Publié le 20 mai 2008Lecture 5 min
Insuffisance aortique aiguë, une urgence diagnostique et thérapeutique
R. ROUDAUT, Hôpital Cardiologique du Haut-Lévêque CHU de Bordeaux, Pessac
L’insuffisance aortique aiguë (IAA) est classiquement mal tolérée (OAP) et requiert une prise en charge urgente et adaptée à l’étiologie : endocardite, dissection aortique, traumatisme, ou plus rarement éversion de cuspide sur dégénérescence fibroélastique.
Rappels physiopathologiques
L’IAA provoque une surcharge volumétrique aiguë sur un ventricule gauche non dilaté, ce qui entraîne une augmentation brutale de la pression télédiastolique du VG (PTDVG). Cette élévation de la PTDVG s’accompagne d’une élévation de la pression OG qui se traduit cliniquement par un OAP.
L’augmentation aiguë de la PTDVG conjuguée avec une PA diastolique très basse du fait de l’absence d’étanchéité du plancher aortique peut inverser le gradient de pression VG/OG et entraîner une fermeture prématurée de la valve mitrale avant l’onde P de l’ECG et une IM diastolique.
Mécanismes et étiologies
De multiples causes peuvent être à l’origine d’une IAA, les trois principales étant : l’infection, le traumatisme et la dissection aortique.
Endocardite infectieuse
L’EI est la cause la plus fréquente d’IAA. Les mécanismes sont variés : capotage d’une sigmoïde, perforation, désinsertion d’une prothèse, etc. (figure 1).
Figure 1. ETT – Incidence apicale de 5 cavités. (a – b) Insuffisance aortique grave associée à un petit abcès sur la paroi postérieure du manchon aortique (flèche).
Dissection aortique
Le contexte clinique est le plus souvent dominé par la douleur thoracique. L’IA répond à des mécanismes variés : éversion d’une sigmoïde par dissection de l’anneau, prolapsus du voile intimal.
Traumatisme thoracique
L’IAA est une complication classique d’un traumatisme fermé du thorax (défenestration, accélération brutale...).
Parmi les autres causes plus rares citons : l’IAA inflammatoire, l’IAA sur bicuspidie aortique, l’IAA post-cathétérisme interventionnel (dilatation de RA, endoprothèse) ou encore après l’implantation d’une prothèse mitrale...
Tableau clinique et paraclinique
Clinique
Dans ce contexte d’OAP et de tachycardie, le souffle diastolique peut être difficile à entendre, il est plus bref et de tonalité plus grave que celui d’une IA chronique et s’accompagne parfois d’un roulement de Flint, d’un B3.
L’ECG est le plus souvent normal en dehors de la tachycardie.
La radiographie thoracique montre un cœur de volume normal en l’absence de pathologie sous-jacente, des signes de surcharge vasculaire pulmonaire et, en cas de dissection aortique, un élargissement du médiastin.
L’écho-Doppler cardiaque est l’examen-clé permettant un diagnostic positif, de gravité et étiologique et guidant la prise en charge thérapeutique.
Diagnostic positif et quantitatif
En échocardiographie, les signes directs d’IAA sont inconstants : éversion d’une sigmoïde, mais le plus souvent il s’agit de signes indirects : fluttering mitral, fermeture prématurée de la valve mitrale (figure 2), hyperkinésie du VG.
Figure 2. ETT illustrant (a) une fermeture prématurée de la valve mitrale (flèche) (b) et une ouverture prématurée de la valve aortique.
Le Doppler dans ses différentes modalités confirme l’IA sévère :
- en Doppler couleur, le flux régurgitant remplit le VG ; à noter cependant que la tachycardie peut gêner l’appréciation de l’IA. Les diamètres du jet à l’origine et celui de la vena contracta sont importants, mais leur appréciation peut être difficile lorsque le jet est excentré. L’évaluation du diamètre du flux de convergence (PISA) et de la surface de l’orifice régurgité (SOR) sont de bons critères de sévérité ;
- en Doppler pulsé, un débit antérograde supérieur à 10 l/m est en faveur d’une IA importante. La mesure de la vitesse télédiastolique du flux au niveau de l’isthme de l’aorte supérieure à 18 cm/s est classiquement un critère d’IA importante. Ce paramètre peut néanmoins être pris en défaut du fait de la tachycardie et de l’absence de plateau télédiastolique remplacé par une décroissance rapide au cours de la diastole en raison de l’absence d’étanchéité du plancher aortique (figure 3) ;
- en Doppler continu, la mesure du temps de demi-pression et de la vitesse de décélération du flux d’IA sont des éléments de diagnostic essentiels. Un PHT inférieur à 350 ms est en faveur d’une IA grave, de même qu’un temps de décélération > 3 m/s2 (tableau 1).
Figure 3. ETT illustrant une insuffisance aortique en Doppler continu avec pente abrupte (a), et une insuffisance mitrale en Doppler pulsé (b), tous deux témoignant d’une insuffisance aortique massive avec élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche.
L’examen s’attachera aussi à mesurer les pressions pulmonaires qui, dans ce contexte, sont, en règle générale, élevées.
Diagnostic étiologique
Dans cette optique, l’ETO est essentiel aussi bien pour la mise en évidence de végétations, de perforation des valves (figure 4), de lambeaux valvulaires dans l’endocardite, du voile mitral dans la dissection aortique (tableau 2 et figure 5).
Figure 4. ETO illustrant une rupture de cuspide avec (a – b) fuite aortique majeure.
Figure 5. ETO illustrant une dissection aortique aiguë avec voile intimal, vrai et faux chenal à proximité des sigmoïdes aortiques.
À noter qu’un lambeau de valve flottant dans la chambre de chasse du VG peut être difficile à distinguer de façon formelle d’une végétation pédiculée mobile. Il faudra dans ce contexte rechercher un abcès de l’anneau aortique qui représente une complication fréquente.
De nos jours, la qualité des résultats de l’échocardiographie (ETT–ETO) rend le plus souvent inutiles les autres explorations invasives.
Le cathétérisme cardiaque-coronarographie
Le bilan hémodynamique est loin d’être systématique et ne sera réalisé qu’en fonction du contexte, en particulier chez des patients coronariens ou présentant de nombreux facteurs de risque.
Aspects thérapeutiques
L’IAA est une urgence médico-chirurgicale. La première étape est médicale et vise à stabiliser l’hémodynamique du patient.
Traitement médical
Le traitement de l’OAP nécessite une hospitalisation en unité de soins intensifs ou de réanimation et l’administration de diurétiques ou vasodilatateurs, le plus souvent des dérivés nitrés par voie intraveineuse, selon le cas, associés ou non à la ventilation assistée et à des drogues inotropes.
Un traitement complémentaire tenant compte de l’étiologie sera débuté en cas de :
- dissection aortique : antihypertenseurs,
- endocardite : antibiotiques.
Dans ce contexte, il est toujours souhaitable d’obtenir une stabilisation hémodynamique permettant de réaliser une antibiothérapie de quelques jours. Cependant, la persistance d’une insuffisance cardiaque classe III à IV de la NYHA est une indication formelle à une chirurgie précoce.
Traitement chirurgical
En règle générale, il est nécessaire en urgence, ses modalités dépendant de l’étiologie de l’IA (remplacement valvulaire, intervention de Bentall, etc.). Cependant, il s’agit toujours d’une chirurgie à haut risque.
En conclusion
L’IAA est une urgence médico- chirurgicale. L’échocardiographie joue un rôle essentiel dans la prise en charge et l’orientation thérapeutique.
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