publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Insuffisance cardiaque

Publié le 04 mar 2008Lecture 10 min

Les IEC : un traitement indispensable

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Le traitement de première intention de l’insuffisance cardiaque associée à une fraction d’éjection < 40 % est un IEC. Dans les recommandations européennes et nord-américaines pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, il est ainsi précisé : « les IEC sont indiqués comme traitement de première intention chez les patients ayant une altération de la fonction systolique du ventricule gauche (FEVG < 40 ou 45 %), qu’ils soient ou non symptomatiques, et en l’absence de contre-indication (recommandation de classe 1, niveau de preuve A) ».

    Effets hémodynamiques des IEC • Les IEC diminuent les résistances vasculaires périphériques totales et promeuvent la natriurèse. • Les IEC ne modifient pas la fréquence cardiaque. • Les IEC améliorent la fonction endothéliale par une atténuation de la vasoconstriction et par une augmentation de la production de bradykinine. • Chez les insuffisants cardiaques, les IEC entraînent une vasodilatation veineuse, augmentant la capacitance veineuse périphérique, diminuant les pressions auriculaires droites et les pressions de remplissage ventriculaires gauches et la pression capillaire. • Chez les insuffisants cardiaques, les IEC entraînent une vasodilatation artérielle, diminuant les résistances vasculaires périphériques et augmentant le débit cardiaque. • Les IEC améliorent la relaxation et la distensibilité en aigu.   Effets neuro-hormonaux des IEC • Les IEC diminuent les niveaux plasmatiques d’angiotensine II et d’aldostérone, et augmentent les niveaux plasmatiques d’angiotensine I et la libération de rénine. Lors d’une utilisation prolongée, les niveaux plasmatiques d’angiotensine II et d’aldostérone tendent à revenir à leur valeur prétraitement. • Les IEC diminuent les niveaux plasmatiques d’adrénaline, de noradrénaline et de vasopressine. • Les IEC augmentent la production de bradykinine.   Effets anti-prolifératifs des IEC • Les IEC diminuent l’hypertrophie cardiaque et vasculaire. • Les IEC diminuent la prolifération de la matrice extracellulaire. • Les IEC diminuent le remodelage ventriculaire gauche après un infarctus du myocarde. • Les IEC préviennent l’apoptose des myocytes cardiaques dans les cœurs soumis à une surcharge de pression. Le bénéfice de cette classe thérapeutique a été largement démontré par plusieurs essais cliniques et plusieurs métaanalyses.   Bénéfice global des IEC Depuis 1987, date de la parution des résultats de l’étude CONSENSUS 1, les IEC ont été évalués dans l’insuffisance cardiaque à ses différents stades cliniques, dans le postinfarctus précoce compliqué ou d’insuffisance cardiaque ou de dysfonction ventriculaire gauche et dans l’infarctus aigu du myocarde. Ces essais ont généré des métaanalyses permettant de quantifier l’effet moyen des IEC dans ces situations cliniques.   Bénéfice des IEC dans l’IC La métaanalyse des essais ayant évalué les IEC dans l’insuffisance cardiaque est parue en 1995. Elle montre que, chez les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche systolique, symptomatique ou non, les IEC permettent de réduire significativement la mortalité totale de 23 % (IC 95 % : 12 à 33 ; p < 0,001) et le risque combiné de décès et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 35 % (IC 95 % : 26 à 43 ; p < 0,001). L’ampleur de l’effet est d’autant plus importante que la fraction d’éjection ventriculaire gauche est altérée. La réduction de mortalité est essentiellement en rapport avec une diminution de la mortalité par progression de l’insuffisance cardiaque (RR : 0,69 ; IC 95 % : 0,58 à 0,83) sans réduction du risque de mort subite (RR : 0,91; IC 95 % : 0,73 à 1,12) ou du risque d’IDM fatal (RR : 0,82 ; IC 95 % : 0,60 à 1,11) (tableau 1). Effets des IEC dans l’IC et dans le post-IDM Une autre métaanalyse, parue en 2000, a pris en compte les études conduites dans l’insuffisance cardiaque et dans le post-infarctus du myocarde précoce. Ce travail confirme et renforce celui paru en 1995, et démontre que les IEC sont aussi bénéfiques chez les patients ayant eu des signes d’insuffisance cardiaque et/ou une dysfonction ventriculaire gauche précocement après un infarctus du myocarde. Dans ce travail, la réduction de la mortalité totale a été quantifiée à 26 % (RR : 0,74 ; IC 95 % : 0,66 à 0,83 ), celle du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque à 27 % (RR : 0,73 ; IC 95 % : 0,63 à 0,85), et celle du risque de réinfarctus du myocarde à 20 % (RR : 0,80 ; IC 95 % : 0,69 à 0,94).   Bénéfice des IEC dans l’IDM La métaanalyse ayant pris en compte les études conduites chez des patients en phase aiguë d’IDM est parue en 1998 et a inclus les données de 98 500 patients. Elle a montré que les IEC permettent une réduction significative de la mortalité totale à 30 j de 7 % (IC 95 % : 2 à 11 ; p < 0,004).   Bénéfice des IEC dans l’IC chez tous Le grand nombre d’essais conduits avec des IEC dans l’insuffisance cardiaque a généré de nombreuses analyses en sous-groupe où il a parfois pu apparaître que certaines catégories de patients tiraient un moindre bénéfice de ce traitement. Au gré des études, quatre catégories de patients ont ainsi paru ne pas avoir de bénéfice, ou avoir, un bénéfice moindre du traitement par IEC : • les Noirs et les diabétiques : mais, bien que certaines études prises isolément soient divergentes, les métaanalyses ont montré que l’effet des IEC était équivalent chez les Blancs et les Noirs, chez les non-diabétiques et chez les diabétiques (tableau 2) ; • les patients prenant de l’aspirine : mais une métaanalyse conduite chez plus de 20 000 patients n’est pas en faveur d’une réduction du bénéfice des IEC chez les patients recevant de l’aspirine ; • les femmes : il semble bien que les femmes soient la seule population qui tire un moindre bénéfice du traitement par IEC (tableau 2). Quels IEC et à quelle posologie ? Il est admis que l’effet des IEC dans l’insuffisance cardiaque serait un effet classe. Il n’y a, toutefois, pas d’essais thérapeutiques discriminants ayant permis de valider cette assertion. Celle-ci repose sur l’analyse des études et leur métaanalyse qui montrent un effet concordant dans tous les essais ayant évalué un IEC. De ce fait, dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, il semble utile d’utiliser les IEC évalués dans les essais discriminants en tentant d’atteindre les posologies cibles envisagées dans ces études. Il est important de retenir que l’augmentation progressive de posologie des IEC ne doit pas s’interrompre lorsque le patient est amélioré mais continuer jusqu’à la posologie cible des études ayant validé cette classe thérapeutique. Dans les essais thérapeutiques, un effet favorable des IEC sur la symptomatologie fonctionnelle et la capacité d’exercice n’a pas toujours été mis en évidence alors que la mortalité diminuait et il ne semble donc pas y avoir de corrélation entre l’effet potentiel des IEC sur des critères intermédiaires et leur effet sur le pronostic. Les IEC évalués dans les essais thérapeutiques discriminants et leurs posologies cibles sont les suivants : • l’énalapril à une posologie cible de 20 mg par jour, en deux prises de 10 mg (SOLVD) ; • le captopril à une posologie cible de 150 mg par jour, en trois prises de 50 mg (SAVE) ; • le ramipril à une posologie cible de 10 mg par jour, en deux prises par jour de 5 mg (AIRE) ; • le trandolapril à une posologie cible de 4 mg par jour, en une prise par jour (TRACE).   Modalités d’utilisation des IEC dans l’IC Les IEC sont des traitements de première intention de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée et de la dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique et doivent être proposés dans ces situations cliniques dès que le diagnostic en est fait et en l’absence de contre-indication. Dans l’insuffisance cardiaque, les IEC ne doivent pas être utilisés dans les cas suivants : • antécédent d’angiœdème sous IEC ; • sténose artérielle rénale bilatérale ; • allergie aux IEC. Ils doivent être utilisés avec prudence chez les patients ayant eu de fortes posologies de diurétiques et/ou ayant des signes de déshydratation. Dans ce cas, une réhydratation préalable peut être nécessaire. Ils peuvent mais doivent aussi être utilisés avec prudence chez les patients ayant une PAS < 90 mmHg, si celle-ci est asymptomatique. L’utilisation doit aussi être prudente dans les cas suivants : • existence d’une insuffisance rénale (créatininémie > 25 mg/l ou 221 µmol/l) ; • existence d’une hyperkaliémie (kaliémie > 5,0 mmol/l). Utilisation prudente indique qu’ils doivent être débutés à très faible posologie, très progressivement croissante, chez un patient prévenu des manifestations d’hypotension, sous surveillance de l’état d’hydratation, de la pression artérielle, de la fonction rénale et de la kaliémie. Si la kaliémie dépasse 6,0 mmol/l ou la créatininémie augmente de 50 % ou dépasse 30 mg/l (265 µmol/l), les IEC doivent être interrompus. Les facteurs de risque d’insuffisance rénale et/ou d’hypotension sont : • l’utilisation de posologies très élevées, • un âge avancé, • une insuffisance cardiaque sévère, • une utilisation de posologies élevées de diurétiques, • une insuffisance rénale préalable, • une hyponatrémie. Le schéma posologique usuellement préconisé est le suivant : • débuter à faible posologie ; • doubler la posologie toutes les 2 semaines ou plus rapidement en cas de dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique, d’insuffisance cardiaque peu symptomatique ou chez les patients hospitalisés ; • atteindre la posologie cible préconisée ou la plus forte posologie tolérée.   Les effets secondaires des IEC et leur prise en charge   L’hypotension artérielle L’hypotension artérielle est un effet indésirable possible du traitement par IEC, notamment lors de la première prise. Elle est favorisée par des situations cliniques induisant une activité rénine plasmatique élevée comme l’insuffisance cardiaque, et surtout par une déplétion sodée induite par un traitement diurétique. En cas d’hypotension symptomatique, il faut juger de la pertinence des autres traitements hypotenseurs et les interrompre chaque fois que cela paraît possible : les dérivés nitrés, les antagonistes calciques, les autres vasodilatateurs. S’il n’y a pas de rétention hydrosodée, les diurétiques seront réduits, voire arrêtés.   La toux La toux, dont le mécanisme n’est pas connu, survient chez 5 à 10 % des patients recevant des IEC. Il n’est pas toujours aisé de la distinguer d’une toux provenant d’une congestion pulmonaire ou d’une pathologie respiratoire chronique associée. La toux induite par les IEC survient après une semaine de traitement mais peut aussi apparaître après plusieurs mois de traitement. Elle justifie l’arrêt du traitement lorsqu’elle est gênante et disparaît alors en moyenne en 3 à 5 jours. La réintroduction du traitement quelques semaines plus tard, peut, chez certains patients, ne pas réinduire de toux. Il est utile de noter que la toux n’est pas dose-dépendante, qu’elle est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes et dans les populations asiatiques. En cas de toux, il faut autant que possible éliminer les autres causes de toux chez l’insuffisant cardiaque (pathologie pulmonaire, trachéale, œdème pulmonaire). S’il est nécessaire d’interrompre le traitement, un nouvel essai devra être envisagé quelques semaines plus tard, et ce n’est qu’en cas de nouvelle nécessité d’arrêt du traitement qu’il faudra alors recourir à un antagoniste des récepteurs à l’angiotensine II comme alternative thérapeutique.   L’insuffisance rénale et/ou l’hyperkaliémie L’insuffisance rénale aiguë sous IEC est globalement rare. Elle est favorisée par une déplétion volumique, le plus souvent secondaire à une utilisation de fortes posologies de diurétiques, par une hyponatrémie, par une sténose artérielle rénale bilatérale ou par un âge élevé. L’hyperkaliémie sous IEC est rare lorsque la fonction rénale n’est pas altérée. Elle survient par contre plus fréquemment sur certains terrains : sujet âgé, insuffisance rénale, diabète, association à d’autres bloqueurs du système rénine-angiotensine, utilisation de diurétiques épargneurs de potassium, d’héparine ou d’AINS. Une augmentation de la créatininémie (si elle ne dépasse pas 30 mg/l) et de la kaliémie (si elle ne dépasse pas 6 mmol/l) peut être observée en début de traitement et ne justifie pas son arrêt mais implique une surveillance plus fréquente. Un des premiers éléments à prendre en compte face à cette situation est de juger de la pertinence du maintien de traitements associés néphrotoxiques, notamment les AINS, les suppléments potassiques, les diurétiques épargneurs de potassium. S’il n’y a pas de rétention hydrosodée, les diurétiques seront réduits, voire arrêtés. Si la créatininémie et/ou la kaliémie demeurent élevés, il faut alors diminuer de moitié les posologies d’IEC et surveiller.   L’angiœdème L’angiœdème (aussi appelé œdème angioneurotique ou œdème de Quincke) est une complication très rare du traitement par IEC et peut survenir chez 0,1 à 1 % des utilisateurs. L’œdème de Quincke touche principalement les muqueuses de la bouche, des voies respiratoires (lèvres, langue, pharynx, larynx) et les paupières. Il peut également affecter les mains, les pieds et les organes génitaux. Il se manifeste par un gonflement bien délimité, ferme, rose pâle, non prurigineux. Il peut revêtir des expressions cliniques diverses allant de symptômes gastro-intestinaux (nausées, vomissements, diarrhée, colite) à une dyspnée sévère par œdème laryngé, voire au décès. Il survient plutôt lors du premier mois de traitement et plus fréquemment chez les Noirs. La survenue d’un angiœdème constitue une contre-indication à la réintroduction d’un IEC.   En synthèse   Les IEC sont indiqués comme traitement de première intention chez les patients ayant une altération de la fonction systolique du ventricule gauche (FEVG < 40 ou 45 %), qu’ils soient ou non symptomatiques, et en l’absence de contre-indication. Les contre-indications sont relativement rares et les cas d’intolérance ne dépassent pas 10 % : de ce fait, pratiquement 90 % des patients ayant une altération de la FEVG devraient recevoir un IEC au long cours, qu’ils soient ou non symptomatiques.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 67

Vidéo sur le même thème