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Thérapeutique

Publié le 09 déc 2008Lecture 6 min

LDL-cholestérol : atteindre les objectifs, et après ?

S. MAUDUIT

Il y a quelques années encore, les sociétés savantes de cardiologie et les autorités de tutelles recommandaient, en prévention cardiovasculaire secondaire, d'abaisser le LDL-cholestérol (LDL) des patients au-dessous d'un seuil de 1,30 g/l. Puis, à la lumière des premières grandes études d'intervention avec les statines, les Américains dès 2001 (NCEP III), suivis par la Société Européenne de Cardiologie en 2003, et enfin la France en 2005, ont révisé à la baisse cet objectif en fixant à moins de 1 g/l le taux de LDL à atteindre en prévention secondaire. Actuellement, l’American Heart Association suggère un seuil inférieur à 0,7 g/l. Si cet objectif peut aujourd’hui être atteint, c’est grâce à l’efficacité remarquable des statines disponibles qui a révolutionné la prise en charge des dyslipidémies. Néanmoins, même chez les patients à haut risque dont le LDL est ramené en dessous de 0,7 g/l, plusieurs études montrent que le risque cardiovasculaire (CV) reste toujours élevé, ce qui rend nécessaire l’identification d’autres paramètres (en particulier lipidiques) en cause dans cette surmorbidité et le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Que nous apprend l’étude TNT sur le risque vasculaire résiduel ?   L’étude TNT (pour Treating to New Targets), publiée en 2005, a été la première à démontrer qu’un traitement intensif par statines abaissant le LDL autour de 0,70 g/l en prévention secondaire, diminue significativement le risque d’événements coronariens majeurs comparativement à un traitement « standard » ramenant le LDL autour de 1 g/l. L'essai, international et multicentrique, a intégré 10 001 coronariens stables qui ont été suivis 4,7 ans en moyenne. Les résultats obtenus étaient un LDL moyen de 0,77 g/l sous traitement intensif et de 1,01 g/l sous traitement standard. Avec le traitement intensif, un événement cardiovasculaire grave est survenu chez 8,7 % des patients contre 10,9 % avec le traitement standard [soit une baisse en valeur relative de 22 % avec un intervalle de confiance (IC) à 95 % entre – 31 et -11 % ; p < 0,001]. Au delà de la démonstration de l’intérêt d’une baisse du LDL bien au dessous du seuil de 1 g/l chez ces patients à très haut risque (qui était l’objectif de l’étude), TNT permet de souligner l’importance de la morbi-mortalité vasculaire malgré un traitement optimal par statines.   Une métaanalyse de 23 études d’intervention   Il est essentiel de mettre en évidence les causes de ce risque vasculaire résiduel. Des facteurs de risque non lipidiques interviennent bien sûr dans cette surmorbi-mortalité (HTA, tabagisme, prédisposition génétique, etc.) mais de nombreux arguments plaident également pour un rôle majeur de deux autres paramètres lipidiques, un HDL bas et des triglycérides élevés.   Dans une métaanalyse, Brown, ayant rassemblé les résultats de 23 études (soit environ 83 000 patients), suggère que le bénéfice de la baisse du LDL et de celui de la hausse du HDL pris ensemble est bien supérieur à celui de chaque paramètre pris séparément. Ces résultats suggèrent qu’une diminution de 1 % du LDL et une augmentation de 1% du HDL entraînent chacune une diminution du risque CV de 1 % ; ces effets sont statistiquement indépendants mais seraient additionnels : pour une diminution de 40 % du LDL et une augmentation de 30 % du HDL, il y aurait une diminution de 70 % du risque CV, ce qui représenterait une véritable révolution dans la prévention du risque CV.   Sous statines, le taux de HDL reste inversement corrélé au risque vasculaire   L’étude de Framingham, confirmée par de multiples travaux, a mis en évidence une relation inverse entre le taux de HDL et la morbi-mortalité CV. Parallèlement, les grands essais thérapeutiques conduits avec des statines ont montré que si ces médicaments diminuent bien le taux de LDL et la morbidité vasculaire, il persiste un risque résiduel chez les patients traités, malgré des taux de LDL parfois très bas comme dans TNT. Ce risque résiduel peut être attribué à de multiples facteurs, dont le taux de HDL : en effet, ces essais montrent que l’incidence des événements CV est inversement proportionnelle au niveau de HDL à l’inclusion et donc qu’un taux bas de HDL est un facteur de risque indépendant.   Reprenant, dans une analyse post hoc, les données de l’étude TNT, Barter et coll. ont cherché à déterminer si le risque vasculaire résiduel reste corrélé au taux de HDL lorsque le LDL était ramené à des niveaux très faibles.   Les 9 770 patients pour lesquels l’on disposait du dosage de HDL ont fait l’objet de ce travail. Les résultats ont tout d’abord confirmé la valeur prédictive des taux de HDL au 3e mois de traitement chez les patients sous statines (40 % d’événements coronariens majeurs en moins lorsque le quintile le plus élevé de HDL est comparé au quintile le plus bas ; p = 0,04). Les auteurs se sont ensuite intéressés tout particulièrement au sous-groupe de sujets ayant atteint l’objectif d’un LDL < 0,70 g/l. Chez ces malades, en analyse multivariée, le taux de HDL sous statines demeure prédictif de la survenue d’événements CV majeurs puisque les sujets du quintile supérieur (> 0,55 g/l) ont eu, en 5 ans, 39 % d’événements de moins que ceux du quintile inférieur (< 0,37 g/l) [IC à 95 % entre - 3 et - 62 % ; p = 0,03].   Au total, même chez les sujets correctement traités par statines, un taux bas de HDL demeure un facteur de risque CV.   Plus récemment, une étude espagnole présentée à la session 2008 de l’ESC a attiré l’attention sur la très forte prévalence d’un faible taux de HDL chez les patients hospitalisés pour syndrome coronarien aigu. Dans cet essai, 648 patients ont été rétrospectivement étudiés. Un taux bas de HDL (< 0,40 g/l chez l’homme et < 0,50 g/l chez la femme) a été mis en évidence chez 404 patients, soit une prévalence de 62,3 %.   Une association à risque ?   Un travail norvégien également présenté à l’ESC va dans le même sens. Zhang et coll. ont analysé les données de la célèbre étude 4S (Scandinavian Simvastatin Survival Study) menée sur 5 ans contre placebo. Chez les patients dont le LDL était 3 1g/l après 1 an de traitement (n = 1 450), les auteurs ont comparé le risque d’événements CV majeurs chez les sujets cumulant HDL bas (< 0,40 g/l chez l’homme et < 0,50 g/l chez la femme) et LDL élevé, à celui des patients dont l’augmentation du LDL était isolée. La prévalence du HDL bas était de 37 %. Après ajustement sur le sexe, les antécédents d’HTA, d’infarctus du myocarde et de diabète, le tabagisme, le LDL et les triglycérides, il existe une relation significative entre l’association HDL bas - LDL élevé et la survenue d’événements CV majeurs, avec une augmentation du risque de 50 % (IC à 95 % : 21 à 85 %). Cette analyse post-hoc confirme le rôle majeur d’un taux de HDL bas dans la morbimortalité CV et ce, même chez les sujets bénéficiant d’un traitement par statines.   Par ailleurs, il semblerait que les objectifs en termes de HDL ne soient atteints actuellement que dans un cas sur deux sous traitement hypolipémiant. Compte tenu du faible impact des statines sur ce paramètre, un traitement adapté et spécifique du HDL aurait toute sa place aujourd’hui.   L’hypertriglycéridémie sous statines est aussi un facteur de risque   Comme l’a rappelé le Pr Leiter dans une communication à l’EASD, les grands essais d’intervention avec les statines ont montré que la persistance d’une hypertriglycéridémie constitue également un facteur de risque indépendant de pathologie CV : le taux de triglycérides (TG), et notamment le taux non à jeun, est corrélé de manière positive aux événements CV. De même, Drexel a rapporté sur une période de 5,6 ans l’ensemble des événements vasculaires survenus chez 491 patients traités par statines et ayant une coronaropathie stable. L’analyse des paramètres lipidiques a montré qu’un taux élevé de TG de même qu’un taux bas de HDL, était prédictif du risque CV.   Au total de très nombreux travaux montrent que la correction du seul taux de LDL ne permet pas d’obtenir un risque CV équivalent à celui de la population générale. Par ailleurs, un taux bas de HDL de même qu’un taux élevé de TG sont des facteurs de risque indépendants d’événement CV, et pourraient donc expliquer la persistance de ce surrisque CV chez les sujets traités par statines.   De nouvelles voies de recherche   À l’avenir, des méthodes fiables de mesure du HDL doivent être validées et il faudra conduire des études d’intervention permettant de définir précisément le taux de HDL optimal à atteindre selon le niveau de risque CV de chaque patient. Ces données devraient conduire à élaborer des recommandations incluant la prise en charge d’un HDL bas conjointement à celle du LDL.   Il sera également nécessaire de développer de nouvelles molécules efficaces sur ces paramètres et pouvant être prescrites en association aux statines.

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