Risque
Publié le 20 avr 2004Lecture 5 min
Le risque cardio-vasculaire chez l'hypertendu
La notion de risque cardio-vasculaire chez l’hypertendu sous-tend deux questions majeures — Comment l’évaluer ? Comment le faire diminuer ? — auxquelles Xavier Girerd (Paris) et Roland Asmar (Paris) ont apporté un éclairage dans le cadre d’un débat lors du 20e Salon de Cardiologie Pratique. L’extrême difficulté à laquelle se heurtent les cardiologues aujourd’hui ne concerne ni les patients à très haut risque, facilement identifiables, ni ceux à très bas risque, mais concerne la conduite à tenir face à tous ceux qui n’entrent pas dans l’une ou l’autre de ces catégories. Cela suppose d’abord l’utilisation des outils d’évaluation du risque et la connaissance des facteurs de risque.
En matière de facteurs de risque, la liste s’est progressivement allongée. Outre les quatre principaux que sont la pression artérielle, l’âge, les dyslipidémies et le tabagisme, il faut aussi prendre en compte les antécédents cardio-vasculaires personnels et familiaux, l’obésité abdominale (> 102 cm chez l’homme et > 88 cm chez la femme) et les marqueurs de l’inflammation, en particulier la CRP (> 3 mg/l). Si cette dernière est reconnue comme un facteur de risque cardio-vasculaire indépendant, gardons à l’esprit que nombre de situations cliniques s’accompagnent d’une augmentation de la CRP et qu’à l’inverse, elle s’abaisse aussi bien sous régime que sous statines, par exemple.
Nous disposons également des marqueurs de l’atteinte viscérale que sont l’hypertrophie ventriculaire, l’athérome carotidien précoce (évalué par l’épaisseur intima-média) et l’atteinte rénale (décelée par la présence d’une albuminurie, voire d’une micro-albuminurie).
Comment évaluer le risque ?
La décision de traiter est aujourd’hui basée sur la prise en compte du risque cardio-vasculaire. À l’échelle d’un individu, la détermination du niveau de risque peut être fondée sur :
- les antécédents familiaux et personnels : les études ont bien montré que le premier risque à éviter est la récidive ; ainsi l’essai PROSPER (PROspective Study of Pravastatin in the Elderly at Risk) en prévention secondaire des AVC a mis en évidence 33 récidives/1 000 patients dans le groupe non traité, comparativement à 10 événements coronaires ; l’étude EUROPA (EUropean trial on Reduction Of cardiac events with Perindopril in stable coronary Artery disease) a aussi montré un risque accru de récidive coronaire, comparativement aux autres événements vasculaires dans le groupe placebo ;
- le diabète, qui majore le risque de coronaropathie, mais à un moindre niveau toutefois qu’un antécédent d’événement coronarien ;
- une situation de prévention primaire ou secondaire : selon l’étude PROGRESS (Perindopril pROtection aGainst REcurrent Stroke Study), 6 %/an des patients inclus feront un nouvel AVC et les patients dont la PA est contrôlée (< 16/9 cmHg, selon les critères de l’étude) ont deux fois moins de risque.
Les outils de calcul du risque
Des outils ont été élaborés à partir du suivi de trois cohortes : Framingham, PROCAM et PRIME. Les deux premières sont assez modestes en termes de nombre d’événements et concernent des populations non européennes, suivies il y a plus de 20 ans (tableau 1).
Une première table de risque, établie par la Société Européenne de Cardiologie, en fonction du niveau tensionnel et des niveaux de risque (0, 1-2, ≥ 3, atteinte viscérale), n’est valable que pour l’ensemble de l’Europe, avec de grandes inégalités selon les pays. La grille SCORE fait, elle, la différence entre les pays du nord et du sud de l’Europe, la France appartenant au sud. Seul bémol, elle permet d’apprécier le risque de mortalité et non les risques morbides qui intéressent surtout les patients.
Ces tables de risque étant difficiles à utiliser, des calculateurs de risque ont été créés, mais ils sont basés sur l’équation de Framingham, qui, appliquée aux populations européennes, majore considérablement le risque coronaire ; il faut donc corriger le résultat. Cependant, il faut encore tenir compte d’un autre gradient de risque nord/sud au sein des pays et en Europe ; ainsi dans l’étude INSIGHT (International Nifedipine Study Intervention as a Goal in Hypertension Treatment), on compte 2,6 événements cardio-vasculaires en France, contre 7,2 au Royaume-Uni.
Quel seuil de risque choisir ?
Selon les calculs réalisés en Grande-Bretagne, il ne faut pas prendre un seuil trop élevé (≥ 30 %) mais plutôt un seuil moyen (≥ 15 %).
En pratique
Si l’on considère un patient hypertendu ayant un cholestérol total de 2,5 g/l, un HDL-C de 0,35 g/l, une PAS de 180 mmHg et non fumeur, le risque varie selon l’âge : son risque de coronaropathie est beaucoup plus élevé à 70 ans qu’à 50 ans (26 vs 13 %) et supérieur au risque d’AVC (13 vs 4 %) ; chez ce patient, le risque cardiaque surpasse le risque cérébral. Les études INSIGHT et SHEAF (Self mesurement of blood pressure at Home in the Elderly Assessment and Follow-up) sur des cohortes françaises ont confirmé cette notion, comme les études SCOPE (Study on COgnition and Prognosis in Elderly hypertensives) et PROSPER (tableau 2).
Comment diminuer ce risque ?
Les antihypertenseurs ont montré une efficacité en prévention du risque cérébral d’autant plus forte que le risque est élevé (étude STOP [Swedish Trial in Old Patients with Hypertension]). Ils sont efficaces en prévention primaire et secondaire, et plus efficaces en prévention des AVC que des coronaropathies.
Pour faire baisser le risque de maladie coronaire en diminuant la pression artérielle, il faut la diminuer d’au moins 4 à 5 mmHg (tableau 3).
Les statines diminuent le risque coronaire dans tous les essais (tableau 3). À l’évidence, la combinaison des deux traitements diminue les deux risques.
En bref
• Le calcul du risque cardio-vasculaire chez l’hypertendu est utile, mais les outils nécessitent d’être améliorés.
• La maladie coronaire est la complication la plus fréquente.
• Le traitement antihypertenseur diminue le risque d’AVC alors que les statines abaissent le risque coronaire. Leur combinaison est logique pour diminuer les deux risques.
L’inhibition du SRAA apporte-t-elle une protection spécifique ?
Le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) est impliqué aux niveaux sérique et tissulaire, ce qui lui confère un intérêt particulier. Les agents thérapeutiques qui agissent à ce niveau du contrôle tensionnel (IEC, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II et antialdostérone) ont montré leur efficacité dans le contrôle de la pression artérielle et la prévention du risque cardio-vasculaire.
Les IEC diminuent le risque de complications cardio-vasculaires chez l’hypertendu (diminutions de 22 % des événements cardio-vasculaires, de 26 % de la mortalité cardiaque et de 20 % des IDM sous ramipril dans l’étude HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation study), comparativement au placebo). Leur bénéfice est observé non seulement chez les hypertendus mais chez les pa-tients à haut risque. Ainsi, les IEC et les ARA II sont recommandés chez le diabétique pour traiter la néphropathie diabétique.
Les IEC ont fait la preuve qu’ils possèdent non seulement un impact sur la pression artérielle mais qu’ils agissent aussi sur la paroi artérielle. Dans une étude réalisée chez des malades dialysés, par G. London, à niveau de pression artérielle comparable, une amélioration conséquente du pronostic a été observée sous traitement par IEC (amélioration de la rigidité artérielle et baisse de la morbi-mortalité).
L’étude ONTARGET (ONgoing Telmisartan Alone and in combination with Ramipril Global Endpoint Trial) est une étude de très grande envergure qui va évaluer les effets d’une combinaison thérapeutique d’un ARA II de très longue durée d’action, le telmisartan, et d’un IEC, le ramipril. Dans le programme ONTARGET, qui inclut l’étude du même nom et l’étude TRANSCEND (Telmisartan Randomized AssessmeNt Study in aCE iNtolerant subjects with cardiovascular Disease), 28 400 patients devraient être inclus : 23 500 dans ONTARGET, 5 000 dans TRANSCEND. Le schéma de l’étude ONTARGET comporte trois bras de randomisation : telmisartan versus ramipril versus telmisartan + ramipril.
Au total
Nous disposons de traitements efficaces pour diminuer le risque cardio-vasculaire chez les hypertendus. L’avenir appartient probablement à des traitements qui agissent directement sur la paroi artérielle, en plus de leur effet systémique.
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