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Risque

Publié le 13 déc 2011Lecture 8 min

Stress et risque cardiovasculaire

J.-P. FAUVEL, Institut du Stress et de la Tension*, Hôpital Edouard-Herriot, Université C. Bernard Lyon 1

La réponse au stress, qui engendre une stimulation sympathique, est un mécanisme acquis depuis des millénaires qui a permis la survie des espèces. Mais déviation de la vie moderne, l’homme est confronté à des situations stressantes minimes, mais trop fréquentes. L’impact cardiovasculaire du stress dépend de la personnalité de l’individu et de sa susceptibilité physiologique à la mise en jeu du système nerveux sympathique.

Le stress peut être quantifié par des questionnaires qui évaluent non seulement la contrainte (le stresseur), mais aussi l’interprétation que chaque individu fait de cette contrainte. La réactivité physiologique individuelle au stress est mesurée par la réactivité pressionnelle au cours de tests « stressants ». Responsable de poussée tensionnelle répétée et de réabsorption sodée, le stress favorise l’évolution vers l’hypertension artérielle chez certains sujets. Au-delà de l’hypertension, le stress a, dans de nombreuses études, été identifié comme un facteur de risque cardiovasculaire indépendant.   Qu’est-ce que le stress mental ou psychologique ? Le sens de ce terme, souvent galvaudé, mérite d’être précisé. Le stress a été défini en médecine par le Canadien Hans Selye en 1936 qui a montré que la réponse à des agressions diverses était unique, à savoir la stimulation du système sympathique. Le stress est la réponse physiologique à une contrainte, le « stresseur ». Cette contrainte peut être soit physique (la douleur, la lumière, etc.), soit psychologique (le rapport avec autrui, les émotions…). Selye a décrit les 3 phases chronologiques face à un stresseur : la réaction d’alerte, puis l’adaptation et enfin l’épuisement, actuellement connu sous le nom de « burn-out ». Avec le développement des théories cognitives du stress, émerge une nouvelle conception dans laquelle le stress dépend moins des conditions objectives que de la perception qu’a le sujet de l’équilibre ou du déséquilibre entre les exigences auxquelles il est soumis et les ressources qu’il peut mobiliser. Une même situation sera ainsi considérée stressante par certains et motivante par d’autres. Le stress psychologique est une notion subjective et son appréciation dépend de la perception individuelle et du contexte dans lequel il est subi. Le stress, réponse physiologique à un stresseur comporte une phase d’alerte à court terme, une phase d’adaptation à moyen terme et une phase d’épuisement s’il se chronicise. Le seuil d’épuisement varie selon les individus.   Le stress, c’est la vie Par l’intermédiaire de l’hypothalamus et des centres bulbaires, le système nerveux orthosympathique est mis en jeu. Libérant de la noradrénaline par ses terminaisons nerveuses et de l’adrénaline par la médullosurrénale, le système nerveux orthosympathique agit sur la plupart des facteurs intervenant dans le contrôle de la pression artérielle. Au niveau cardiaque, la stimulation des récepteurs b1 adré- nergiques a un effet chronotrope et inotrope positif, concourant à l’augmentation du débit cardiaque. L’augmentation du débit cardiaque est la résultante d’une augmentation de la fréquence cardiaque, associée à une moindre diminution du volume d’éjection systolique.   La stimulation sympathique au niveau vasculaire conduit à une vasoconstriction a prédominante (rénale, cutanée et splanchnique) et à une vasodilatation musculaire (récepteurs b2) aboutissant à une augmentation des résistances périphériques totales. Au niveau rénal, la stimulation sympathique réduit le flux sanguin, stimule la libération de rénine et augmente la réabsorption sodée. La stimulation sympathique de la corticosurrénale entraîne une décharge de glucocorticoïdes augmentant la glycémie et les lipides sanguins. Le stress est une réaction physiologique présente chez tous les vertébrés, qui prépare à une activité musculaire pour l’attaque (la chasse) ou la fuite (moins glorieuse mais toute aussi salvatrice). De plus, si vous êtes blessé, la stimulation sympathique entraîne une vasoconstriction et une augmentation des facteurs prothrombotiques permettant de stopper l’hémorragie. À ce titre là, le stress c’est la vie pour l’individu et la survie pour l’espèce. Le stress, réaction physiologique face à un stresseur, prépare l’organisme à une activité musculaire : tachycardie, augmentation de la PA, vasodilatation musculaire et apport de nutriments aux muscles. Figure 1. Le stress professionnel. Figure 2. Le stress professionnel : une réalité. Peut-on quantifier le stress psychologique ? En médecine, la quantification du stress psychologique est indispensable pour en mesurer les conséquences. Il y a deux méthodes pour quantifier le stress. La première est la réalisation de tests de stress en laboratoire. Tous les sujets sont soumis à une contrainte mentale identique (calcul numérique, test des couleurs) et on mesure les effets de la réponse physiologique (décharge d’adrénaline ou de cortisol, tachycardie, poussée tensionnelle). La deuxième méthode de quantification est beaucoup plus intéressante. Elle permet à l’aide de questionnaires de donner un score utilisable en statistiques. Les premiers questionnaires ne faisaient que recueillir les contraintes subies au cours de l’année précédente (le stresseur) : le décès d’un enfant (contrainte la plus importante), les contraintes professionnelles (même les positives, comme une promotion, sont stressantes), et même certains événements positifs (mais qui se répètent chaque année) comme Noël peuvent être stressants. Les questionnaires plus récents sont beaucoup plus intéressants. Ils s’intéressent à la façon dont chaque individu ressent les contraintes auxquelles il est soumis. Ainsi, une même contrainte peut inhiber certaines personnes et en stimuler d’autres, et donc n’aura pas le même caractère stressant selon les individus (figures 3 et 4). Figure 3. Réactivité à un stress aigu. Figure 4. Retentissements du stress. Stress et risque d’hypertension artérielle Le stress apparaît comme un des facteurs environnementaux qui, agissant en conjonction avec d’autres facteurs environnementaux et sur un terrain génétiquement prédéterminé, pourrait participer à la genèse de l’HTA. Physiologiquement, tout dans la réaction au stress fait augmenter la pression artérielle. À court terme, la stimulation sympathique entraîne une vasoconstriction parfois importante, dépassant volontiers les 20 mmHg tant pour la systolique que pour la diastolique (figure 5). Figure 5. Stress et risque cardiovasculaire. Chez l’animal, il a été clairement montré que le stress d’origine physique (jet d’air sur le museau) ou psychosocial (quête de nourriture dans un environnement défavorable) conduit à une hypertension artérielle permanente durant quelques mois après l’arrêt de la confrontation à la situation stressante. Chez l’homme, une stimulation chronique du système nerveux orthosympathique au cours du stress, pourrait être responsable de certaines formes d’hypertension. Cette hyperréactivité orthosympathique des hypertendus se traduit cliniquement par une réponse pressive exagérée. Une hyperréactivité pressionnelle au stress, préexisterait même au développement de l’hypertension, puisqu’elle a été constamment retrouvée chez les enfants normotendus nés de parent(s) hypertendu(s). L’ampleur de la réactivité pressionnelle au stress a une valeur pronostique positive sur le développement d’une hypertension artérielle chez des adolescents à risque d’HTA. La majorité des études ont montré qu’une augmentation du stress peut conduire à une hypertension artérielle chronique. Si toutes les études n’ont pas des résultats concordants, c’est qu’il existe des différences méthodologiques dans le recueil du facteur stressant, le recueil de l’interprétation individuelle et dans les méthodes de mesure de la PA (médecin du travail, infirmière, MAPA…). Il a été ainsi montré que le niveau de pression artérielle diastolique sur les lieux de travail (mesurée par un holter tensionnel) est significativement corrélé, de façon positive, au niveau de stress ressenti individuellement. Ce haut niveau de stress professionnel aurait même un impact organique, car il est, de plus, significativement corrélé à la masse du ventricule gauche mesurée par échographie. Il est important de noter que cette relation persiste lorsque les résultats sont ajustés sur les autres facteurs de risque de l’HTA potentiellement reliés au stress : la consommation d’alcool, l’âge, la ration sodée, l’obésité, l’activité physique, le statut socio-économique, la personnalité de type A, le tabagisme et la race.   Stress et risque cardiovasculaire Toutes les modifications physiopathologiques induites par la stimulation sympathique du stress concourent au développement des maladies cardiovasculaires. Le rôle propre du stress a été difficile à mettre en évidence car le stress psychosocial favorise tous les autres facteurs de risque cardiovasculaire. En effet, une stimulation sympathique augmente la pression artérielle, stimule l’agrégabilité plaquettaire, entraîne une vasoconstriction, augmente la glycémie, le LDL-cholestérol et diminue le HDL-cholestérol. Il a d’ailleurs été bien montré qu’un stress chronique favorise l’émergence d’un syndrome métabolique. De plus, quand on sait que le stress favorise l’initiation puis le maintien de l’intoxication tabagique, il est nécessaire de prendre en compte tous ces facteurs pour isoler le rôle propre du stress dans la survenue des complications cardiovasculaires. Un stress aigu précipite la survenue des accidents coronariens. Il a été montré qu’au décours d’un tremblement de terre, le nombre d’infarctus du myocarde augmente très significativement. Il en est de même pour des événements moins stressants… Ainsi, pendant la coupe du monde de football 2006 en Allemagne, le taux d’infarctus des téléspectateurs allemands a été multiplié par près de 3 lors du match Allemagne vs Argentine qui s’est terminé par une séance de tirs au but. Parmi les études sur le stress chronique, l’étude Interheart3, réalisée en 2004, demeure une référence. Les données colligées dans plus de 52 pays sur les 5 continents, chez environ 30 000 participants, indiquent que le stress professionnel et/ou familial est un des 9 facteurs (6 facteurs de risque et 3 facteurs protecteurs) permettant de prédire 90 % des infarctus du myocarde chez les hommes et 94 % chez les femmes. Plus récemment, il a été montré que les femmes qui déclarent éprouver un stress élevé au travail ont un risque accru de 40 % de maladies cardiovasculaires, comparativement à celles dont le stress est faible. Insécurité de l’emploi ou stress lié à l’exigence de résultats pourraient accroître jusqu’à 88 % le risque d’infarctus chez les femmes. Le stress au travail doit donc être pris pleinement en compte dans les politiques de prévention des maladies cardiovasculaires. Si les stresseurs sont omniprésents dans notre vie quotidienne, il existe de nombreux moyens de lutter contre ses effets. Certains essais randomisés ont d’ailleurs suggéré malgré tout que des programmes anti-stress contribueraient à diminuer la pression artérielle et les autres facteurs de risque cardiovasculaire. Cependant, il reste encore à prouver formellement que ce type d’intervention puisse modifier la probabilité d’infarctus ou de décès d’origine cardiovasculaire (figures 4 et 5).   En pratique   Le stress qui dans sa définition contient les notions de contrainte (le stresseur), d’intégration de la contrainte (fonction des expériences antérieures et de la personnalité), puis de réactivité physiologique individuelle, est une notion difficile à appréhender et qui a de nombreuses répercussions. La réactivité physiologique au stress explique à court terme les poussées tensionelles et le risque d’infarctus du myocarde par le biais d’une stimulation sympathique. Cette réactivité pressionnelle au stress, qui varie selon les sujets, semble être un facteur de risque prédictif d’HTA. À plus long terme, le stress qui favorise aussi la dyslipidémie, l’agrégation plaquettaire, la vasoconstriction et le tabagisme est un facteur de risque cardiovasculaire indépendant. Il reste à prouver, qu’un programme de gestion du stress puisse diminuer significativement la survenue d’une complication cardiovasculaire. Néanmoins, un programme de gestion du stress dans l’entreprise améliorerait déjà le bien-être des sujets en ces temps de crise bien difficiles pour les entreprises et leurs salariés. *www.institutdustress.fr

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