalence à partir de la soixantaine environ. Chez les patients très âgés, octo ou nonagénaires, certaines séries parlent d’une prévalence d’environ 10 % à 20 %. C’est cependant difficile à évaluer avec précision dans la mesure où il est toujours possible qu’il existe des biais de recrutement dans les séries présentées. Cependant toutes les études montrent le même type d’élévation rapide de la prévalence (figure 1). Figure 1. Prévalence croissante de la fibrillation atriale avec l’âge dans plusieurs études épidémiologiques majeures. À l’heure actuelle, on considère que, dans les pays industrialisés, la fibrillation atriale représente environ 0,7 % de la population adulte globale. Ces chiffres impliquent de larges populations de plus de 2 millions aux États-Unis et de près de 5 millions en Europe. Les projections (figure 2) peuvent faire évoquer environ 6 millions de patients dans les années 2050 aux États-Unis. Actuellement en France on peut considérer qu’il y a environ 750 000 personnes atteintes de fibrillation atriale. Figure 2. Progression probable du nombre de patients présentant de la fibrillation atriale d’ici à 2050 aux États-Unis. La charge pour la société, en termes médico-économiques, devient majeure. Dans l’étude COCAF (Cost of Care in Atrial Fibrillation) que nous avions menée en cardiologie de ville il y a 5 ans environ nous avions constaté que, même si le coût individuel du traitement des patients atteints de fibrillation atriale, pendant un an, était relativement faible, avoisinant les 3 000 euros, si on multiplie ce chiffre par le nombre de patients ayant une fibrillation atriale, c’est à dire environ 750 000 en France, on atteint un chiffre impressionnant de 2,5 milliards d’euros. À l’échelon de l’Europe c’est donc aux alentours de 25 milliards d’euros qui sont dépensés pour soigner les patients qui ont une fibrillation atriale (et non pas seulement pour traiter la fibrillation atriale elle-même). Lorsque l’on s’intéresse plus précisément à la distribution de ces coûts, on observe (figure 3) que le poste le plus important est représenté par les hospitalisations (52 %), suivi des médicaments (23 %), tous médicaments confondus, c’est-à-dire notamment antithrombotiques et antiarythmiques, des consultations (9 %), des examens complémentaires (8 %), des actes paramédicaux (2 %). Le coût en termes d’arrêts de travail est relativement faible (6 %) étant donné que la majorité de ces patients sont retraités. Figure 3. Distribution des coûts du traitement des patients en fibrillation atriale en France, rapportés dans l’étude COCAF (Cost of Care in Atrial Fibrillation). La moitié de ces coûts est en rapport avec les hospitalisations. Classification Il y a quelques années, la règle des 3 P s’est imposée. On considère actuellement qu’il convient de classifier les fibrillations atriales en 3 groupes selon qu’il s’agit de fibrillation paroxystique (accès se terminant en moins de 7 jours) ou permanentes (fibrillation existant depuis longtemps), permanente soit parce que les tentatives de cardioversion ont été des échecs, soit parce que le médecin a délibérément décidé de laisser le patient en fibrillation permanente. Entre les deux se situe la fibrillation persistante, pour laquelle on considère qu’au-delà de 7 jours il ne s’agit plus d’un paroxysme mais d’une « persistance ». Cette règle des 3 P permet de ne pas utiliser le terme « chronique » qui peut prêter à confusion : une fibrillation permanente et une fibrillation paroxystique qui durent pendant des années sont toutes les deux chroniques. À l’heure actuelle, il est possible dans certains cas bien particuliers d’interrompre des fibrillations permanentes par ablation avec isolation des veines pulmonaires et lignes intra auriculaires, voire défragmentation. Pour ces fibrillations, on préfère utiliser le terme de fibrillation persistante de longue durée. Comorbidités Il a clairement été établi, au cours des dernières années, qu’une très grande majorité des patients qui présentent de la fibrillation atriale ont également des comorbidités. La fibrillation atriale isolée reste très rare, probablement moins de 10 % du contingent total. Très souvent, il est difficile de distinguer ce qui est réellement une comorbidité de ce qui est une étiologie ou un facteur de risque ou bien encore un marqueur du risque. Parmi ces comorbidités, on peut lister : l’hypertension artérielle, l’insuffisance coronaire, l’insuffisance cardiaque, l’obésité, le syndrome d’apnée du sommeil, les dyslipidémies et l’athérome, les cardiomyopathies hypertrophiques, les syndromes de Wolff Parkinson White. Toutes ces situations peuvent être rencontrées en clinique, leur valeur est bien entendu très différente selon les cas. Les questions qui se posent fréquemment au clinicien sont les suivantes : la fibrillation atriale est-elle un facteur de risque ou un marqueur du risque ? La fibrillation atriale n’est-elle pas le plus souvent un simple « clignotant » signalant un mauvais pronostic cardiovasculaire « global » ? Traiter, voire guérir la fibrillation atriale résout-il tous les problèmes ? Cela suffit-il à améliorer le pronostic du patient ? L’hypertension artérielle tient maintenant une place prépondérante dans la fibrillation atriale. Dans tous les derniers essais ou enquêtes, on s’aperçoit que près des trois quarts des patients ayant de la fibrillation atriale sont hypertendus. Dans les caractéristiques à l’inclusion des patients de l’étude AFFIRM 71 % étaient hypertendus, 38 % coronariens, 23 % avaient de l’insuffisance cardiaque, 20 % étaient diabétiques, 15 % avaient une pathologie pulmonaire et 12 % seulement avaient une valvulopathie. Dans l’enquête EURO HEART SURVEY une hypertension artérielle était observée dans environ 65 % des cas, l’insuffisance cardiaque dans 28 % des cas de fibrillation paroxystique, 39 % des cas de fibrillation persistante et 52 % des cas de fibrillation permanente. L’insuffisance cardiaque est souvent intriquée avec la fibrillation atriale. Dans bien des cas il est difficile de savoir quel a été l’œuf et quelle a été la poule. En effet on sait que des patients ayant une insuffisance cardiaque, d’évolution longue, finissent souvent par présenter une fibrillation atriale. À l’inverse, l’existence de cardiomyopathie rythmique est absolument indiscutable, l’insuffisance cardiaque venant alors compliquer la fibrillation atriale. On insiste actuellement de plus en plus souvent sur le fait que l’obésité semble être un facteur associé à la fibrillation atriale. Il en va de même pour les syndromes d’apnée du sommeil. Il est bien entendu toujours difficile de savoir s’il s’agit de facteurs indépendants, les patients obèses ayant des syndromes d’apnée du sommeil présentant également souvent une hypertension artérielle et d’autres désordres cardiovasculaires. Le risque de fibrillation atriale est d’autant plus élevé que toutes ces comorbidités peuvent s’associer. En pratique Incidence et prévalence de la fibrillation atriale croissent rapidement de nos jours. Il paraît évident que cette « épidémie » de fibrillation atriale est en rapport principalement avec le vieillissement de la population. La fibrillation atriale est souvent actuellement une pathologie séquellaire, comparable à l’insuffisance cardiaque, survenant chez des patients qui autrefois décédaient mais qui actuellement survivent après avoir été thrombolysés, dilatés, pontés, stentés, stimulés, resynchronisés, défibrillés, opérés ou tout simplement traités… L’hypertension artérielle apparaît comme étant la « comorbidité » maintenant la plus souvent rencontrée dans la fibrillation atriale mais elle en est en fait très souvent l’étiologie. La fibrillation atriale n’est souvent qu’un marqueur du mauvais pronostic cardiovasculaire. Traiter la fibrillation atriale ne permet pas toujours de régler tous les problèmes de ces patients. La prise en charge thérapeutique doit prendre en compte ces comorbidités sous peine d’une efficacité insuffisante du traitement.

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