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Risque

Publié le 20 fév 2007Lecture 8 min

Le risque cardiovasculaire après 75 ans : une prise en charge pertinente ?

O. HANON, hôpital Broca, Service de gériatrie, Paris


Congrès Risque cardiovasculaire
Dans 40 ans, les Français âgés de plus de 65 ans seront au nombre de 20 millions (dont 10 millions âgés > 75 ans) et l’espérance de vie des femmes à la naissance atteindra les 90 ans. Comme la prévalence des facteurs de risque cardiovasculaire est plus élevée chez le sujet âgé, leur importance, c’est-à-dire le risque attribuable, augmente aussi avec l’âge.

Évaluation du risque CV   L’âge est un facteur de risque les plus puissants En termes de santé publique, une intervention sur un facteur de risque s’avère d’autant plus efficace que sa prévalence dans la population est élevée. L'âge étant l’un des facteurs de risque les plus puissants, les personnes âgées présentent un risque vasculaire absolu plus élevé que les plus jeunes. Ainsi, la prise en compte du risque absolu tendrait à privilégier le bénéfice de l’intervention thérapeutique chez les sujets âgés, alors que celle du risque relatif conduirait à favoriser le traitement chez les sujets jeunes. Par exemple, lorsque l’on traite un sujet âgé, le bénéfice à court terme de l’action thérapeutique est beaucoup plus probable que chez un individu de cinquante ans chez qui le bénéfice du traitement n'est à envisager qu'à moyen ou long terme.   Apprécier le risque chez le grand vieillard est donc difficile L’appréciation du risque cardiovasculaire chez le grand vieillard est difficile et nous ne disposons pas de moyens adéquats chez des sujets > 80 ans. Le modèle de Framingham n’est applicable que jusqu’à 74 ans, celui de SCORE que jusqu’à 80 ans. Les calculs du risque, tels ceux dérivés de l’équation de Framingham, dépendent fortement de l’âge et l’importance de l’âge dans le modèle est souvent considérée comme excessive : il alourdit le risque chez les sujets âgés (ce qui peut aboutir à proposer une prise en charge à un très grand nombre de sujets âgés) et peut, chez des sujets jeunes, faire différer les interventions thérapeutiques. Ainsi, la proportion de patients ayant un risque de cardiopathie ischémique > 20 % dans les 10 ans augmente avec l’âge et passe de 11 % entre 60-69 ans à 22 % entre 70-79 ans chez l’homme.   Les études ne concernent pas le plus souvent les grands vieillards La majorité des études qui ont démontré les bénéfices liés à la correction des facteurs de risque cardiovasculaire modifiables ont en réalité été obtenues dans des populations dont l’âge moyen était voisin de 65 à 70 ans. Ainsi, la question de leur validité dans les populations de sujets très âgés mérite d’être posée. En l’absence d’essais thérapeutiques spécifiquement dédiés à la personne très âgée, on dispose des données épidémiologiques (registres) et des analyses en sous-groupes concernant les tranches d’âge les plus élevées.   Prise en charge de l’HTA chez le sujet âgé Les données d’une métaanalyse, portant sur un million d’individus, ont montré que, quel que soit l’âge, même après 80 ans, l’hypertension artérielle (HTA) reste un important facteur de risque de mortalité CV. Les résultats indiquent que, même dans les tranches d’âge les plus élevés (80-89 ans), une pression artérielle (PA) élevée s’accompagne d’un risque significativement augmenté de mortalité par accident vasculaire cérébral (AVC) et /ou par coronaropathie. Dans les années 70, l’élévation de la pression artérielle avec l’âge était considérée comme un « effet physiologique » du vieillissement, parfois perçu comme souhaitable pour le maintien des débits viscéraux. Depuis 1985, plusieurs essais contre placebo ont démontré que le traitement antihypertenseur permet une diminution des principales complications CV liées à l’HTA chez les sujets > 60 ans. Exprimés en « nombre de patients à traiter », les résultats de l’étude SHEP (Systolic Hypertension in the Elderly Program) permettent de calculer que pour prévenir un AVC avec le traitement antihypertenseur, il faut traiter 17 hypertendus > 80 ans pendant 5 ans, alors qu'il est nécessaire d'en traiter 83 de 65 ans et 152 de 50 ans pour obtenir le même bénéfice.   Le bénéfice du traitement antihypertenseur a pu être démontré après 80 ans   Dans l’étude SCOPE (Study on COgnition and Prognosis in Elderly hypertensives), chez 4 964 patients hypertendus âgés de 70 à 89 ans, le traitement antihypertenseur permet de réduire le risque d’AVC au moins jusqu’à l’âge de 89 ans. Une métaanalyse montre que la baisse tensionnelle obtenue par les médicaments chez les hypertendus > 80 ans permet de diminuer les complications cardiovasculaires non mortelles (AVC et insuffisance cardiaque). En revanche, aucun effet sur la mortalité totale n’est observée, celle-ci étant même légèrement augmentée mais de façon non significative + 6 % [IC 95% : -5 à +18] (tableau 1). L’étude « HYVET pilote » (HYpertension in the Very Elderly Trial), chez 1 283 hypertendus âgés > 80 ans, va dans le même sens et indique une réduction significative de 53 % des AVC dans le groupe traitement (versus témoin) au terme d’un suivi de 13 mois. En résumé, tous ces éléments soulignent que la baisse tensionnelle obtenue par le traitement antihypertenseur des sujets > 80 ans permet de diminuer la morbidité liée aux principales complications de l’hypertension que sont l’AVC et l’insuffisance cardiaque, sans toutefois diminuer la mortalité.   Prise en charge de l’hyper-cholestérolémie chez le sujet âgé Les travaux concernant la valeur péjorative de l’hypercholestérolémie chez le sujet âgé ne sont pas tous concordants. En effet, chez la personne âgée, le taux de cholestérol plasmatique reflète aussi l’état nutritionnel, qui en cas de dénutrition, est fortement corrélé à la mortalité. Ainsi, plusieurs études indiquent une atténuation de la valeur péjorative de l’hypercholestérolémie avec l’âge. L’effet délétère du LDL-C diminue avec l’âge et c’est le HDL-C qui devient un élément majeur. Après 70 ans, l’hypercholestérolémie n’apparaît pas associée à la mortalité globale, la mortalité coronarienne ou la survenue d’infarctus du myocarde (IDM). Chez les très grands vieillards, les taux élevés de cholestérol semblent même plutôt protecteurs. Ainsi, le suivi pendant 10 ans de sujets > 85 ans (âge moyen 89 ans) a montré que chaque augmentation de 1 mmol/l du taux de cholestérol s’accompagne d’une diminution de 15 % de la mortalité (RR 0,85 ; IC95% : 0,79-0,91). Des résultats similaires sont retrouvés dans l’étude de Honolulu dans laquelle 3 572 sujets âgés initialement de 71 à 93 ans ont été suivis pendant 20 ans. On observe une diminution du risque relatif de mortalité de 28 % (RR = 0,72 , IC95% : 0,60 – 0,87) chez les sujets ayant les taux de cholestérolémie les plus élevés. En revanche, le risque d’AVC est augmenté chez les sujets dont le HDL-C reste bas. De façon similaire, la Cardiovascular Health Study indique une corrélation inverse entre le HDL-C et le risque d’IDM alors que la relation positive apparaît plus faible pour le cholestérol total et le LDL-cholestérol. Au total, le cholestérol et le LDL-C apparaissent comme de mauvais indicateurs du risque CV chez le sujet âgé ; en revanche, un taux bas de HDL-C reste un facteur de risque même chez le très grand vieillard : après 85 ans il est associé à un doublement du risque de pathologie CV fatale. Deux grandes études d’intervention médicamenteuse ont inclus des sujets âgés > 75 ans, HPS et PROSPER. Leurs résultats indiquent l'intérêt des statines en prévention secondaire des accidents vasculaires, essentiellement coronaires, chez des sujets à risque, relativement âgés, même lorsque les taux de cholestérol ne sont pas très élevés. Dans HPS (Heart Protection Study) , la simvastatine à la dose de 40 mg/j chez des sujets âgés de 40 à 80 ans (dont 5 806 avaient plus de 70 ans et 1 263 plus de 75 ans à l'inclusion) suivis pendant 5 ans réduit la mortalité totale (grâce à une baisse de 18 % de la mortalité coronaire) et réduit de 24 % la survenue du premier événement vasculaire grave, quel que soit le taux de cholestérol initial. L’étude PROSPER (PROspective Study of Pravastatin in the Elderly at Risk), montre également que la pravastatine à la dose de 40 mg/j pendant 3 ans chez des sujets de 70 à 82 ans réduit les décès coronariens et les infarctus du myocarde non mortels (mais pas les AVC) dans le groupes de sujets en prévention secondaire (RR = 0,80 [0,68 – 0,94]). En revanche, aucun bénéfice du traitement n’est retrouvé en prévention primaire (RR = 0,94 [0,78 – 1,14]). L’étude des vétérans, menée sur un échantillon de 1,5 million d’individus (dont 46 % âgés > 70 ans) indique une réduction significative de la mortalité de 46 % (OR = 0,54 [0,42- 0,69]) sous statines, en particulier lorsqu’il existe de nombreux facteurs de risque CV associés. Dans les suites d’un syndrome coronaire aigu, l’étude PROVE-IT (PRavastatin Or atorVastastin Evaluation and Infection Therapy) indique une réduction plus importante des événements cardiovasculaires chez le sujet âgé (OR = 0,60 (0,41-0,87) comparativement aux plus jeunes (OR = 0,74 (0,59-0,92). Après 70 ans, le traitement par statines a ainsi prévenu la survenue de 80 événements sur 2 ans alors qu’avant 70 ans seuls 23 événements CV ont été évités. Enfin, une métaanalyse récente, regroupant 90 056 sujets inclus dans 14 essais randomisés ayant étudié une statine, montre un bénéfice du traitement même après 75 ans, caractérisé par une réduction significative des événements coronaires majeurs de 12 % sous statines (tableau 2). Au total, l’effet d’un traitement par une statine en prévention secondaire fait diminuer le risque cardiovasculaire, essentiellement coronaire, au moins jusqu’à 82 ans. En revanche, l’instauration d’un traitement en prévention primaire n’est pas recommandée après 80 ans (AFFSAPS). Enfin, la poursuite d’un traitement débuté en prévention primaire après 80 ans est à envisager si le patient présente plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire, qu’il n’existe pas d’autre pathologie non cardiovasculaire réduisant l’espérance de vie et que la tolérance du traitement est bonne.   En pratique   Par définition, le sujet âgé est un sujet à haut risque cardiovasculaire. La pertinence de la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire observés dans cette tranche d’âge est difficile, car les essais d’interventions thérapeutiques sont rares, voire inexistants. Des données récentes suggèrent que, même après 80 ans, le traitement de l’hypertension artérielle diminue la survenue des AVC. Le cholestérol n’est pas un bon indicateur du risque cardiovasculaire chez le sujet âgé, et c’est le HDL-C qui semble plus pertinent. L’intérêt du traitement par statines est démontré en prévention secondaire jusqu’à 82 ans. La décision de traiter ou non doit reposer pour chaque individu, non pas sur l’âge réel mais sur une analyse individuelle qui prend en compte l’espérance de vie, l’existence d’une comorbidité, l’atteinte des organes cibles, la tolérance, le risque iatrogène et la la qualité de vie du patient.

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