Publié le 02 fév 2005Lecture 6 min
Fonctions cognitives et hypertension artérielle
O. HANON, hôpital Broca Paris
Plusieurs travaux récents ont montré que l’hypertension artérielle est non seulement impliquée dans la morbidité et la mortalité cérébro-vasculaires, mais également dans la pathogénie des troubles cognitifs et des démences.
Plusieurs études longitudinales indiquent que le niveau cognitif des sujets est souvent inversement proportionnel aux valeurs de pression artérielle mesurées 15 ou 20 ans auparavant. Plus la pression artérielle initiale était élevée, moins bon est le fonctionnement cognitif ultérieur.
En l’absence de prévention, le nombre de sujets déments risque de s’accroître de 10 millions en 2000 à 37 millions en 2050 dans les pays développés, et de 8 à 65 millions dans les pays en voie de développement. L’identification et la prise en charge des facteurs de risque de ces affections invalidantes doivent donc être une priorité, afin de définir les meilleurs outils d’une prévention précoce.
Les relations entre le fonctionnement cognitif et les valeurs de pression artérielle ont fait l’objet de nombreuses controverses. Les conclusions des études épidémiologiques varient selon la méthodologie utilisée et dépendent notamment du caractère transversal ou longitudinal de l’essai, de la population incluse et du mode d’évaluation des fonctions cognitives.
HTA et déclin cognitif
La survenue d’altérations cognitives est une complication de l’hypertension artérielle qui a été longtemps sous-estimée en dehors des démences vasculaires par infarctus multiples, des états lacunaires et de la maladie de Binswanger.
Les données des études transversales indiquent des résultats parfois divergents en ce qui concerne les relations entre l’hypertension artérielle et le déclin cognitif. En revanche, les études longitudinales, qui sont plus informatives puisqu’elles étudient le retentissement de l’hypertension « chronique » sur les fonctions cognitives, sont plus concordantes et la plupart d’entre elles indiquent un lien entre l’hypertension et l’altération cognitive (encadré, tableau).
En particulier, l’hypertension à l’âge moyen de la vie apparaît comme un paramètre fortement prédictif de détérioration cognitive ultérieure. Ainsi, plus la pression artérielle initiale est élevée, moins bon est le fonctionnement cognitif ultérieur.
Certains travaux qui ont inclus des sujets très âgés ont décrit une relation dite de « courbe en J » caractérisée par de moins bonnes performances cognitives chez les patients ayant les valeurs les plus hautes ou les plus basses de pression artérielle. Dans ce cadre, une pression artérielle basse peut être liée à d’autres pathologies associées, elles-mêmes à l’origine d’une altération cognitive, comme par exemple une altération de l’état général ou une insuffisance cardiaque.
D’une façon générale, il faut souligner la grande variabilité interindividuelle des capacités cognitives des patients hypertendus. Certains ont des altérations cognitives importantes alors que leur hypertension est modérée, d’autres ont des altérations minimes avec une hypertension sévère. L’existence d’une interaction entre l’âge et la pression artérielle n’explique qu’une part de cette variabilité. D’autres facteurs potentialiseraient l’effet délétère de l’hypertension, tels le diabète, l’hyperinsulinisme ou l’hypercholestérolémie.
L’étude de Rotterdam a montré une corrélation significative entre les facteurs de risque cardio-vasculaire, dont l’hypertension artérielle ou la présence de lésions athéromateuses, et la maladie d’Alzheimer.
Enfin, dans toutes études longitudinales incluant des sujets âgés, il importe de prendre en compte le nombre de sujets perdus de vue ou décédés, car il est probable que les sujets ayant une atteinte cognitive soient plus souvent perdus de vue et/ou aient une mortalité supérieure aux autres.
En résumé
Même si la corrélation entre le niveau cognitif et la pression artérielle reste inférieure à celle observée avec l’âge, la plupart des études longitudinales indiquent qu’une hypertension artérielle chronique altère le fonctionnement cognitif.
Corrélation entre hypertension artérielle et démences
Négative en général
L’hypertension expose non seulement au risque de déclin cognitif mais aussi au risque de démence toutes causes confondues. En effet, si l’hypertension artérielle est, avec l’âge, le principal facteur de risque des démences vasculaires, une relation entre pression artérielle et maladie d’Alzheimer a aussi été mise en évidence.
À Göteborg, Skoog a étudié la relation entre la pression artérielle mesurée à l’âge de 70 ans et l’incidence de la démence 9 à 15 ans plus tard. Les valeurs de pression artérielle à l’âge de 70 et 75 ans sont plus élevées chez les patients qui vont développer une démence entre 79 et 85 ans, comparativement à ceux qui ne développent pas de démence.
En revanche, dans les années qui accompagnent le début de la démence, la pression artérielle devient identique, voire inférieure à celle des patients qui ne développent pas de démence. Cette baisse de pression artérielle, qui accompagne la survenue et l’évolution de la démence, pourrait être due soit à un processus pathologique affectant également les fonctions cognitives (altération de l’état général, dénutrition, grabatisation, insuffisance cardiaque), soit à la démence (perte neuronale des centres régulateurs de la pression artérielle).
Positive dans certains cas
Ce phénomène peut, par ailleurs, expliquer certains résultats contradictoires observés dans des études transversales qui montrent une corrélation positive entre hypertension et maladie d’Alzheimer chez des sujets de 69-78 ans, et une corrélation négative chez les sujets plus âgés (75-101 ans).
Dans l’étude de Honolulu, le suivi de 3 703 sujets âgés en moyenne de 53 ans indique une augmentation significative du risque de démences (vasculaires ou maladie d’Alzheimer) 25 ans plus tard chez les hypertendus non traités. Une pression artérielle diastolique ≥ 95 mmHg s’accompagne d’une augmentation du risque de démences de 4,3 (IC 95 % = 1,7-10,8) et une pression artérielle systolique ≥ 160 mmHg indique un risque de démences de 4,8 (IC 95 % = 2,0-11,0).
Le suivi de 1 449 Finlandais, pendant 21 ans, montre qu’une élévation de la pression artérielle systolique (PAS) à l’âge moyen de la vie (53 ans) s’accompagne d’une augmentation significative du risque de maladie d’Alzheimer 21 ans plus tard, de 2 (IC 95 % = 1,0-4,3) pour une PAS ≥ 140 mmHg et de 3,1 (IC 95 % = 1,4-6,6) pour une PAS ≥ 160 mmHg.
Enfin, le suivi pendant 6 ans de 1 270 sujets non déments, âgés de 75 à 101 ans, indique qu’une pression artérielle systolique élevée et une pression diastolique basse sont associées à une augmentation du risque de maladie d’Alzheimer (risque relatif 1,5, IC 95 % = 1,0-2,3) et de démence (risque relatif 1,6, IC 95 % = 1,1-2,2), ce qui suggère le rôle de la pression pulsée et de la rigidité artérielle.
Hypothèses physiopathologiques
Les mécanismes par lesquels l’hypertension artérielle altère les fonctions cognitives sont encore mal connus. L’hypertension artérielle pourrait être à l’origine de modifications vasculaires affectant le débit sanguin et le métabolisme cérébral.
Ainsi, l’existence de lésions cérébrales focales d’origine vasculaire et/ou d’une ischémie chronique de la substance blanche en rapport avec une atteinte des petites artères cérébrales (artériosclérose, lipohyalinose des artères perforantes) pourrait contribuer à l’expression anticipée d’une maladie d’Alzheimer encore infraclinique, faisant atteindre le seuil de démence plus précocement.
D’autres mécanismes physiopathologiques sont aussi évoqués, comme des troubles de la microcirculation cérébrale, une dysfonction endothéliale, la production en excès de radicaux libres à l’origine d’une mort cellulaire (apoptose) au niveau de l’hippocampe et du cortex cérébral.
De même, une dysfonction de la barrière hématoencéphalique, entraînant une augmentation de la perméabilité vasculaire à l’origine d’une extravasation protéique, en particulier du peptide amyloïde, dans le parenchyme cérébral, est potentiellement impliquée dans la survenue des troubles cognitifs chez les hypertendus.
Enfin, les périodes d’hypotension-hypoperfusion-hypoxie, observées chez les hypertendus, liées parfois aux traitements mais le plus souvent sans rapport avec ces derniers, pourraient accélérer les phénomènes lésionnels cérébraux.
Conclusion
L’hypertension artérielle est étroitement corrélée à la survenue des accidents vasculaires cérébraux ainsi qu’à l’altération des fonctions cognitives et à la survenue des démences.
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