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HTA

Publié le 26 sep 2006Lecture 11 min

HTA et insuffisance rénale - Comment adapter les antihypertenseurs ?

A. GUÉRIN, centre hospitalier Manhès, Fleury-Mérogis

L'hypertension artérielle est la cause mais aussi la complication la plus fréquente de l'insuffisance rénale chronique. Les formes les plus fréquentes d'hypertension secondaire sont représentées par les atteintes chroniques du parenchyme du rein (environ 5 % de l'ensemble des causes d'hypertension).
Ces atteintes du parenchyme rénal conduisent le plus souvent et de façon plus ou moins rapide à l'insuffisance rénale terminale. Par ailleurs, lorsque l'insuffisance rénale progresse, le pourcentage de patients qui deviennent hypertendus augmente. La part des patients qui sont hypertendus lorsqu'ils ont atteint le stade de l'insuffisance rénale chronique terminale représente environ 85 à 90 % des patients entrant en dialyse.

Chez les patients insuffisants rénaux (IR) chroniques, l'hypertension artérielle (HTA) augmente le risque de complications. En particulier et indépendamment de la cause de l'IR, l'HTA augmente la rapidité de la dégradation de la fonction rénale. Elle favorise la précocité et accélère la progression des complications cardiovasculaires et la mortalité précoce. Chez les patients insuffisants rénaux, l’HTA est le plus souvent de type systolique isolée avec une pression artérielle diastolique (PAD) normale ou basse. C'est la pression artérielle systolique (PAS) qui prédit le mieux le risque d'évolution vers l'IR terminale. Comme dans la population générale, la pression pulsée (ou différentielle) est un facteur de risque cardiovasculaire. Cette élévation de la PAS sans élévation concomitante de la PAD est liée à une augmentation de la rigidité artérielle. Diverses études ont montré que l'augmentation de la rigidité artérielle, comme d'autres témoins de l'atteinte vasculaire telle l’épaisseur intima-média, commencent assez tôt au cours de l'évolution de l'IR.   Comment définir l'atteinte rénale ?   L'atteinte rénale est définie soit : • par l'existence de lésions du parenchyme au cours d'une biopsie rénale, • par l'existence d'une diminution de la filtration glomérulaire qui devient inférieure à 60 ml/min/1,73m2 (mesurée ou appréciée par la formule de Cockroft ou, mieux, celle du « Modification of Diet in Renal Disease study group », MDRD simplifié), • par la présence d'une albuminurie ou d'une protéinurie ou d'une anomalie de sédiment urinaire. Au cours de la maladie rénale chronique, le stade de l'IR est défini par le débit de la filtration glomérulaire (DFG), indépendamment de la cause (tableau I). Le traitement de l’HTA au cours de l’IR est multiple et doit prendre en compte l'ensemble des facteurs de risque associés ou aggravants.   Les facteurs de risque - Si l'on considère le risque cardiovasculaire associé à l'HTA, la présence d'une IR est regardée comme un facteur de risque majeur nécessitant sa prise en compte pour définir le niveau de PA à atteindre - Si l’on considère l'IR, le traitement de l'HTA a un impact sur plusieurs facteurs modifiables qui ont un rôle dans la progression de l'IR, incluant l'HTA elle-même, mais aussi l'albuminurie ou la protéinurie. Il est possible que l’utilisation de médicaments ayant une action spécifique, s’accompagne d’effets collatéraux : par exemple, une augmentation de l'activité du système rénine-angiotensine et son action pro-inflammatoire, pro-fibrosant, induisant localement la production de cytokines, de chémokines et de facteurs de croissance et agissant sur la prolifération et la migration des cellules musculaires lisses de la paroi artérielle   L'albuminurie et la protéinurie De nombreuses études ont montré que l'albuminurie, souvent appelée de façon impropre microalbuminurie, est un facteur indépendant de risque cardiovasculaire chez les patients diabétiques et, dans certaines études, mais pas toutes, chez les sujets non diabétiques. Une explication possible est que l'albuminurie représente un marqueur de la sévérité de l'atteinte vasculaire liée au diabète ou à l'HTA. Par ailleurs, la protéinurie est un facteur d'aggravation de la fonction rénale, probablement parce qu'il s'agit d'un facteur aggravant de la fibrose péritubulaire, elle-même responsable de l'aggravation de la fonction rénale. On a pu montrer que la diminution de la PA peut le plus souvent diminuer le débit de l'albuminurie ou de la protéinurie, et dans le meilleur des cas, la faire disparaître, ce qui retarde la progression de l'IR. Au moins chez les patients diabétiques, il a été montré que les bloqueurs des récepteurs de l'angiotensine II ont un effet spécifique indépendant de l'effet antihypertenseur, sur la diminution de l'albuminurie. On sait qu'au cours de l'IR, l'altération de la fonction de l'endothélium est caractérisée par une diminution de la vasodilatation endothélium-dépendante, liée soit à une diminution de la production de l’oxyde nitrique (NO), soit à une diminution de sa disponibilité secondaire à une augmentation du stress oxydatif, soit à l'accumulation d'homocystéine et d'asymmetric dymethylarginine, un inhibiteur endogène de la NO synthase qui altère la fonction endothéliale.   L'HTA comme facteur de progression de l'insuffisance rénale De nombreuses études cliniques sont en faveur d'une relation forte entre l'élévation de la PA et la rapidité de progression de l'IR. Cet effet est probablement dû à l'action délétère d'une élévation de la pression intraglomérulaire. Cette dernière est la résultante du débit sanguin dans un seul néphron, de la résistance artériolaire afférente et de la résistance artériolaire efférente, la réduction de cette dernière étant moindre. Cela permet une augmentation du débit de filtration de chacun des néphrons restants qui compense partiellement la perte des autres néphrons mais conduit à long terme à l'apparition d'une protéinurie, d'une glomérulosclérose et d'une insuffisance rénale. Cependant il est important de se souvenir que les études épidémiologiques américaines ont montré que la plupart des patients chez qui l’on découvre une IR stade 3 n'évolueront pas jusqu'à l'IR terminale mais mourront de complications cardiovasculaires avant.   La stratégie thérapeutique chez l'insuffisant rénal   Il y a peu d'études comparant le niveau de PA ou différentes classes de médicaments antihypertenseurs et la diminution du risque cardiovasculaire chez les insuffisants rénaux chroniques. Donc la plupart des recommandations sont une extrapolation des recommandations faites pour la population générale. Cette stratégie est multiple et doit tenir compte de la cause et du degré de l’IR mais aussi du risque cardiovasculaire aggravé par sa présence. Il est donc nécessaire : • de baisser la PA; • de réduire autant que faire se peut la vitesse de dégradation de la fonction rénale ; • mais aussi de réduire le risque cardiovasculaire. Par conséquent, elle doit être associée au traitement des facteurs de risques en particulier cardiovasculaires associés La stratégie thérapeutique doit être modifiée en fonction de l'importance de la protéinurie. Enfin, on peut être amené à faire un choix entre ces différentes buts en fonction de la stratification des risques. La dégradation du DFG en raison du vieillissement est estimée à 1 ml/min/1,73m2/an. Le traitement de l'HTA doit donc tenter de retrouver ce chiffre ou de s'en approcher. Cependant, cette dégradation est toujours difficile à estimer. En effet, certains médicaments utilisés dans ce but ou bien pour contrôler la protéinurie (par exemple, les IEC ou les ARA II) entraînent fréquemment une dégradation de la fonction rénale à court terme mais certaines études, en particulier chez les patients diabétiques, ont montré un bénéfice à long terme.   Le but à atteindre en matière de contrôle tensionnel chez les patients ayant une IRC   De nombreuses recommandations ont été publiées entre 2003 et aujourd'hui, en particulier le rapport du JNC 7 aux États-Unis, les recommandations de la Société européenne d'hypertension et la Société européenne de cardiologie en 2003, les K/DOKI par la National Kidney Foundation en 2004, très récemment, de nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé et enfin les recommandations professionnelles de la Société de néphrologie concernant « les moyens thérapeutiques pour ralentir la progression de l'insuffisance rénale chronique chez l'adulte ». Une des grandes différences entre le JNC 6 et le JNC 7 sur le sujet qui nous occupe est la reconnaissance de l'IRC et de la protéinurie comme deux facteurs de risque cardiovasculaire indépendants et la nécessité des les prendre en compte dans le choix de la cible de PA et aussi dans le choix du traitement antihypertenseur. L'ensemble des recommandations qui ont suivi ont évolué dans le même sens. Cependant, chez certains patients, il peut être nécessaire de maintenir une PA plus élevée, en particulier, chez les patients ayant des manifestations d'hypotension orthostatique ou d'hypotension postprandiale, surtout s'ils sont âgés, en cas de dysautonomie chez le diabétique ou en cas d'artériopathie périphérique symptomatique. Dans l'ensemble de ces recommandations, l'utilisation d'un Inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) ou d'un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine II (ARAII) en première intention, que les patients soient diabétiques ou non, repose sur le résultat plusieurs dizaines d'études. Cependant, comme le soulignent les K/DOKI, toutes les classes d'antihypertenseurs sont efficaces pour diminuer la PA (tableau 2) avec des avantages et des inconvénients qui doivent être pris en compte en fonction des antécédents et de l'état clinique de chaque patient. Les diurétiques   Il est important de se souvenir que la rétention hydrosodée est une des causes majeures d'HTA chez les patients insuffisants rénaux chroniques. La fréquence de leur utilisation avait largement diminué avec l'arrivée de nouvelles classes thérapeutiques. Cependant, l'étude ALLHAT (Antihypertensive and Lipid Lowering treatment to prevent Heart Attack Trial) qui inclut 7 110 patients ayant un DFG < 60 ml/min/1,73 m2 montre que les diurétiques thiazidiques font aussi bien que les IEC (losartan) ou les inhibiteurs calciques (amlodipine) et met en évidence des résultats similaires dans la population des IR comparés aux résultats obtenus dans la population générale, aussi bien en ce qui concerne le risque cardiovasculaire que le déclin de la fonction rénale. Les diurétiques thiazidiques ayant une efficacité moindre en cas d'IR avancée, les diurétiques de l'anse sont préférés lorsque la fonction rénale est < 30 ml/min/1,73m2 Cependant, ces derniers sont moins efficaces en cas de fonction rénale normale en raison de leur courte durée d'action. Les épargneurs de potassium sont moins efficaces pour diminuer le volume extracellulaire. En cas d'IR avancée, le risque d'hyperkaliémie est important. Ils sont donc peu utilisés en cas d'IRC.   Les bêtabloquants   Il en existe plusieurs classes avec différents bénéfices ou effets secondaires. Leur description n’entre pas dans le cadre de cet article. Signalons que les bêtabloquants hydrosolubles (aténolol, sotalol) ont une élimination rénale et donc une demi-vie allongée chez l'IRC. Les bêtabloquants sont particulièrement indiqués chez les patients avec des antécédents coronariens ou en cas d'insuffisance cardiaque pour le carvédilol ou le bisoprolol.   Les IEC ou les ARA II Ils ont de multiples indications chez les patients IRC, y compris chez ceux présentant des comorbidités associées. Ils ralentissent le déclin de la fonction rénale chez les patients diabétiques et chez les patients non diabétiques protéinuriques. Une récente métaanalyse de 11 études randomisées suggère que l'effet soit indépendant du niveau de PA et du degré de protéinurie, et serait en partie lié à l'effet pléïotropique des IEC. Il semble que l'augmentation des doses d'ARAII, alors que la PA apparaît contrôlée, entraîne une diminution supplémentaire de la protéinurie. De la même façon, l'association d'un IEC et d'un ARAII aurait un effet additionnel sur la protéinurie et sur la protection rénale. À cet effet vient s'ajouter le bénéfice attendu en postinfarctus et chez les patients insuffisants cardiaques. Il a été suggéré que cette classe de médicaments antihypertenseurs aurait un meilleur effet sur la régression de l'HVG. Rappelons ici que l'HVG est présente chez plus de 80 % des patients qui arrivent au stade terminal de l'IR. Il a été montré que celle-ci apparaît précocement au cours de l'évolution de l'IR, probablement dès 60 ml/min/1,73 m2 de clairance de la créatinine. Chez un patient dont le bilan clinique est en faveur d'une atteinte polyartérielle, l'élimination d'une sténose d'une ou des artères rénales peut être nécessaire avant toute prescription d'un médicament affectant le système rénine-angiotensine, ce d'autant que la levée d'une sténose artérielle peut retarder l'évolution vers l'IR terminale et permettre un meilleur contrôle de la PA. Enfin, il faut se rappeler que, lors de la prescription chez un IR, les IEC comme les ARAII peuvent induire une élévation de la kaliémie, mais aussi une élévation de la créatininémie (cf. infra) et qu'il est donc absolument nécessaire d'effectuer un contrôle de ces paramètres dans les 48 à 72 h et 3 semaines qui suivent la première prescription ou une modification du dosage thérapeutique. Expérimentalement, des études ont montré que de très fortes doses d'IEC ou d'ARA II sont capables d'induirent une régression de la fibrose rénale, facteur déterminant de la progression de l'IR.   Les inhibiteurs calciques   Si les recommandations en l'absence de contre-indication sont l'utilisation d'un IEC le plus souvent associé à un diurétique, la prise en charge de ce type de patient conduit le plus souvent à une plurithérapie. L'intérêt des inhibiteurs calciques réside d'abord dans le supplément de baisse de la PA que l'on peut obtenir en les associant aux médicaments de première intention, outre l'absence de nécessité d'une adaptation de dose en fonction du degré d'IR. Par ailleurs, les non-dihydropyridiques apportent un effet bénéfique sur l'IRC et le risque cardiovasculaire. Le diltiazerm et le vérapamil diminuent la protéinurie chez les insuffisants rénaux diabétiques. On a pu montrer que l'association de vérapamil et de losartan a un meilleur effet que l'utilisation d'un seul de ces médicaments, même lorsque la dose est double. Une étude associant vérapamil et trandolapril a montré des résultats similaires. Certaines études ont montré que les dihydropyridines pouvaient diminuer la protéinurie et la progression de l'IR. Cependant, les études comparant une dihydropyridine à un IEC ont mis en évidence un résultat moins bon ou équivalent. Il faut souligner le risque d'apparition d'œdèmes des membres inférieurs avec cette classe thérapeutique, qui pose le problème de leur étiologie, effet secondaire ou surcharge hydrosodée.   Les autres médicaments   Les agents à action centrale ou les bloqueurs-a1 sélectifs ne peuvent être que des médicaments de deuxième intention. Ils n'ont pas fait la preuve de leur efficacité ni sur la progression de l'IR, ni sur le risque cardiovasculaire dans cette population. Par ailleurs, ils ont de nombreux effets secondaires qui ne peuvent être détaillés ici mais qui sont identiques à ceux rencontrés chez les hypertendus sans IR. Quant au minoxidil, vasodilatateur périphérique puissant, ses effets secondaires, et en particulier la rétention hydrosodée qu'il induit, rendent son utilisation problématique ; sa prescription ne peut s'envisager qu'en association avec un bêtabloquant et des diurétiques de l'anse et doit être réservée à des formes résistantes à une quadrithérapie bien conduite et une bonne observance du traitement. Citons les associations médicamenteuses dont on connaît l'intérêt pour l’observance du patient à son traitement. Beaucoup associent une faible dose de thiazidique souvent à un bloqueur du système rénine-angiotensine pour obtenir un effet synergique et ne peuvent être recommandées chez des patients dont l'IR est déjà évoluée. Mais leur utilisation doit être considérée chaque fois que c’est possible, en particulier chez un patient dont la PA est bien équilibrée lors de plusieurs consultations, en remplacement de deux médicaments contenus dans une association. Comme dans la population générale, les conseils diététiques et les modifications du style de vie sont à considérer. Cependant, il est nécessaire de tenir compte de l'étiologie de l'IR (diabète par exemple) et du degré de celle-ci. La restriction sodée reste souhaitable en l'absence de néphropathie interstitielle avec perte de sel.   Conclusion   Le traitement de l'hypertendu insuffisant rénal modifie significativement la prise en charge et les recommandations. Une PA < 130/80 mmHg est le but à atteindre. Cet objectif est souhaitable mais difficile à atteindre chez des patients qui ont le plus souvent une hypertension systolique isolée. L'utilisation d'un IEC ou d'un ARAII en première intention semble incontournable, en particulier en présence d'albumine dans les urines ou d'un diabète. Mais il faut se souvenir que l’insuffisance rénale ou la protéinurie, qui doit être systématiquement recherchée, en fait un patient à haut risque cardiovasculaire.

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