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Cardiologie générale

Publié le 06 sep 2005Lecture 7 min

Le cardiologue, la migraine et l'algie vasculaire de la face

A. TEHINDRAZANARIVELO, service de neurologie, hôpital Lariboisière, Paris

La céphalée constitue à l’heure actuelle une des plaintes qui conduit fréquemment les malades à consulter ; comme tout médecin, le cardiologue est ainsi amené à les prendre en charge. Mais plus que les autres spécialistes, il y est plus souvent confronté, en raison de la comorbidité fréquente entre céphalées primaires et affections cardiologiques ; en outre, le neurologue devrait faire plus souvent appel à lui pour obtenir un avis de non-objection avant d’introduire certains traitements, notamment pour la prévention de deux variétés de céphalées primaires : la migraine et l’algie vasculaire de la face.

Migraine et algie vasculaire de la face : quoi de neuf ? Au cours des dernières années, mise à part la parution d’une nouvelle classification, il s’agit plus d’une confirmation de façon indiscutable des connaissances antérieures que de véritables nouveautés. Les moyens modernes en imagerie cérébrale ont permis de formellement établir à l’heure actuelle que la crise de migraine, comme celle d’algie vasculaire de la face, a son origine dans les structures cérébrales : – la crise de migraine avec aura est due à une dépolarisation neuronale qui se propage au niveau du cortex cérébral, appelée dépression corticale propagée, probablement initiée par des dysfonctionnements de structures neuronales situés au niveau du tronc cérébral ; – la crise d’algie vasculaire de la face est due à une activation du nerf trijumeau qui entraîne une dilatation de la carotide interne intracrânienne, un hyperfonctionnement du système nerveux parasympathique et un hypofonctionnement du système nerveux sympathique, initiée par un dysfonctionnement des noyaux de l’hypothalamus postérieur. Elle est le chef de file de ce qu’on appelle aujourd’hui céphalée trigémino-autonomique. Il va sans dire que ces connaissances sont en train de modifier notre approche de la prise en charge de ces affections, y compris la compréhension des symptômes.   Les reconnaître et les distinguer Les nouveaux critères diagnostiques sont précisés dans le tableau. En pratique, migraine et algie vasculaire de la face se différencient des autres céphalées primaires par : – leur évolution par crises à chaque fois complètement régressives, – l’association d’un mal de tête, – une modification de l’état général. L’absence de cette modification de l’état général aide souvent le malade, en pratique, à distinguer les céphalées de tension des deux autres, surtout de la migraine.   Altération de l’état général Dans la migraine, cette modification de l’état général consiste en « un état d’intolérance à tout » (bruit, lumière, odeur, mouvement ou travail manuel, concentration ou travail intellectuel, lecture, compagnie, etc.), qui accompagne, fait suite et parfois précède, le mal de tête. Dans l’algie vasculaire de la face, il s’agit plutôt d’une fatigue excessive avec transpiration, indépendante de la durée de la crise, comme si le patient venait de courir plus de 10 km en course de vitesse. Cet état disparaît complètement à chaque fois, quelques heures après la disparition de la douleur. Parfois, il peut persister plusieurs jours si bien qu’il devient aussi handicapant, sinon plus que la douleur. Dans la céphalée de tension, rien de tout cela n’accompagne la douleur. Il y a parfois raideur des muscles cervicaux. C’est le mal de tête banal dont 93 % d’entre nous seront amenés à souffrir un jour au cours de leur vie.   Caractéristiques de la douleur Dans la migraine, elle se caractérise par son installation progressive (généralement en 2 à 4 heures), sa durée (plusieurs heures à plusieurs jours), la présence de « l’état d’intolérance à tout » sus-décrit (qui amène le patient à aller s’isoler, se coucher, sans bouger, sans bruit et dans le noir), et enfin l’association fréquente avec des symptômes digestifs. Ce mal de tête, qui, à chaque fois disparaît complètement, change de côté d’une crise à l’autre au cours des années, et permet ainsi de rassurer les patients sur sa bénignité. Dans l’algie vasculaire de la face, le mal de tête se reconnaît par son caractère unilatéral, généralement centré sur un œil, extrêmement sévère à sévère, à début et fin brutaux, sans périodicité quotidienne ou pluriquotidienne, avec ou sans périodes de rémission. Sont associés à cette douleur et siégeant du même côté : - des signes d’activation des fibres parasympathiques post-ganglionnaires (larmoiement, rougeur conjonctivale et congestion puis catarrhe nasal) ; - des signes de dysfonctionnement des fibres sympathiques post-ganglionnaires (myosis, ptôsis et syndrome de Claude Bernard Horner partiel). Et enfin, tout au long de la crise, le patient est immobile, assis ou debout, la main sur le front ou l’œil douloureux, ou à l’inverse, « comme un ours en cage » il ne tient pas en place, a envie de tout casser, de s’arracher l’œil douloureux ou de sauter par la fenêtre. À la fin de la crise, il présente une transpiration excessive localisée au front ou généralisée, une poly- ou pollakiurie (inconstante) et surtout une grosse fatigue, accompagnée d’un soulagement profond. Dans la céphalée de tension, la douleur est généralement peu sévère, bilatérale (frontale, occipitale ou fronto-occipitale) ou diffuse, décrite comme lancinante, sensible à tout antalgique mais récidivant dès le lendemain, parfois pour plusieurs jours. Enfin, si l’on ajoute que la migraine est plus fréquente chez la femme, alors que l’algie vasculaire de la face l’est plus chez l’homme, il est rare que l’on puisse les confondre.   Qu’attend le neurologue de la part du cardiologue ? Le diagnostic de migraine, de céphalée de tension ou d’algie vasculaire de la face est en général posé par le médecin généraliste. Les patients qui arrivent jusqu’au neurologue sont ceux qui présentent des crises trop fréquentes, et qui posent l’indication d’un traitement de fond.   Dans la migraine Cette indication est formelle en pratique, lorsque le patient présente régulièrement une crise à moins de 10 jours d’intervalle. Les bêtabloquants en général et en particulier le propranolol 20 à 40 mg par jour et le métoprolol 100 à 200 mg par jour constituent le traitement préventif de référence dans la migraine. Chez certains patients ayant des crises de migraine avec aura, la prise de bêtabloquants entraîne une augmentation de la fréquence, de la durée, voire de la sévérité de l’aura. Cela conduit parfois le neurologue à proposer de les éviter chez les patients qui ont présenté des crises de migraine avec aura. Cependant, aucun facteur prédictif de la survenue d’une telle aggravation n’a été clairement identifié. Rien ne justifie donc une attitude rigide au départ. Cependant, en cas d’aggravation, un arrêt du traitement s’impose. Des études ont montré l’existence d’une association fréquente entre migraine avec aura et foramen ovale perméable. Certains proposent à ces patients de fermer le foramen ovale perméable pour prévenir les crises de migraine avec aura. Peu de neurologues y ont actuellement recours en France, même si le geste est devenu de moins en moins risqué entre des mains expertes. Le cardiologue est aussi consulté en cas de bradycardie avant ou après mise en route du traitement, chez les patients prenant un antihypertenseur, ou si l’on découvre fortuitement une hypertension artérielle… En général, la question est assez facile à résoudre. Cependant, elle l’est moins dans l’algie vasculaire de la face.   Dans l’algie vasculaire de la face Peu de patients supportent des crises quotidiennes ; en général, tous réclament un traitement préventif à chaque épisode. Le traitement de référence de cette affection est aujourd’hui le sumatriptan 6 mg en injection sous-cutanée pour le traitement de la crise, et le vérapamil 360 à 1 800 mg en 3 prises par jour pour le traitement préventif de la crise. La fréquence du tabagisme et de l’hypertension artérielle chez ces patients, l’existence de cas rapportés d’infarctus du myocarde sous sumatriptan chez des patients de sexe masculin âgés de plus de 40 ans, l’importante dose nécessaire dans certains cas pour être efficace, et la relative rapidité de l’augmentation en cas d’échec (l’absence de réponse à une dose est en général prononcée au bout de 3 à 5 jours de traitement non suivis de réduction de la fréquence des crises) nous amènent à demander l’avis d’un cardiologue avant sa mise en route. L’objectif de la consultation cardiologique sera à la fois de dépister et de prévenir le risque coronarien comme les contre-indications éventuelles à des fortes doses de vérapamil. Dans certains cas, le neurologue attend du cardiologue un changement du traitement antihypertenseur en cours compte-tenu de la nécessité du traitement par le vérapamil. En cas d’impossibilité absolue, il nous est toujours possible de remplacer le vérapamil par le lithium ou le topiramate, mais au prix de problèmes d’observance ou de tolérance (contrôle biologique régulier pour le lithium et risque de dépression parfois sévère pour le topiramate).   En cas de céphalées de tension Il est rare de faire appel au cardiologue, mis à part le risque exceptionnel de poussées tensionelles et de troubles du rythme supraventriculaires associés aux tricycliques, traitement de première intention de cette variété de céphalées.   Conclusion   La cardiologie a beaucoup apporté dans le traitement préventif des patients qui présentent des céphalées primaires avec des crises fréquentes. Les médicaments développés pour des affections cardiologiques ont été les premiers à réduire la fréquence de ces céphalées, particulièrement dans la migraine et dans l’algie vasculaire de la face. Dans la prise en charge des céphalées, le neurologue et le cardiologue sont conduits à travailler en tandem, comme c’est déjà le cas pour d’autres pathologies, notamment vasculaires. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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