Publié le 29 jan 2008Lecture 5 min
L'enjeu des années futures dans le traitement des dyslipidémies : comment agir sur le risque résiduel sous statine ?
M. FARNIER, Point Médical, Dijon
AHA
Dans de nombreuses études de prévention cardiovasculaire réalisées avec les statines, le risque résiduel est plus élevé chez les patients ayant un HDL-cholestérol (HDL-C) bas et chez ceux qui présentent la triade lipidique triglycérides (TG) élevés, HDL-C bas et excès de LDL petites et denses. L’enjeu des années futures dans le domaine des dyslipidémies est d’identifier les stratégies thérapeutiques qui permettraient de réduire ce risque résiduel observé sous statine.
L’inhibition de la CETP : l’étude ILLUMINATE
Il existe plusieurs voies de recherche pour agir sur les HDL-C, la plus avancée étant l’inhibition de la CETP, la protéine de transfert de cholestérol estérifié. Mais le développement du torcetrapib a été interrompu début décembre 2006 lorsqu’a été rapporté un surrisque de décès et d’événements cardiovasculaires dans le groupe traitement actif par le torcetrapib par rapport au groupe placebo dans l’étude de prévention ILLUMINATE (the Investigation of Lipid Level Management to Understand its Impact on Atherosclrotic Events). Les résultats complets de cette étude étaient attendus pour tenter d’interpréter ce surrisque.
Dans cette étude, 15 067 patients à haut risque, traités préalablement par des doses d’atorvastatine permettant de ramener le LDL-cholestérol (LDL-C) en dessous de 1,0 g/l, ont été randomisés en deux groupes, un groupe torcetrapib 60 mg par jour, et un groupe placebo. Cette étude devait s’étaler sur 4,5 années mais, après un suivi médian de seulement 550 jours, elle fût interrompue prématurément.
Certes, à 12 mois, le torcetrapib avait augmenté le taux de HDL-C de 72 % et diminué le LDL-C de 25 %, mais 464 événements cardiovasculaires étaient rapportés dans le groupe torcetrapib contre 373 dans le groupe placebo (hazard ratio HR = 1,25, p = 0,001) et 93 décès de toutes causes étaient survenus sous torcetrapib contre 59 sous placebo (HR = 1,58, p = 0,006). L’excès de décès provient à la fois de décès cardiovasculaires (49 vs 35) et non cardiovasculaires (40 vs 20). Dans le groupe de patients recevant le torcetrapib, il a été trouvé une augmentation de la pression artérielle (+ 5,4 mmHg pour la PAS), une réduction de la kaliémie et des augmentations de la natrémie, des bicarbonates et de l’aldostérone (toutes ces modifications étant à nouveau très significatives).
Tous ces éléments sont en faveur d’un effet néfaste direct lié à la molécule : le torcetrapib active le système rénine-angiotensine-aldostérone ; en parallèle, des travaux ont montré que d’autres inhibiteurs de la CETP n’ont pas cet effet délétère. Est-ce que cette explication suffit pour innocenter l’inhibition de la CETP ?
La question est plus complexe et plusieurs autres résultats de l’étude ILLUMINATE sont troublants : l’excès de décès non cardiovasculaires provient plus de décès par cancers (24 vs 14) et par infection (9 vs 0). Certes, sur de petits nombres, le hasard peut avoir joué, mais cela soulève surtout la question d’une modification de la fonction des HDL-C sous torcetrapib. Les HDL-C ont bien d’autres fonctions en dehors d’assurer le transport inverse du cholestérol, notamment des fonctions sur les phénomènes inflammatoires, infectieux, immunitaires, etc. Toute modification du métabolisme des HDL-C doit évaluer non seulement l’effet statique de modifications des paramètres lipidiques, mais aussi l’effet de la molécule testée sur le métabolisme des HDL-C et la fonctionnalité des HDL-C. De plus, et de façon un peu paradoxale, il a été observé dans une analyse post-hoc un risque de décès et d’événements cardiovasculaires plus élevé chez les patients chez lesquels l’élévation de la pression systolique était en dessous de la médiane de variation. L’élément en revanche un peu rassurant vis-à-vis de l’inhibition de la CETP provient du fait que, toujours dans une analyse post-hoc, moins d’événements cardiovasculaires majeurs sont survenus chez les patients qui avaient les augmentations les plus importantes du HDL-C.
Il est vraisemblable que les résultats négatifs de l’étude ILLUMINATE soient dépendants à la fois d’un effet toxique propre de la molécule, le torcetrapib, et d’un effet néfaste d’inhibition de la CETP pour certains patients de la population étudiée.
Ce dernier élément déterminera le futur dans cette famille de médicaments. Il convient de définir le plus précisément possible quelle population pourrait a priori tirer bénéfice d’un inhibiteur de la CETP. Sur un plan physiopathologique, il est irraisonnable d’inhiber la CETP chez les patients pour lesquels la voie de retour du cholestérol au niveau du foie se fait essentiellement par transfert d’esters du cholestérol des HDL-C vers les lipoprotéines athérogènes sous l’influence de la CETP. Pour ces patients, c’est plutôt une activation de la CETP qui doit être envisagée !
Des associations pour une action conjointe sur les triglycérides : l’étude FIELD
La seconde possibilité pour agir sur le risque résiduel sous statine engendré par une dyslipidémie est d’associer soit de l’acide nicotinique, soit un fibrate pour avoir une action conjointe sur les triglycérides, le HDL-C et sur le profil de taille et de densité des LDL.
Statine + fénifobrate
Ce profil de patients est fréquent en présence d’un syndrome métabolique et/ou d’un diabète de type 2. Des résultats complémentaires intéressants de l’étude FIELD (Fenofibrate micronised Intervention and Events Lowering in Diabetes) ont été présentés, résultats obtenus malheureusement dans des analyses post-hoc. Seuls 21% des patients inclus dans FIELD avaient simultanément des TG > 2 g/l et un HDL-C bas (< 0,40 g/l chez l’homme ou < 0,50 g/l chez la femme). C’est dans ce sous-groupe de patients que le risque d’événements cardiovasculaires a été le plus important dans le groupe placebo (17,8 %). Le fénofibrate a réduit significativement de 26 % le risque d’événements cardiovasculaires dans ce sous-groupe, avec une réduction du risque absolu de 4,3 %, ce qui correspond à un nombre de 23 patients à traiter pour éviter un événement. C’est malheureusement dans cette catégorie de patients que cette étude aurait dû être réalisée initialement, toutes les études de prévention avec les fibrates montrant un bénéfice très focalisé sur le sous-groupe avec des taux de TG élevés et de HDL-C bas.
Statine + acide nicotinique
L’autre possibilité est d’utiliser l’acide nicotinique ; la nouvelle forme associant la niacine à libération prolongée et un inhibiteur des flushs, le laropiprant, permet d’améliorer de façon très significative la tolérabilité de l’acide nicotinique. L’efficacité de l’association niacine/laropiprant a été comparée à la simvastatine seule et à l’association simvastatine + niacine/laropriprant.
L’association simvastatine + niacine/laropriprant permet de réduire le LDL-C d’environ 48 % avec conjointement des réductions des TG de 33 %, du non-HDL-cholestérol de 46 % et une élévation du HDL-C de 27,5 %. Le bénéfice clinique de ces associations thérapeutiques particulières devra, bien sûr, être établi ; plusieurs études de prévention sont en cours dans ce domaine telles :
- ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) pour l’association simvastatine et fénofibrate,
- AIM HIGH (Atherothrombosis Intervention in Metabolic Syndrome with Low HDL-C/High Triglyceride and Impact on Global Health Outcomes) pour l’association simvastatine et niacine,
- et enfin HPS2-THRIVE (Treatment of HDL to Reduce the Incidence of Vascular Events) pour l’association simvastatine ± ézétimibe et niacine + laropriprant.
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