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Explorations-Imagerie

Publié le 29 jan 2008Lecture 9 min

IRM et scanner : une alternative à la coronarographie ?

J. GAROT, Fédération de Cardiologie, CHU Henri Mondor, Créteil


AHA
La valeur prédictive négative du scanner est excellente chez des patients à risque faible ou modéré de présenter une insuffisance coronaire. Chez ces patients, un scanner coronaire ne mettant pas en évidence de lésions coronaires permet d’exclure la présence de la maladie avec une exactitude de 98-99 %. En revanche, les chiffres de valeur prédictive positive sont plus décevants et dépendent de la prévalence de la maladie dans la population étudiée. Le congrès de l’AHA 2007 à Orlando a permis, pour la première fois, de faire figurer au programme des très attendus « Late Breaking Trials » une étude visant à mieux préciser le rôle et la place du scanner coronaire dans une population de patients à prévalence assez élevée de présenter une insuffisance coronaire.

CORE-64 : bien qu’à l’honneur, le scanner coronaire se cherche toujours L’étude CORE-64 est un essai prospectif multicentrique international évaluant l’efficacité diagnostique du scanner 64 coupes comparé à l’angiographie conventionnelle pour mettre en évidence une sténose coronaire. L’étude a été présentée par J. Miller du Johns Hopkins Hospital de Baltimore, et 9 centres y ont participé dans 7 pays. Outre son caractère multicentrique international, les particularités de cet essai sont doubles : - l’étude est présentée comme s’adressant, de manière non ou peu sélectionnée, à des patients à risque moyen ou élevé de présenter une insuffisance coronaire ou ayant une coronaropathie connue ; - la valeur du scanner est évaluée par rapport à l’angiographie conventionnelle pour prédire la réalisation d’un geste de revascularisation.   Méthodologie Les critères d’inclusion sont les suivants : patients de plus de 40 ans avec une coronaropathie suspectée ou connue, pour lesquels une coronarographie est demandée. Le scanner est alors réalisé avant la coronarographie et les deux examens sont analysés dans des centres indépendants. La coronarographie est réalisée au maximum 30 jours après le scanner et les patients sont suivis à J30 et 6 mois pour évaluer la réalisation éventuelle d’un geste de revascularisation. Les auteurs ont comparé les segments coronaires > 1,5 mm, exclu les stents coronaires, et exclu a posteriori les patients ayant un score calcique > 600. L’analyse est visuelle et quantitative. Au total, 405 pa-tients ont signé le consentement, 89 ayant un score calcique > 600 ont été exclus. Par ailleurs, 25 patients supplémentaires n’ont pas été analysés en raison de déviations au protocole (n = 4), de problèmes techniques lors du scanner (n = 10) ou de la coronarographie (n = 11). Au total, 291 pa- tients ont été analysés, représentant 868 artères et 3 782 segments coronaires. La population étudiée est constituée de 74 % d’hommes, d’âge médian 59 ans (52-66), avec un IMC moyen à 27. La fraction d’éjection est normale (63 %) et le score calcique médian est faible à 80 (1-244).   Résultats L’ensemble des segments coronaires a pu être évalué chez 97 % des patients (282/291), 98 % des vaisseaux ont pu être analysés (854/868), et 95 % des segments coronaires (3 763/3 782). Pour le critère primaire d’évaluation, l’analyse quantitative en scanner a permis de mettre en évidence une courbe ROC avec une surface sous la courbe à 0,93, avec une sensibilité à 85 %, spécificité à 90 %, valeur prédictive positive à 0,91, et valeur prédictive négative à 0,83 par rapport à la coronarographie quantitative (QCA, sténose > 50 %). La prévalence de l’insuffisance coronaire dans la population étudiée est de 56 %. Pour l’analyse par vaisseaux, la surface sous la courbe est de 0,91, avec une sensibilité à 76 %, spécificité à 93 %, valeur prédictive positive à 82 %, et valeur prédictive négative à 89 %. En analyse par patient, la surface sous la courbe ROC est de 0,84 en scanner pour prédire une revascularisation et de 0,82 pour la coronarographie. Les auteurs concluent que la valeur diagnostique du scanner coronaire est bonne par rapport à la coronarographie conventionnelle dans cette population de patients à prévalence élevée de maladie coronaire (56 %). L’efficacité diagnostique du scanner est plus marquée en analyse par patient. Enfin, ils affirment que le scanner 64 coupes peut être utilisé chez des patients ayant une coronaropathie suspectée et un score calcique < 600, pour déterminer la présence d’une insuffisance coronaire et prédire la nécessité d’une revascularisation coronaire (figure 1). Figure 1. Exemple d’un patient évalué en scanner et en coronarographie conventionnelle 6 mois après implantation de stents au niveau de la coronaire droite et d’un pontage saphène sur la marginale. Pas de resténose au niveau des 2 stents de la CD (segments 2 et 3, figures 1A, B), resténose intra-stent au niveau du pontage (hypodensité, flèche, figures 1C, D). Notez bien que les segments stentés sont exclus dans l’étude CORE-64. Discussion La lecture critique de cet essai doit faire prendre un peu de recul par rapport aux conclusions et à la façon dont l’essai est globalement présenté. En effet, si les résultats apparaissent très positifs, certaines limites importantes doivent être mises en avant. D’une part, le type d’étude (prospective multicentrique internationale) et les conclusions font penser à tort que ces résultats s’appliquent à une population large de patients, ayant une probabilité moyenne/élevée de présenter une insuffisance coronaire ou coronariens connus. Or, il faut remarquer que les patients étudiés ici ont été très sélectionnés. En effet, sur 405 patients ayant signé un consentement, seulement 291 entrent dans l’analyse finale. Les patients étudiés ont un score calcique faible (médian 80, max 244). Les segments coronaires stentés sont exclus. La période d’inclusion d’un an dans 7 centres à haut volume n’a permis de retenir que 291 pa-tients, soit environ 45 patients/centre en un an, ce qui apparaît faible par rapport aux critères assez larges d’inclusion. Ces données indiquent que les patients n’ont pas été inclus de manière consécutive, et qu’il existe vraisemblablement un biais de sélection. Enfin, le critère de jugement « nécessité de revascularisation » est des plus critiquables. Il est éminemment subjectif, la décision thérapeutique appartenant au cardiologue du patient, sur des bases qui sont incertaines. Depuis les données de l’étude RITA (Randomized Intervention Treatment of Angina) et plus récemment de COURAGE (Clinical Outcomes Utilizing Revascularisation and Agressive druG Evaluation), il est admis que la revascularisation des coronariens stables n’apporte pas de bénéfice en termes pronostiques. Il est donc très difficile de trouver un rationnel à la décision de revascularisation chez les coronariens stables, qui constituent la population de cette étude CORE-64. La revascularisation par angioplastie peut être justifiée pour alléger les symptômes, mais cette décision est subjective et ne peut sans autre précision constituer un critère de jugement solide d’une étude internationale multicentrique.   En attendant EVASCAN Ainsi, les conclusions de CORE-64 devraient être pondérées et indiquer que, sur une population de patients ayant une prévalence assez élevée de maladie coronaire, mais à faible score calcique et en excluant les stents coronaires, l’efficacité diagnostique du scanner coronaire est acceptable pour mettre en évidence les sténoses coronaires significatives, avec toutefois une efficacité diagnostique moindre que celle admise pour l’exclusion de la maladie coronaire chez des patients à risque faible ou modéré. Nous attendons avec impatience les résultats de l’étude EVASCAN, essai prospectif multicentrique français sur 43 centres, coordonnée par P. Guéret dans le CHU Henri Mondor de Créteil. Cet essai, toujours en cours, inclut de manière prospective non sélectionnée 1 500 patients sur une période de 18 mois environ et compare les résultats du scanner à ceux de la coronarographie. À ce jour, environ 1 000 patients ont été inclus et l’essai devrait se terminer au printemps 2008 pour constituer de loin la plus grande étude mondiale sur l’efficacité diagnostique du scanner pour mettre en évidence les sténoses coronaires, dans une population non sélectionnée de patients coronariens connus, ou suspects de présenter une maladie coronaire.   Les progrès techniques du scanner En 2006, A. Einstein et coll. avaient attiré l’attention sur les risques carcinologiques inhérents à l’irradiation du scanner coronaire. En 2007, de nouvelles techniques d’acquisition se développent dans l’optique de réduire la dose d’irradiation. À titre d’exemple, apparaissent les acquisitions segmentaires avec synchronisation prospective (« step and shoot… ») qui n’enregistrent les données qu’à une phase prédéfinie du cycle cardiaque. Elles permettent une réduction significative de la dose, mais les reconstructions rétrospectives de l’ensemble des phases au cours du cycle ne sont plus possibles (pas d’étude de la fonction VG). Ainsi, le choix des différentes phases de reconstruction des artères coronaires n’est plus permis, posant un problème réel lorsque l’on sait que les phases optimales peuvent être différentes entre la coronaire gauche et la coronaire droite. D’autres méthodes sont développées, comme la synchronisation rétrospective avec modulation de dose, la dose étant en général réduite durant la systole, et plus forte en diastole lors de la phase d’immobilité coronaire optimale. La dose peut être réduite de plus de 50 %. Le scanner à double faisceau d’énergie permet de réduire la résolution temporelle d’un facteur 2 par rapport au scanner 64 coupes (83 vs 165 ms). L’augmentation du nombre de détecteurs (256 coupes) permet d’envisager d’acquérir l’ensemble du volume cardiaque en une rotation du tube. Burgstahler et coll. ont évalué l’intérêt clinique du scanner à double faisceaux d’énergie dans une population de 100 patients avec une prévalence élevée d’insuffisance coronaire (73 %). Les stents sont exclus de l’analyse. La fréquence cardiaque moyenne est de 68 bpm et le score calcique moyen de 787 (50 % des patients ont un score > 400). Les résultats montrent que le score visuel de qualité image ne varie pas jusqu’à une fréquence cardiaque de 95 bpm. La variabilité de la fréquence cardiaque au cours de l’acquisition a un impact certain sur la qualité de l’image, de même que le score calcique. Par rapport à la coronarographie, l’efficacité diagnostique du scanner se définit ainsi : sensibilité 91 %, spécificité 92 %, valeur prédictive négative 98 %, valeur prédictive positive 75 %, efficacité globale 92 %. La fréquence cardiaque et la variabilité de la fréquence cardiaque n’ont pas d’impact sur l’efficacité diagnostique du scanner à double faisceaux d’énergie. En revanche, la sensibilité augmente et la spécificité diminue lorsque le score calcique augmente. Ainsi, le score calcique apparaît comme le seul facteur capable de modifier l’efficacité diagnostique du scanner à double faisceau d’énergie.   IRM   L’IRM de contraste (rehaussement tardif) est la technique de référence en clinique pour la détection de la viabilité myocardique. Cette technique est reproductible d’un centre à l’autre pour la mesure de la taille de l’infarctus. Elle permet de différencier les cardiomyopathies dilatées d’origine ischémique ou primitive. Les aspects du rehaussement sont divers et orientent vers des cardiopathies spécifiques (lésions ischémiques irréversibles, myocardites aiguës, cardiomyopathie hypertrophique, amylose, sarcoïdose, dysplasie arythmogène du VD…). Dans nombre de cardiopathies, la présence et l’étendue du rehaussement revêtent une forte valeur pronostique (cardiomyopathies ischémique, primitive, hypertrophique). L’IRM de stress est affirmée comme une technique de deuxième ligne, après l’épreuve d’effort si celle-ci est sous-maximale, non contributive ou impossible, au même titre que l’échocardiographie de stress ou la scintigraphie myocardique, permettant de mettre en évidence (localisation, étendue) une ischémie myocardique provoquée et réversible. En 2007, son efficacité diagnostique et sa valeur pronostique ont été assises dans des grands journaux de cardiologie (une métaanalyse dans J Am Coll Cardiol, Nandahur et coll. ; Jahnke et coll. Circulation). L’angiographie coronaire non invasive par résonance magnétique permet désormais l’acquisition du volume cardiaque dans sa totalité, en une seule acquisition en respiration libre avec double synchronisation à l’ECG et aux mouvements de la coupole diaphragmatique (écho-navigateur). Ichikawa et coll. ont rapporté les résultats d’une étude multicentrique prospective japonaise concernant 58 patients avec une prévalence relativement faible d’insuffisance coronaire (29 %). Les auteurs montrent la bonne valeur prédictive négative de la technique pour éliminer une sténose coronaire (90 %, vs angiographie conventionnelle). La résolution spatiale est de 1,3 x 1,3 mm et le temps d’acquisition moyen des coronaires est de 10 min (maximum 27 min) (figure 2). Figure 2. IRM coronaire cœur entier mettant en évidence une sténose serrée de l’IVA proximale (haut, flèches) et une sténose non serrée du segment 2 de la CD (bas, flèches). Le taux de succès rapporté est surprenant dans cette étude (100 %) alors que l’on sait la moindre robustesse de cette technique comparativement au scanner. Ainsi, Pouleur et coll. ont comparé le scanner 64 coupes et l’IRM des coronaires dite cœur entier chez 77 patients ayant une prévalence assez faible d’insuffisance coronaire (17/77). L’IRM a permis une analyse diagnostique dans 68 cas sur 77, avec un temps d’acquisition moyen de 20 min. L’interprétation du scanner a été possible chez tous les patients avec un temps moyen d’examen de 5 min. Au total, un nombre plus important de segments coronaires est analysable en scanner. En considérant l’ensemble des examens interprétables ou non, le scanner a une meilleure efficacité diagnostique que l’IRM. Cependant, lorsque les auteurs n’analysent que les examens réussis, l’IRM a la même valeur diagnostique.   Conclusion Cette version 2007 du congrès de l’AHA n’a pas révélé de nouveauté marquante en imagerie. Il faudra retenir : - la tentative d’entrée en scène du scanner coronaire dans les grandes études internationales multicentriques, avec un succès mitigé, - la nécessité incontournable de maîtriser la dose d’irradiation en scanner cardiaque, - la confirmation de la valeur de l’IRM cardiaque pour l’analyse du myocarde, avec la reconnaissance de son apport au diagnostic étiologique et au pronostic, - la non-éclosion confirmée de l’IRM des coronaires qui reste, à ce jour, confinée à des équipes spécialisées et sur de petites séries de patients.

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